| BÂTON, subst. masc. A.− Morceau de bois rond et allongé servant d'appui, d'arme ou d'outil : 1. Il y a un autre exercice qui caractérise partout l'esprit des nations; c'est la danse. Celle des Américains est pantomime, car ils imitent, comme des enfants, tout ce qu'ils voient faire; celle des Nègres est querelleuse, et on y voit pour l'ordinaire deux champions armés de bâtons ou de zagaies, qui feignent de se battre.
Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 297. 2. Cinq ou six groupes assis autour du feu rôtissaient des agneaux embrochés dans des bâtons.
About, Le Roi des montagnes,1857, p. 117. 3. Par quelles séries de suggestions, d'efforts et de perfectionnements le bâton pointu qui sert à enfoncer la semence dans le sol s'est-il transformé en la branche noueuse armée d'un soc qui fut la charrue, nous l'ignorerons toujours, ...
Vidal de La Blache, Principes de géogr. hum.,1921, p. 286. SYNT. Bâton d'aveugle, de berger, de pèlerin, de skieur; bâton blanc, ferré, noueux, pastoral; s'appuyer sur un bâton, faire marcher ou mener au bâton, jouer du bâton; (une volée de) coups de bâton, raide comme un bâton. − En partic. Symbole de l'autorité, du commandement. Bâton de maréchal. P. métaph. : 4. Moi, voyez-vous, si je suis ici, dans cette maison, c'est que j'ai baissé en grade. Notre bâton de maréchal, à nous autres, c'est le travail du blé, mais on ne l'a que quand on est jeune. Je suis trop vieux. Maintenant, je fais les haricots, les lentilles.
Giono, Un de Baumugnes,1929, p. 218. − Loc. Bâton de vieillesse. Soutien moral. ♦ P. métaph. : 5. Aïe! ma jambe! Aide-moi un peu, je te prie. Là! merci! Tu es mon bâton de vieillesse, le soutien de mes pas chancelants, ...
Miomandre, Écrit sur de l'eau,1908, p. 229. − Au fig., pop. Bâton épineux, merdeux. Personne désagréable : 6. Évidemment, ta mère n'était pas ce bâton épineux qu'elle est devenue plus tard. Elle avait une belle paire de nichons et une bien jolie frimousse.
Aymé, Travelingue,1941, p. 151. − Arg., au plur. Les jambes. Mettre les bâtons. Se sauver. B.− [P. anal. de forme] 1. Usuel. Objet rigide de forme allongée. Bâton de craie, d'encens; bâton de sucre d'orge, de vanille, de chocolat; bâton de rouge à lèvres : 7. ... il était né pour manier la massue, et non pour brûler des bâtons de cire à cacheter.
About, Le Roi des montagnes,1857, p. 14. − Au plur. Bâtons d'écriture : 8. C'est vers l'âge de cinq ans que j'appris à écrire. Ma mère me faisait faire de grandes pages de bâtons et de jambages. Mais, comme elle écrivait elle-même comme un chat, j'aurais barbouillé bien du papier avant de savoir signer mon nom, si je n'eusse pris le parti de chercher moi-même un moyen d'exprimer ma pensée par des signes quelconques.
G. Sand, Histoire de ma vie,t. 2, 1855, p. 257. − Loc. À bâtons rompus. D'une manière irrégulière : 9. Je m'en occupe mollement et à bâtons rompus comme je fais de tout en me laissant distraire par les moindres choses.
Maine de Biran, Journal,1818, p. 146. − Expr. Mettre des bâtons dans les roues : 10. ... Bloch croyait maintenant que non seulement je ne pouvais rester une seconde loin de gens élégants, mais que, jaloux des avances qu'ils avaient pu lui faire (comme M. de Charlus), je tâchais de mettre des bâtons dans les roues et de l'empêcher de se lier avec eux; ...
Proust, Sodome et Gomorrhe,1922, p. 1104. ♦ Fam. Mener une vie de bâton de chaise. Mener une vie déréglée; mener une vie ennuyeuse : 11. Tu mènes une vie de bâton de chaise. Tu te perds. On n'a pas idée de rester dix ans à Rio sans jamais prendre un jour de vacances.
