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BRUIRE, verbe intrans.
A.− [Le suj. désigne un animé, un inanimé ou une collectivité] Faire un bruit léger; plus rarement émettre des sons d'une certaine intensité. Bruire aux oreilles de qqn; faire bruire; le vent bruit dans la forêt. Une biche effrayée bruissait dans les feuilles (Lamartine, Raphaël,1849, p. 289).
SYNT. 1. Bruire + adj. Bruire frais (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 274). 2. Bruire + prép. Bruire à. Des tremolo (...) bruissent (...) aux violons (Willy, La Mouche des croches, par l'ouvreuse du Cirque d'été, 1894, p. 74). Bruire de. La campagne brûlante bruissait de cris d'insectes (R. Rolland, Jean-Christophe, Le Matin, 1904, p. 168).
P. métaph. et au fig. :
1. Sa voix infiniment tendre, cette appellation de ma toute petite enfance rouvrent en moi de jeunes fontaines; j'écoute bruire, goutte à goutte, de clairs et fugaces souvenirs... Colette, Claudine en ménage,1902, p. 268.
P. méton. S'agiter, remuer en faisant du bruit. Je me suis arrêtée pour voir l'eau sombre bruire à l'angle des arches (A. Dumas Père, Le Chevalier de Maison-Rouge,1847, III, 8etabl., 5, p. 123).
Spéc. [Le suj. désigne une partie du corps ou le sang] S'agiter, être agité d'un frémissement, d'un mouvement intérieur, perçu par le sujet. Ma tête bruissait (Gracq, Un Beau ténébreux,1945, p. 23).
B.− [Le suj. désigne un inanimé concernant un événement] Se répandre :
2. Dans la même soirée j'ai reçu la confirmation d'une nouvelle qui bruissait autour de nous depuis quelques jours : la défaite d'un grand homme qui a rendu sa plume comme les braves rendent leur épée, ... M. de Guérin, Journal intime,1834, p. 193.
C.− [Le suj. désigne un inanimé ou un inanimé] Faire un éclat, avoir du retentissement en bien ou en mal. Notre livre remue, bruit, scandalise (E. et J. de Goncourt, Journal,1865, p. 135).
Rem. On rencontre dans la docum. le néol. bruisseur, subst. masc. (G. Samuel, Panorama de l'art musical contemp., 1962, p. 608).
PRONONC. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [bʀ ɥi:ʀ], (je) bruis [bʀ ɥi]. Synérèse dans Fér. 1768, Fél. 1851 et dans les dict. mod.; diérèse dans Land. 1834, Littré (avec la rem. : ,,Autrefois dans bruire, brui était monosyllabe; aujourd'hui, il est dissyllabe``) et DG (bru-ir; au xviies. bruir). À ce sujet cf. Mart. Comment prononce 1913, p. 197 : ,,Deux consonnes différentes quelconques suffisent généralement ici pour empêcher la synérèse, par exemple dans argu-er, sanctu-aire ou respectu-eux, et presque tous les mots en -ueux, aussi bien que dans obstru-er, conclu-ant, conclu-ons, flu-ide, bru-ine et dru-ide, où figurent les groupes connus, cl, br, etc. [...] Toutefois la diphtongue étymologique s'est maintenue, même en vers, malgré les mêmes consonnes, dans autrui, dans pluie et truie, dans bruit, fruit et truite, dans détruire, instruire et construire; elle s'est diérésée seulement dans bru-ire, bru-issant, bru-issement, qui sont plutôt des mots poétiques et même dans ébru-iter.`` 2. Forme graph. − Ce verbe qui se répartit suivant l'alternance bruy-/bruiss- (2erad. formé p. anal. avec le subst. bruissement) est considéré comme verbe défectif par Ac. (1798-1932) et par la majorité des dict. gén. Certains dict. tels que Lar. 19e, Nouv. Lar. ill. ou Besch. 1845 expriment leur regret de voir la conjug. de ce verbe réduite alors que les aut. l'utilisent plus largement (cf. les nombreux ex. d'aut. cités dans ces dict.). Relevé des formes admises dans les dict. gén. et attest. de formes partic. rencontrées dans la docum. a) Inf. bruire, cf. Ac. 1798-1932 et l'ensemble des dict. P. anal. des verbes en -er : ,,un usage fréquent qui cherche à s'établir a formé l'infinitif bruisser`` (Grev. 1964, § 701). Cette forme est un barbarisme pour Quillet 1965 et Lar. Lang. fr. Cf. aussi Besch. Conjug. 