| BRONZE, subst. masc. I.− [Le bronze désigne une matière ou un objet] A.− Alliage de cuivre et d'étain (contenant parfois du zinc ou du plomb), résistant, peu altérable, d'une belle couleur foncée et possédant des propriétés sonores. Synon. vx airain : 1. Lucien frissonna comme si quelque instrument de bronze, un gong chinois, eût fait entendre ces terribles sons qui frappent sur les nerfs.
Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 720. 2. J'imagine des chemins paisibles, des plans d'eau, j'entrevois des perspectives de rizières d'un vert de bronze.
Giono, Voyage en Italie,1953, p. 32. SYNT. Statue, portes, canon, cloche de bronze; médaille, monnaie de bronze; couler en bronze, graver sur bronze; âge du bronze. Rem. Dans les arts, on distingue plusieurs espèces de bronze selon leur couleur ou leur patine. Bronze antique, florentin, noir, doré. Un vaste surtout en bronze doré, sorti des ateliers de Thomire (Balzac, La Peau de chagrin, 1831, p. 62) : 3. ... des bijoux, véritables merveilles d'art en bronze noir relevé d'ornements d'or, comme les bronzes dits de Tonquin, sont précieusement couchés dans des boîtes vitrées qui permettent de les voir, mais prudemment ne les laissent pas toucher aux visiteurs.
Du Camp, En Hollande,1859, p. 89. − B.-A. Couler en bronze, sculpter dans le bronze. ♦ P. métaph. Rendre impérissable. Tartuffe, cette immortelle figure coulée en bronze par notre honnête Molière (Balzac, Les Petits bourgeois,1850, p. 91): 4. N'importe, on n'admet point leurs réclamations; qu'ils les crient, qu'ils les écrivent, qu'ils les publient, qu'ils les signent, on ne veut pas les écouter, leurs paroles sont sculptées dans le bronze, les pauvres gens demeurent historiques et sublimes malgré eux!
Vigny, Réflexions sur la vérité dans l'art,1829, p. X. B.− P. méton. 1. Vx, littér. Canon, bouche à feu : 5. ... Folard, parvenu à sauver quelques bronzes, les place sur un tertre découvert, et commence à foudroyer les sachems.
Chateaubriand, Les Natchez,1826, p. 273. 2. B.-A.
Œuvre d'art, en particulier sculpture, en bronze. Un beau bronze. Des bronzes florentins noirs ont, (...) des lueurs de peau de nègre (E. et J. de Goncourt, Journal,1863, p. 1209): 6. Le rôle des bronzes sous l'Empire est primordial. Les meubles aux formes sévères, aux larges panneaux unis, appellent des ornements. Les bronzes admirablement ciselés, dorés au mat, sont d'une qualité exceptionnelle. Des artistes comme Thomire, Ravrio, Odiot, ne se refusent pas à apporter leur concours aux meilleurs ébénistes de l'époque et nombreux sont les meubles dont le seul intérêt réside dans leur parure de bronze...
J. Viaux, Le Meuble en France,1962, p. 130. ♦ P. ext. Reproduction commerciale d'une œuvre d'art en bronze : 7. « N'ont-ils pas une belle pendule or..., avec un bronze artistique en zinc représentant Jeanne d'Arc, ou M. de Buffon, en manchettes et la plume aux doigts, ou la Géographie avec son globe et son casque? » Car toutes ces beautés-là viennent de France et donnent aux peuples étrangers une haute idée de l'art parisien...
Mallarmé, Correspondance,1862, p. 58. C.− Au fig. [En parlant d'une pers., de son caractère, etc] . De bronze.Dur, inflexible, insensible. Caractère, cœur, homme de bronze; rester en bronze. Un homme de bronze, une conscience inflexible (Proust, Le Côté de Guermantes,1, 1920. p. 105): 8. Aux misères individuelles vient se joindre la misère publique; il faudrait être de bronze pour garder sa sérénité.