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 44. 2. Spécialement − ARCHIT. ,,Grosse moulure en saillie à la base d'un pilastre.`` (Au plur.). Bâtons rompus. ,,Ornements en forme de boudins brisés ou de baguettes brisées décorant les arcs, archivoltes, cintres, bandeaux, pilastres, etc.`` (Noël 1968). − HÉRALD. ,,Espèce de bande qui n'a que le tiers de la largeur ordinaire, ou la moitié d'une cotice`` (Grandm. 1852) : 12. La branche cadette de la maison de Navarreins écartèle de Lansac qui est d'azur au bâton écoté d'argent, flanqué de six fers de lance aussi d'argent mis en pals...
Balzac, La Paix du ménage,1830, p. 334. − MAR. Bâton de foc. ,,Sorte de petit mât destiné à porter un pavillon`` (Gruss 1952). PRONONC. : [bɑtɔ
̃]. Demi-longueur pour [ɑ] chez Passy 1914 et Barbeau-Rodhe 1930. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) Ca 1100 bastun « long morceau de bois servant à frapper, à se déplacer » (Roland, éd. Bédier, 1825 : Ben le batirent a fuz e a bastuns); 1172-75 baston (Chr. de Troyes, Chevalier Lion, éd. W. Foerster, 4520); 1440 spéc. baton blanc « canne blanche faite d'une branche sans écorce, symbole des pèlerins, mendiants, aveugles » (Mist. du siege d'Orl., 19124 dans Gdf. Compl.); 1680 bâton de chaise (Rich. : Bâton de chaise. Morceau de bois épais de deux, ou trois pouces, et long de six, ou sept piez qu'on met dans les portans de la chaise pour la soulever et la porter par la vile); 1928 (Lar. 20e: Mener une vie de bâton de chaise, Mener une vie désordonnée, de plaisirs, de débauches probablement par allusion aux porteurs de chaises qu'on voyait traîner, avec leurs bâtons, dans toutes sortes de lieux); b) 1erquart xiiies. « soutien » (G. de Cambrai, Barlaam et Josaphat, éd. C. Appel, 5528 dans T.-L. : Mes dous fils ieres et ma joie ... Et li bastons de ma vielleche); 2. p. ext. « tout ce qui rappelle la forme d'un bâton » fin xiiies. hérald. « bande verticale dans un blason » (J. Bretel, Tournois Chauvency, éd. H. Delmotte, 2221, Ibid. : c'est cis as armes d'or, A celle bende troncenee, D'argent et d'azur est litee A deus bastons vermaus encoste); 1611 baston rompu, à bastons rompus « à la façon de bâtons entremêlés » (Cotgr.); d'où l'emploi fig. 1690 (Fur.) [l'expr. batterie à bâtons rompus (mus. milit.) qui serait à l'orig. du tour selon Littré ne semble pas attestée av. Lar. 19e]; 1710 archit. (Rich.); 1771 mus. (Trév. : On appelle bâton de mesure, un bâton fort court, ou un simple rouleau de papier, dont le Maître de musique se sert pour battre la mesure); 3. ca 1100 « emblème d'autorité » (Roland, éd. Bédier, 247 : Livrez m'en ore le guant e le bastun); 1680 spéc. Bâton de Maréchal de France (Rich.).
Du lat. vulg. *basto, dér. du b. lat. bastun « bâton » (ives., Aelius Lampridius, Comm., 13, 3 dans TLL s.v., 1783, 54), lui-même prob. subst. verbal du b. lat. *bastare « porter » (baste* et bât*), prob. à rattacher au gr. β
α
σ
τ
α
́
ζ
ε
ι
ν « porter » (Chantraine). STAT. − Fréq. abs. littér. : 2 200. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 760, b) 5 056; xxes. : a) 3 159, b) 2 390. BBG. − Barb. Misc. 1 1925-28, p. 32. − Duch. 1967, § 43. − Gottsch. Redens. 1930, passim. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 3. − Pope 1961 [1952], § 1170. − Reid (T.B.W.). The Dirty end of the stick. R. Ling. rom. 1967, t. 31, pp. 55-63. − Sain. Lang. par. 1920, p. 138, 212, 227, 229. − Tournemille (J.). Au jardin des loc. fr. Vie Lang. 1955, p. 339. |