| BROCANTER, verbe trans. Faire commerce d'objets d'occasion, généralement de peu de valeur : 1. Élie Magus, à force d'acheter des diamants et de les revendre, de brocanter les tableaux et les dentelles, les hautes curiosités et les émaux, les fines sculptures et les vieilles orfèvreries, jouissait d'une immense fortune inconnue, acquise dans ce commerce, devenu si considérable.
Balzac, Le Cousin Pons,1848, p. 130. ♦ Rare. Brocanter sur qqc. : 2. Quelques revendeurs attendaient, deux ou trois hommes à barbes sales et une grosse femme ventrue, une de ces marchandes dites à la toilette, conseillères et protectrices d'amours prohibées, qui brocantent sur la chair humaine jeune et vieille autant que sur les jeunes et vieilles nippes.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Le Lit, 1882, p. 663. ♦ Emploi abs. : 3. De ce peintre [Swebach] (...) une volumineuse correspondance pendant les années 1819-1820 (...) nous le montre pendant ces années, brocantant là-bas [en Russie], selon son expression, « comme un diable ».
E. de Goncourt, La Maison d'un artiste,1881, p. 285. − P. métaph. : 4. Que deviendra notre liberté moderne, toute maudite de la bénédiction des philosophes et des bourreaux? Elle n'a pas quarante années et elle a été vendue et revendue, maquignonnée, brocantée à tous les coins de rue. Il y a plus de liberté dans le froc d'un capucin qui bénit les Alpes que dans la friperie entière des législateurs de la République, de l'Empire, de la Restauration et de l'usurpation de Juillet.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 111. PRONONC. : [bʀ
ɔkɑ
̃te], (je) brocante [bʀ
ɔkɑ
̃:t]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1696 (Regnard, Joueur, V, 2 dans DG : Qui ... brocante, troque, achète).
Terme d'orig. obsc.; peut-être germ., au cheminement difficile à préciser. Se rattacherait soit au néerl. brok « morceau, fragment », soit à son corresp. h. all. Brocken « id. » (De Vries Nederl., Kluge20; hyp. de FEW t. 15, 1, p. 291 et Bl.-W.5). Du sens de « fragment » serait issu celui de « vente au détail (sans ordre ni classement) ». La finale -anter est obsc.; FEW, loc. cit. l'attribue à une mauvaise compréhension du mot germ. lors de l'emprunt, ce qui paraît difficile à admettre étant donnée l'accentuation initiale du mot germ.; une influence de marchand est possible. L'écart chronol. entre brocanter et brocante empêche de voir dans le verbe un dér. du subst. Le m. néerl. broken « faire le courtier » (EWFS2) n'est pas attesté dans ce sens. L'empr. fait par le fr. mod. est précédé de celui, fait au m. néerl. brocke « fragment », de l'a. liég. a broke « en détail » (1377 dans Chartes confisquées aux bonnes villes du Pays de Liège après la bataille d'Othée [1408], éd. É. Fairon, Bruxelles, 1937, p. 293), d'où sont dér. l'a. fr. broqueur « courtier » (Gdf. Lex.) et abrokeur (xiiies. Ban de St Omer, 44, cité par M. Roques dans Mélanges Duraffour, p. 3; cf. aussi abrocator « id. » xiiies. dans Du Cange et Nierm.). STAT. − Fréq. abs. littér. : 20. DÉR. Brocantage, subst. masc.a) Commerce d'objets d'occasion, généralement de peu de valeur. Synon. fam. brocante.Le brocantage et le trafic des tableaux (A. Daudet, Pages inédites de critique dramatique,1897, p. 21).b) P. ext., péj. Opération commerciale portant généralement sur des objets de peu de valeur. Les louches brocantages que les plus beaux noms de France viennent proposer à mon père (De Lacretelle, Silbermann,1922, p. 156).Au fig. Le brocantage de ses opinions [de Talleyrand] au Congrès de Vienne (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 563).− [bʀ
ɔkɑ
̃ta:ʒ]. − 1reattest. 1827 (Caillot, Vie publique des Français, 146 dans Quem.); dér. de brocanter, suff. -age*. − Fréq. abs. littér. : 4. BBG. − Kuhn 1931, p. 54, 220, 223, 230. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], p. 396. |