Flaubert, Correspondance,1851, p. 146. II.− [Le bronze désigne une couleur] Le soleil s'est enfin décidé à me culotter la peau : je passe au bronze (ce qui me satisfait) (Flaubert, Correspondance,1849, p. 129). ♦ [Emploi appos. avec valeur adj.] :
9. ... des femmes ... me firent compliment sur ma figure. J'étais en bas, culotte, gilet noir, habit bronze, cravate et jabot superbes.
Stendhal, Correspondance,t. 1, 1800-42, p. 150. − Bronze en poudre, bronze couleur. Pigment utilisé en peinture pour obtenir des effets métalliques. PRONONC. : [bʀ
ɔ
̃:z]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1511 (Contrat cité dans les œuvres de J. Le Maire, IV, 415, éd. Stecher dans Hug.); 1541 bronze (Amadis, II, 1, ibid.); 2. 1663 fig. de bronze « dur, insensible » (Molière, L'Étourdi, III, 12 dans Littré); 3. 1694 « objet d'art en bronze » (Ac.); emploi adj. av. 1857 « qui a la couleur du bronze » (E. Sue dans Lar. 19e: une épaisse redingote bronze); adj. substantivé « id. » (Lar. 19e: un plumage d'un beau bronze).
Empr. à l'ital. bronzo attesté dans Batt., au sens 1 dep. la 2emoitié du xiiies. (Giacomino da Verona), au sens 2 dep. la 1remoitié du xvies. (Aretino) et au sens 3 vers 1450 (Vita di Filippo di ser Brunellesco). Les formes médiév. relevées en Italie du nord (1314, Plaisance bronzium dans Du Cange t. 1, p. 757b; 1313, Trévisse, brundum, 1339 Venise, bronzio, 1335 Bologne, bronzum dans DEI) permettent de supposer un lat. médiév. *brundium d'orig. obsc.; ce dernier type a été rapproché du lat. Brindisi, Brundisium, Brundusium, Brindes, cité fameuse pour la fabrication du bronze, cf. Pline, Hist. nat., 1. XXXIII, ch. IX, § 45 cité par Bertholet dans Journal des Savants, 1888, p. 677 : Specula optima apud majores querunt Brundusina, stanno et aere mixtis [il s'agit de la fabrication de miroirs de bronze]; le mot aurait été véhiculé par le gr. médiév. β
ρ
ο
ν
τ
η
σ
ι
́
ο
ν « bronze » (xies. [date de composition viii-ixes.] Manuel byzantin de chimie ms. 299 Bibl. de Saint-Marc à Venise cité par le même, loc. cit.); cf. la forme abrégée Brunda en lat. tardif dans TLL s.v., 2210, 68 et le mot cuivre*, de formation analogue. Cependant l'évolution phonét. n'est pas claire; du gr. tardif (l'ital. serait alors un byzantinisme formé dans l'Exarchat de Ravenne, ce qui concorderait avec les formes médiév. relevées dans l'Italie du nord) β
ρ
ο
ν
τ
ε
ι
̃
ο
ν « instrument servant à imiter les bruits de tonnerre sur la scène » (iies., Pollianus dans Liddell-Scott), instrument constitué, d'apr. DEI, par un vase de cuivre dans lequel on agitait des pierres; ce gr. est dér. de β
ρ
ο
ν
τ
η
́ « tonnerre ». STAT. − Fréq. abs. littér. : 1 390. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 734, b) 3 040; xxes. : a) 2 332, b) 1 399. BBG. − Duch. 1967, § 42. − Goug. Mots t. 1 1962, pp. 25-26. − Hope 1971, p. 168. − Kahane (H.), Kahane (R.). Graeco-romance etymologies. 2. Rom. Philol. 1968, t. 21, pp. 506-507. − Kohlm. 1901, p. 34. − Rog. 1965, p. 73, 180. − Sar. 1920. − Wind 1928, p. 143. |