1961 : ,,Le verbe bruisser se soutient difficilement.`` b) Ind. − Présent 3epers. du sing. il bruit, cf. Ac. 1835-1932 ainsi que l'ensemble des dict. gén.; 3epers. du plur. ils bruissent, cf. Lar. encyclop., Quillet 1965 et Lar. Lang. fr.; 1reet 2epers. du sing. je bruis, tu bruis, cf. Littré et Lar. encyclop. dans la docum. tu bruis p. ex. dans G. Sand, Lélia, 1839, p. 539; 1reet 2epers. du plur., uniquement dans la docum. nous bruissons dans Nerval, Le Second Faust, 1840, p. 267; vous bruissez dans A. Arnoux, Abisag, 1919, p. 274. Imp. 3epers. du sing. cf. Ac. 1798-1932 et l'ensemble des dict. gén.; 3epers. du plur. cf. Ac. 1835-1932 ainsi que Besch. 1845, Littré, Guérin 1892, DG, Lar. encyclop., Quillet 1965 et Lar. Lang. fr.; 1reet 2epers. du sing. cf. Littré et Lar. encyclop. Imp. traditionnel bruy- (ex. bruyait) enregistré seul dans Ac. 1798 et 1835. Imp. bruiss- (ex. bruissait) enregistré seul dans Ac. 1878 et 1932. Pour le reste des dict. la forme en y se trouve dans Besch. 1845, Lar. 19e, Littré, Guérin 1892, Nouv. Lar. ill., DG, Rob. et Lar. encyclop. Ces dict. signalent cependant l'apparition de la forme en -ss- et son progrès sur celle en -y-. Lar. 19ejuge la forme en -ss-préférable. Guérin 1892 et Rob. considèrent la forme en -y-comme arch. Elle ne se trouve plus dans Lar. 20e, Quillet 1965 et Lar. Lang. fr. De la même façon que l'imp., on explique le part. prés. bruissant p. rapp. à bruyant devenu adj. On trouve bruyant en tant que part. avec la rem. qu'il tend à être remplacé par bruissant dans Ac. 1798 ainsi que dans Besch. 1845, Lar. 19e, Guérin 1892, DG et Lar. encyclop. De même que l'imp. et le part. prés. on explique le subj. prés. que je bruisse enregistré dans Lar. 20eet Lar. Lang. fr. Fut. je bruirai cf. Littré et Lar. encyclop. Passé simple : considéré comme un barbarisme dans Lar. Lang. fr., on le relève dans la docum. À titre d'ex. cf. bruissa dans J. Renard, La Lanterne sourde, 1893, p. 67. Passé composé il a bruit cf. Littré et Rob. Pour notre docum. cf. p. ex. R. Rolland, Beethoven, t. 1, 1928, p. 71. Cond. je bruirais cf. Littré et Lar. encyclop.; cf. en outre p. ex. A. Dumas Père, Christine, 1830, III, 6, p. 854. Part. passé bruit cf. Lar. encyclop.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1100-50 « faire du bruit » (Voy. de Charl. à Jérusalem, 379, Koschwitz dans R. Hist. litt. Fr., t. 5, p. 304); Trév. 1704 ,,n'est gueres en usages qu'à l'infinitif`` emploi auquel s'ajoute dep. Ac. 1740 la 3epers. de l'imp. de l'indicatif; ,,vieilli`` dans DG; 2. 1606 « murmurer, frémir » (Nicot). Issu du croisement entre le lat. rugīre « rugir » (iers. apr. J.-C. [en parlant d'un âne] Suétone dans Forc.; ives. [d'un lion] Spartianus, ibid.) et *bragĕre (braire*), d'où lat. vulg. *brūgĕre attesté à la 3epers. du sing. de l'ind. prés. : brugit « il brame (d'un cerf) », viies. (Leges Alamannorum Pactus dans Monumenta Germaniae Historica, Legum sectio, I, 5, p. 28, 5); bruire est bien attesté au sens de « mugir (d'un lion, d'un taureau) » en a. fr. (début xiiies. dans T.-L.) [contrairement à l'indication du FEW t. 10, p. 546b, reproduite par Lar. Lang. fr., bruire ne semble pas attesté dans le ms. d'Oxford de Roland, v. le gloss. dans le Commentaire de Bédier, et J. J. Duggan, A Concordance of the Chanson de Roland, 1969].
STAT. − Fréq. abs. littér. : 190.
BBG. − Darm. Vie 1932, p. 167, 194. − Duch. 1967, § 34. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 291. − Rivière (C.). Bruire. Vie Lang. 1970, pp. 145-149.