| BRIDE, subst. fém. A.− ÉQUITATION 1. Partie du harnais d'un cheval, composée de courroies (mors, têtière, rênes), que l'on passe autour de la tête et du cou de l'animal pour le diriger et le guider. Mettre, ôter la bride à un cheval : 1. Il [le cheval] n'écoute pas la bride, il est indifférent à la cravache, et les coups de talon les plus énergiques sont des raisons qui ne le persuadent pas.
About, La Grèce contemporaine,1854, p. 25. − Spéc. et très fréq. Les rênes fixées de part et d'autre du mors, qui permettent au cavalier de maîtriser et de faire obéir le cheval. Attacher, mener, tenir le cheval par la bride; donner un coup de bride. Lord Nelvil (...) examina la bride et le mors avec une aimable anxiété (Mmede Staël, Corinne,t. 3, 1807, p. 224). − Arg. Terme d'injure. Bride ou vieille bride. Imbécile. Une bride de son espèce se permettait de mauvaises manières à l'égard d'un camarade (Zola, L'Assommoir,1877, p. 623). − Au fig. Tout ce qui permet de maîtriser, contrôler des mouvements instinctifs, ou tout ce qui dirige, gouverne. Les brides de la destinée, des passions : 2. [Mehlen à Angèle]
... je n'ai jamais connu qu'une vie, sans les freins ou les brides que sont l'éducation, la religion, les traditions ou les habitudes.
P. Vialar, La Chasse aux hommes,Les Faux-fuyants, 1953, p. 170. 2. Expr. du lang. de l'équit. et applications fig. dans la lang. cour. ou littér. a) Tenir en bride. Freiner le cheval. Anton. éperonner. − Au fig. [En parlant d'une pers., d'un sentiment] Refréner, contenir : 3. Tenez en équilibre vos goûts et en bride vos appétits. Qui aime trop les chevaux et les chiens fâche les femmes; qui aime trop les femmes fâche Dieu.
Hugo, Le Rhin,1842, p. 187. b) Tenir la bride haute, courte. Limiter la vitesse, les initiatives de l'animal en ne laissant qu'une courte longueur de rênes : 4. Le navire alors, comme un cheval contenu par une main vigoureuse et dont on tient la bride courte, semble piaffer sur l'écume du golfe; ...
Lamartine, Voyage en Orient,t. 1, 1835, p. 59. − Au fig. Tenir la bride haute à qqn. Le surveiller étroitement et avec dureté. c) Aller bride en main. Aller lentement, avec prudence. − Au fig., fam., vieilli, plutôt class. Aller bride en main. Agir avec prudence, circonspection : 5. 28 juillet. Joué comme un fou. Il faut aller bride en main. Que de sottises!
Constant, Journaux intimes,1811, p. 365. d) Aller à bride abattue, avalée, à toute(s) bride(s). Sans freiner le cheval à l'aide de la bride pour lui laisser toute sa puissance. Synon. à très grande vitesse, très rapidement.Dans la voiture légère qu'il menait lui-même à toute bride (A. Daudet, La Petite paroisse,1895, p. 115). − Au fig. Courir à bride abattue à sa perte, à sa ruine, après les plaisirs (Guérin1892).Travailler à bride abattue (S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 287).Synon. sans retenue, avec frénésie. Rem. On rencontre une bride-abattue empl. comme subst. chez Ch. du Bos. Une fougue, une impétuosité, une bride-abattue (Journal, 1928, p. 186). e) Lâcher la bride, laisser la bride sur le cou. Laisser le cheval aller librement, selon sa fantaisie. Ils lâchèrent la bride aux excellens chevaux (Balzac, Annette et le criminel, t. 4, 1824, p. 113). − Au fig. Lâcher la bride à qqn, laisser la bride (sur le cou) à qqn, à qqc. (inanimé abstr.). Rendre libre de ses actes, laisser libre cours au développement d'un phénomène intellectuel ou moral : 6. À la base, l'inflation et la perversion du sens de la personnalité résulte, semble-t-il, d'un arrêt des processus de socialisation, qui lâche la bride à l'égocentrisme primitif.
