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BROCHER, verbe trans.
I.− [L'idée dominante est celle de chose pointue]
A.− TECHNOLOGIE
1. Coudre et encoller les feuillets d'un livre de manière à obtenir une reliure rapide et peu coûteuse. Brocher un livre, un ouvrage, un volume :
1. Je recommande aussi que le prospectus de la traduction de Victor soit cousu et broché avec le livre, et non feuille volante comme on l'a fait. Hugo, Correspondance,1864, p. 471.
2. Au fig., fam. Exécuter à la hâte ou sans soin. Un mauvais élève, distrait, qui ne sait jamais ses leçons et qui broche ses devoirs (R. Rolland, L'Âme enchantée,1925, p. 186):
2. ... nous nous amusions, Pierre Véron, Rochefort et moi, à lui brocher [à Rossignol] des bouts d'articles, à lui improviser des quatrains, qu'il portait bien vite, tout glorieux, au Tintamarre. A. Daudet, Trente ans de Paris,1888, p. 206.
B.− Vx. Fixer avec une broche ou enfoncer une broche.
En partic. Enfoncer des clous pour ferrer un cheval :
3. La corne éclate et se soulève, si le cheval n'est pas ferré. Si on le ferre, les clous font éclater la paroi. Il faut alors brocher très haut d'où risque de serrer le pied. E. Garcin, Guide vétér.,1944, p. 172.
P. métaph. [L'obj. désigne un cheval] Piquer des éperons :
4. Tirant la pure épée à garde de cristal Et brochant des talons les flancs de son cheval (...) [l'Adolescent] disparut Parmi l'ombre des pins... Régnier, Tel qu'en songe,Quelqu'un songe de soir et d'espoir, 1892, p. 174.
Au fig., vx. Faire aller vite, agiter :
5. ... la bonne bête [un vieux cheval] penchait sa tête vers le chat, qui levait la sienne, et brochant ses barres grises hérissées de longs poils, sans doute pour broyer quelque brin de fourrage engagé entre ses vieilles dents, semblait véritablement parler à son ami félin. T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 45.
6. [Le père M.] siffle une rasade, fait clapper sa langue, broche des babines avec sa bouche de gentil ouistiti. J. Richepin, La Miseloque,1893, p. 130.
II.− [P. réf. à la tige qui sert à recevoir la bobine*] TEXT. Tisser une étoffe suivant un procédé qui permet de faire apparaître des dessins en relief sur le fond uni. Brocher d'or, d'argent, de soie (une étoffe, un tissu).
P. métaph. :
7. Au reste, il faut le dire, ces relations avec autrui ne faisaient que brocher sur la trame de sa vie profonde. Guéhenno, Jean-Jacques,Grandeur et misère d'un esprit, 1952, p. 26.
P. anal., BLAS. L'étendard de soie, moitié vert, moitié jaune, broché des armoiries de la ville (Bertrand, Gaspard de la nuit,1841, p. 51).
Loc. [Le suj. désigne une pièce de l'écu] Brochant sur le tout. Passant d'un côté de l'écu à l'autre et recouvrant partiellement d'autres pièces (cf. brochant II).
P. métaph., p. iron. Venir en surcroît :
8. Des carrioles s'en viennent, berçant un édifice de gens entassés les uns sur les autres, les femmes au-dessous, les hommes en travers, les vieux dans un filet et les moutards brochant sur le tout. T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1933, p. 174.
PRONONC. : [bʀ ɔ ʃe], (je) broche [bʀ ɔ ʃ].
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1100 « piquer de l'éperon » (Roland, éd. Bédier, 1125) − 1694 (Ac.); 2. xiiies. « passer en tissant sur le fond uni d'une étoffe des fils qui forment un dessin » (Chanson, ap. Bartsch, Romanzen und Pastourellen, I, 6, 11 dans Gdf. Compl.); fin xves. part. passé adjectivé (Jean de Paris, p. 102, ibid. : La chambre du conseil estoit tendue de satin rouge broché de feuillage d'or); 3. apr. 1458? hérald. adj. verbal brochant sur le tout (Coustume des Chevaliers de la Table Ronde, Mém. de la Soc. arch. d'E. et L., 1873, ibid.); 4. 1680 « faire à la hâte » (Rich.); 5. id. « enfoncer des clous dans le sabot d'un cheval » (Rich.); 6. 1718 « rassembler les feuilles d'un livre en les cousant » (Ac.). Dér. de broche*; dés. -er.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 36.
BBG. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 242. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 273. − Martin (E.). [Si brochant sur le tout peut être suivi d'un régime direct]. Courrier (Le) de Vaugelas. 1873, t. 4, pp. 90-91.