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BÉOTIEN, IENNE, adj. et subst.
A.− Emploi adj.
1. HIST. ANC. Qui concerne les Béotiens, habitants de la Béotie, province de la Grèce ancienne. La Confédération béotienne. Organisation fédérale des principales villes de Béotie, créée pour débattre sous la présidence des Béotarques des affaires importantes de la région (d'apr. Lavedan 1964 et la plupart des dict. gén.).
Péjoratif :
1. La vaine faconde d'Athènes, qui n'étonnait plus le monde que par ses flatteries envers les rois; la gloutonnerie et la stupidité béotienne qui décrétait la paix perpétuelle, et ruinait la cité en festins; enfin l'épuisement de Sparte et la tyrannie démagogique d'Argos, tout cela ne pouvait tenir contre les intrigues, l'or et les armes de la Macédoine. Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 52.
2. P. ext., iron. et péj. Qui présente les caractéristiques de l'esprit, de l'attitude prêtés aux Béotiens (infra B 2). Avoir une oreille béotienne, une vie, des mœurs béotiennes. Synon. épais, inculte, lourd, lourdaud; anton. fin, raffiné, spirituel; athénien :
2. Mais mieux qu'un autre vous comprendrez sans doute toute la douceur que deux ames bien nées trouvent à s'occuper des beaux-arts, qui font le charme de la vie au milieu des tourmentes sociales; nous ne sommes point béotiens, monsieur, vous le voyez par ces paroles. Musset, Lettres de Dupuis et Cotonet,1836, p. 658.
Rem. Le journaliste Louis Desnoyers, avec son ouvrage Les Béotiens à Paris, 1831, popularisa ce mot dans son sens iron. et péj. (d'apr. France 1907).
B.− Emploi subst.
1. Personne qui habite la Béotie, ou en est originaire.
LING. Le béotien. Dialecte grec parlé dans la Béotie ancienne.
2. Iron. et péj., p. allus. à l'esprit des Béotiens, tel qu'il a été caractérisé par les Athéniens. Celui qui est lourd d'esprit, grossier, peu cultivé, indifférent à la production littéraire et artistique. Être un Béotien; avoir des goûts, des mœurs de Béotien. Synon. goujat, malotru, mufle, rustre :
3. André, que tant d'ambitieuses illusions berçaient encore, ne pouvait rien comprendre à l'attitude de son père, et le traitait en Béotien incompréhensif et obstiné. R. Martin du Gard, Devenir,1909p. 160.
Rem. Le plus souvent associé à des adj. dépréc. tels que épais, lourd, stupide, ignorant, grossier, etc.
Fam. Personne qui ne possède pas des connaissances suffisamment précises, dans un domaine particulier. Être un Béotien en la matière. Synon. ignorant, profane; anton. spécialiste.
PRONONC. : [beɔsjε ̃], fém. [-jεn]. Cité par Grammont Prononc. 1958, p. 83, au nombre des ex. illustrant la règle selon laquelle ,,le t devant i suivi d'une voyelle (même d'un e féminin muet) se prononce le plus ordinairement comme s sourd``.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1715 adj. « indifférent à la beauté artistique » (Les., Gil Blas, VII, 3 dans DG : Tu n'as pas, je t'assure, l'oreille béotienne); 1831-32 subst. « pers. à l'esprit lourd », supra, L. Desnoyers. Par synecdoque à partir de Béotien « habitant de la Béotie, province centrale de la Grèce » 1530 (Diodore, trad. Ch. de Seyssel, 7bdans Revue du XVIes., t. 8, p. 256 : Quand Alexandre deffist Thebes, il bailla leurs terres aux Beociens, qui estoient alentour); dér. de Béotie, suff. -ien*. Le gr. β ο ι ω ́ τ ι ο ς « de Béotie » (Iliade, 17, 597 dans Bailly) est déjà attesté au sens de « lourdaud » (Plutarque, M. 995 e, ibid.).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 32.
BBG. − Lajaunie (M.-A.). Préjugés et langage. Vie Lang. 1968, p. 669.