| BÉQUILLE, subst. fém. A.− 1. Gén. au plur. Sorte de canne munie à sa partie supérieure d'une traverse et à sa partie médiane d'une poignée, sur laquelle les handicapés moteurs appuient l'aisselle et la main pour s'aider à marcher. Marcher avec des béquilles; les porteurs de béquilles (Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857-61, p. 145; Jammes, Les Géorgiques chrétiennes, Chants 5 à 7, 1912, p. 55); les gens de béquille (Barbier, Ïambes et poèmes,Il pianto le campo santo, 1840, p. 110): 1. ... un voyage de quinze jours qu'il avait fait en 1776 à Berlin, d'où il n'avait rapporté, pour tout avantage, (...), qu'une canne en forme de béquille, ...
Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 4, 1813, p. 125. 2. ... elle aperçut au chevet du lit la béquille, compagne obligée de l'infirme.
Gide, Les Caves du Vatican,1914, p. 702. − P. métaph. : 3. Ils avaient beau médire de la littérature : il leur fallait une béquille littéraire sur laquelle s'appuyer. Étranges béquilles! Christophe remarqua la puérilité bizarre des sujets qu'ils s'astreignaient à peindre.
R. Rolland, Jean-Christophe,La Foire sur la place, 1908, p. 689. − P. ext., région. Échasse (Canada 1930; Dul. 1968). − Fam. Vieille béquille. ,,Homme d'un jugement faux; radoteur`` (Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.). − Arg. ,,Potence de pendaison`` (Esn. 1966). ,,Jambe(s)`` (Sandry-Carr. 1963). 2. P. méton., le plus souvent au sing. Poignée perpendiculaire d'une canne, sur laquelle on peut prendre appui de la main. Une canne à béquille : 4. Vieille et percluse au point de ne marcher qu'avec deux cannes d'ébène à béquille d'argent, (...), elle visite les malades et surtout veille les morts.
Bernanos, Nouvelle histoire de Mouchette,1937, p. 1327. ♦ Béquille d'une ombrelle (Colette, Claudine s'en va, 1903, p. 62), Béquille d'un parapluie (R. Martin du Gard, Devenir, 1909, p. 95). B.− P. anal. dans de nombreux domaines techn. 1. [P. anal. de fonction] a) Instrument ou dispositif servant de support, d'appui : 5. ... un acacia de Virginie, étayé de béquilles de fer, garni de plâtras comme un mur, avec des branches nouées comme les doigts d'un géant goutteux.
P. Bourget, Le Disciple,1889, p. 216. b) Dispositif servant à immobiliser ou à maintenir un véhicule. − AVIAT. ,,Pièce placée à l'extrémité du fuselage d'un avion, pour assurer sa stabilité au sol`` (Guilb. Aviat. 1965). − CH. DE FER. ,,Sorte de tiges articulées et armées de petites griffes ou pattes qui leur permettent de prendre un point d'appui solide sur le sol, à la manière des jambes de l'homme, (...), pour faire avancer une locomotive sur les rails`` (Chesn. 1857). − MAR., le plus souvent au plur. Pièce(s) servant à maintenir debout un navire de petit tonnage reposant sur sa quille : 6. Depuis le moment où le jusant se fit sentir, sa bande sur tribord s'était de plus en plus accusée. À six heures du matin, à la mer basse elle atteignait son maximum d'inclinaison, et il parut inutile d'étayer le navire au moyen de béquilles.
Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 3, 1868, p. 48. − TRAV. PUBL. Pont à béquilles. ,,Pont constitué par une poutre à béquilles`` (Lar. encyclop. Suppl. 1968). Poutre à béquilles. ,, Poutre solidaire de ses appuis verticaux aux extrémités`` (Lar. encyclop. Suppl. 1968). 2. [P. anal. de forme] Objet comportant une extrémité coudée ou une traverse. ,,robinet de puisage, forme béquille, tête à croisillon``(Catal. d'instruments de lab. [Jouan],1933, p. 8). − Poignée. Spéc. Clenche dont la poignée est en forme de bec-de-cane : 7. La porte s'ouvrait, de l'extérieur, par une béquille nickelée.
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 117. − ,,Pièce mécanique de transformation du mouvement, coudée en forme de té ou de potence`` (Lhoste-Pèpe 1964). − AGRIC. ,,Instrument en forme de ratissoir qui sert à donner un léger labour à certaines cultures`` (Chesn. 1857); cf. aussi béquillon2). − ARM. Sorte de poignées fixée sous la batterie des anciens fusils de chasse pour prévenir les accidents (cf. Lar. 19e, Littré, Nouv. Lar. ill.). − CHIR. ,,Extrémité coudée d'une sonde`` (Méd. Biol. t. 1 1970). Sonde à béquille ou béquille. Sonde à extrémité recourbée (Catal. d'instruments de chir. [Collin], 1935, p. 306). − NAV. FLUVIALE. ,,Perche munie d'une traverse qui sert à mouvoir le gouvernail des bateaux de charbon, radeaux, etc. (syn. béquette)`` (DG). − Couteau à béquille. ,,Celui qui est pourvu de deux lames dont l'une demeure dans le manche lorsque l'autre en est sortie`` (Chesn. 1857). PRONONC. : [bekij]. Demi-longueur et longueur pour [i] respectivement dans Passy 1914 et Barbeau-Rodhe 1930. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1611 « bâton, soutien pour les infirmes » (Cotgr.); p. ext. 1906 arg. « jambe » (cité dans Chautard, Vie, 214 : Faire aux béquilles, saisir promptement les jambes); d'où 2. 1831 mar. (Will. : Béquilles ... Espèce de mâtereaux servant de chaque bord d'un petit bâtiment fin, lorsqu'il est échoué pour le tenir droit); 3. p. anal. de forme a) 1782 agric. (Abbé Rozier, Dict. universel d'agric., Paris, t. 2, p. 200, s.v. béquiller : La béquille est un instrument de fer recourbé); b) 1821 (Ansiaume, Arg. en usage au Bagne de Brest, f. 6, ro, § 54 : Béquille. [Potence.] En approchant de la béquille il a mangé le morceau à l'engueuseur); c) 1867 serr. (Lar. 19e: Béquille [...] Sorte de bouton qui s'adapte aux serrures au moyen d'une tige de fer).
Prob. dér. régressif de béquillon1* « petit bec », peut-être sous l'infl. de anille* « béquille », la traverse supérieure de celle-ci ressemblant à un bec. STAT. − Fréq. abs. littér. : 227. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 194, b) 254; xxes. : a) 586, b) 310. BBG. − Wind 1928 p. 38 (n. 2). |