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BÉAT, ATE, subst. et adj.
I.− Substantif
A.− RELIGION
1. Vx. Moine ou religieuse portant l'habit, mais vivant hors du cloître, soit en particulier soit en famille. Faire des aumônes aux béats (Lar. 20e) :
1. − Violaine, non, je ne suis clerc, ni moine, ni béat. Je ne suis pas le tourier et le convers de Monsanvierge. Claudel, L'Annonce faite à Marie,1reversion, 1912, II, 3, p. 53.
2. Rare. Personne béatifiée par l'Église :
2. Par ses promotions successives de saints nouveaux et de nouveaux béats, l'église catholique tente d'une part de garder le contact avec la nouvelle religion civique (annexion de Jeanne d'Arc). Elle cherche en outre à offrir aux dernières masses populaires qui lui restent fidèles, en France, des petites divinités locales, rurales, cantonales, appropriées aux possibilités de rayonnement de cette menue clientèle (curé d'Ars, sainte Thérèse de Lisieux, etc.). J.-R. Bloch, Destin du Siècle,1931, p. 157.
P. ext., péj. Personne qui fait le dévot ou qui éprouve une satisfaction niaise de soi-même :
3. « Tu pouvais bien tant faire ta béate, avoir un chapelet de silence, − c'était une enfilée de perles qu'on portait au côté, et l'on en ajoutait une pour chaque heure de silence gardé, − tu pouvais bien te relever la nuit pour défiler des prières! Tu n'es qu'une voleuse! » Pourrat, Gaspard des montagnes,À la belle bergère, 1925, p. 97.
B.− P. anal., JEUX, vx. Joueur ,,qui dans une partie est exempt de jouer avec les autres et de payer sa part`` (Ac. 1835 et 1878). Faire un béat (Esn.1966, s.v. béatitude).
II.− Adjectif
A.− RELIGION
1. ,,Titre donné autrefois à différents religieux et religieuses. Notre béate mère`` (Lar. 20e).
2. Fam. D'une sérénité douce et bienheureuse :
4. On retrouve cette même bonne conscience spontanée chez les sujets d'asile, dont l'inertie et la déchéance mentale ont évacué toute autre perspective spirituelle qu'une extase béate et inefficace. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 691.
B.− P. ext., gén. péj.
1. [En parlant d'une attitude] Qui témoigne de la satisfaction. Air béat :
5. ... le pli est pris chez moi de rester bouche béate à vous écouter de sorte que la bizarrerie en question (...), ne me viendrait que sur le palier, me crisperait profondément le cœur et j'en aurais encore pour un an avant de revenir. Villiers de L'Isle-Adam, Correspondance,1873, p. 176.
6. La machine aussitôt s'est mise en action : Mongicourt reçoit comme un choc qui le fait sursauter et le voilà immobilisé dans son attitude dernière, les yeux joyeusement ouverts, un sourire béat sur les lèvres. Feydeau, La Dame de chez Maxim's,1914, I, 19, p. 22.
2. [En parlant d'un comportement moral] Satisfait et serein. Quiétude béate, optimisme béat; béate somnolence :
7. ... en regard de cette béate jubilation du bonhomme, il y a, dans la bouche de l'ami janséniste, l'éloquente et vive Parabole de l'Église comparée à un homme en voyage, qui est attaqué et blessé par des voleurs : ... Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 563.
Stupidité, niaiserie béate :
8. Son visage décharné était secoué par des tics; un sourire d'une béate stupidité relevait de temps en temps ses lèvres sur ses gencives. Barrès, La Colline inspirée,1913, p. 127.
Rem. Un ex. insolite où béat (d'admiration) fonctionne p. plaisant. étymol., comme synon. de bouche bée*, cf. béant* ex. 10.
PRONONC. : [bea], fém. [-at]. Fér. 1768 et Land. 1834 prononcent [t] final même au masculin.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1267-68 adj. masc. beate « heureux par un bonheur céleste » (Brunet Latin, Tresor, éd. Chabaille, 261 dans T.-L. : en po de vie d'ome ne en po de tens que il face bones oevres, ne pöons nos dire que il soit bëates); 1680 subst. masc. (Fur. : Béat. Bienheureux, homme de sainte vie. Ce mot béat ne se dit ordinairement qu'en riant, et son usage le plus fréquent est dans le stile simple, comique burlesque, ou satirique); 2. 1553 « heureux » (Rabelais, III, 4 dans Hug. : O monde heureux. O gens de cestuy monde heureux. O beatz troys et quatre foys), qualifié de ,,familier`` dans Ac. 1835. Empr. au lat. beatus « heureux » (dep. Ennius, Ann. 245, Vahl dans TLL s.v., 1909, 33 : suavis homo, facundus, suo contentus, beatus); au sens 1 lat. chrét. (Tertullien, Pudic., 21, ibid., 1914, 10).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 179.
DÉR.
Béatissime, adj.,,Superlatif, à forme latine de béat`` (Littré) qui cite un ex. tiré de André Lefèvre, Courrier littér., du 10 sept. 1877 dans lequel béatissime comme sanctissime, révérendissime se dit du pape). Seule transcr. dans Littré : bé-a-ti-ssi-m'. 1reattest. 1547 (Du Fail, Propos rustiques, ch. 7, p. 147 dans Hug.), seulement au xvies., repris au xixes.; dér. de béat, suff. -issime*.