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 549. ♦ Avoir la bride sur le cou. Être libre de ses actes. f) Tourner bride. Rebrousser chemin, revenir en arrière en tournant la bride du cheval. Tournant aussitôt la bride de son cheval, (...) il fuit d'une course rapide (MmeCottin, Mathilde,t. 2, 1805, p. 6). − Au fig. Changer d'avis, de conduite, se rétracter. 3. Proverbe Il a plus besoin de bride que d'éperon. Cette personne a plus besoin de modération que d'excitation (cf. Leconte de Lisle, Poèmes barbares, La Tête du comte, 1878, p. 284).Tous ses fils ont besoin d'éperon, non de bride. − À cheval donné on ne regarde pas la bride. On ne doit pas critiquer une chose donnée. B.− [P. anal. de forme et p. réf. à l'idée de lien] 1. ANAT. Adhérences vicieuses se formant à l'intérieur d'un abcès, d'une plaie, ou se développant entre les séreuses après inflammation de ces membranes. Brides d'une plaie, d'un abcès; bride pleurale, pulmonaire. Rem. Attesté dans la plupart des dict. généraux. 2. CHAUSSURE. Fine lanière de cuir fixée au soulier et conçue pour passer sur le dessus du pied ou derrière le talon en maintenant la chaussure au pied. Il remet une bride à son sabot (Renard, Journal,1905, p. 970). Rem. Attesté à partir de Guérin 1892. 3. COUT. Points de chaînette ou de feston cousus perpendiculairement aux deux extrémités de l'ouverture d'une boutonnière, pour empêcher qu'elle ne s'agrandisse ou ne se déchire. Bride de boutonnière. Rem. Attesté dans la plupart des dict. généraux. − P. ext. [Toujours emploi abs.] Ganse confectionnée au point de chaînette, cousue par ses deux extrémités au bord d'un vêtement de façon à constituer une boutonnière. 4. ART CULIN. Ficelle qui sert à assujettir les membres d'une volaille pour la mettre à rôtir. Rem. Attesté dans Lar. de Lar. 19eà Lar. Lang. fr. 5. HABILL. Brides d'un bonnet, d'un chapeau, d'une coiffe. Longs rubans cousus de part et d'autre de la coiffure et destinés à être noués sous le menton pour maintenir le chapeau sur la tête. Une petite capote de feutre et de plumes moirées, à brides de taffetas (Gide, Isabelle,1911, 654). 6. MAR. Grande pièce de fer recourbée reliant la quille à l'étambot. Rem. Attesté dans la plupart des dict. généraux. 7. TECHNOL. Lien métallique, le plus souvent en forme de collier ou de demi-collier avec lequel on consolide ou unit deux pièces. Des brides de fer boulonnées assujettissent celui-ci (le joug) à l'essieu (Pesquidoux, Le Livre de raison,1928, p. 53). PRONONC. : [bʀid]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. [Ca 1200, FEW t. 15, 1, s.v. brîdel, p. 279b]; ca 1223 « courroie placée de chaque côté du mors à la bouche d'un cheval et qui sert à le conduire » (G. de Coincy, Miracles Ste Vierge, éd. V.F. Kœnig, Genève, 1955, t. 1, p. 88, vers 622-23); av. 1592 fig. (Mont. I, 63 dans Littré); d'où diverses expr. a) 1532 à bride avallée « très vite, à toute vitesse » (Rabelais, Pantagruel, éd. Marty-Laveaux, chap. XLIII); 1538 a bride abattue (Est.); 1559 à toute bride (Amyot, Alex., 9 dans Littré); b) 1468 tourner bride « tourner son cheval » (G. Chastellain, Chroniques, III, 253 d'apr. K. Heilemann, Der Wortschatz von G. Chastellain..., Leipzig, 1937, p. 254); 1remoitié xves. tourner la bride « revenir sur ses pas » (Monstrel., liv. I, ch. 274. Complainte des laboureurs de France dans Littré); c) 1468 tirer sur la bride « rester dans l'expectative » (G. Chastellain, Chroniques IV, 115, 5 d'apr. K. Heilemann, op. cit. p. 137); tenir qqn sur bride (Id., op. cit. III, 187, 20, ibid., p. 210); 1466 tenir la bride roide (à qqn) (J. de Bueil, Le Jouvencel, p. 470); d'où 1538 tenir qqn. (qqch.) en bride (Est.); d) 1538 Lâcher la bride à (un sentiment) « donner libre carrière à (un sentiment) » (Ibid.); d'où 1549 la bride sur le col [cou] « sans gêne en toute liberté » (Est.); 2. p. anal. 1606 « lien servant à retenir » (Nicot, Une bride de chapeau) d'où empl. techn. 1659 cout. (Duez, Dittionario italiano e francese : Bride au habits); 1811 technol. « lien de fer serré autour d'un objet quelconque dans le but de le consolider ou d'unir les pièces qui le composent » (Mozin); 1792 chir. (Encyclop. méthod. Méd.).
Terme d'orig. germanique. Étant donnée son aire géogr. primitive limitée à la France du Nord (l'ital., l'esp., le port. sont empr. au fr., REW3, no1313; de même que, prob. l'a. prov. 1410 dans Rayn.) et son entrée relativement tardive en fr., l'hyp. la plus probable est celle d'un empr. au m. h. all. brîdel « rêne », Lexer (Bl.-W.5; Dauzat 1968; FEW, loc. cit.); ce m. h. all. correspond à l'a. h. all. brittil « rêne », v. bretelle.
L'étymon a. h. all. brittil (Diez5, p. 63) ne convient pas du point de vue phon.; l'étymon m. angl. bridel (REW3, loc. cit.) est moins probable étant donné l'aire géogr. du mot et la rareté relative des empr. à cette langue; une orig. frq. (Gam. Rom2t. 1, p. 308; EWFS2) est incompatible avec l'apparition relativement tardive du mot français. STAT. − Fréq. abs. littér. : 787. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 041, b) 1 682; xxes. : a) 1 088, b) 901. BBG. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 122. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], p. 205; t. 2 1972 [1925], p. 347. − Walt. 1885, p. 76. |