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BREBIS, subst. fém.
A.− ZOOL. [Dans la race ovine] Femelle adulte. Brebis blanche; le bêlement de la brebis; (faire) paître les brebis :
1. ... régimes de cochons noirs serrés comme des dattes; cohues de chèvres à l'odeur puissante, dominées par un bouc diabolique; chambrées de brebis bien ondulées, les yeux maquillés de noir, que conduit un bélier talonné par son harem; ... T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1933, p. 186.
SYNT. Douce brebis, brebis pleine; fromage, lait de brebis; laine, toison de brebis; troupeau de brebis; tondre, traire les brebis.
B.− Au fig.
1. [P. réf. aux qualités traditionnellement prêtées à la brebis]
Personne d'une innocence, d'une douceur exceptionnelle :
2. Agneau sans tache, elle allait au ciel, et ne regrettait ici-bas que la douce compagne de sa froide vie, (...) elle tremblait de laisser cette brebis, blanche comme elle, seule au milieu d'un monde égoïste qui voulait lui arracher sa toison, ses trésors. Balzac, Eugénie Grandet,1834, p. 218.
Péj. [P. réf. au personnage de la brebis dans le Roman de Renard] Personne craintive et trop docile, conformiste et passive :
3. Un dixième environ recevra la liberté absolue et une autorité illimitée sur les neuf autres dixièmes qui devront perdre leur personnalité et devenir en quelque sorte un troupeau. Maintenus dans la soumission sans bornes des brebis, ils atteindront, en revanche, l'état d'innocence de ces intéressantes créatures. Camus, Les Possédés,adapté de Dostoievski, 1959, p. 1048.
Brebis galeuse. Personne considérée comme néfaste et que pour cette raison on tient à l'écart :
4. Ainsi, sous la domination de l'homme, le beau sexe était tout pareil à un troupeau bien conduit, et si bien morigéné, que ce troupeau en était arrivé à faire lui-même sa police, et à chasser spontanément de sa masse toutes les têtes indociles, toutes les brebis galeuses. Larbaud, Fermina Marquez,1911, p. 67.
2. [Symbolisme chrétien; p. réf. à la parabole du bon Pasteur (Jean, 10, Luc, 15)] Chrétien fidèle au Christ comparé à un berger. Brebis égarée. Chrétien tombé dans le péché :
5. Jésus aussi était un simple berger. Mais quel berger mon enfant. Berger de quel troupeau. Pasteur de quelles brebis. En quel pays du monde. Pasteur de cent brebis qui sont demeurées dans le bercail, pasteur de la brebis égarée, pasteur de la brebis qui revient. Péguy, Le Porche du mystère de la 2evertu,1911, p. 208.
3. Locutions et proverbes Faire un repas de brebis. Manger sans boire. À brebis tondue Dieu mesure le vent. Les épreuves qui nous sont imposées sont proportionnées à nos forces (cf. Amiel, Journal intime, 1866, p. 405).Qui se fait brebis, le loup le mange. Les gens qui ont trop de bonté sont victimes des méchants. Brebis comptées, le loup les mange. On n'est jamais à l'abri d'un accident, malgré les précautions prises.
C.− TECHNOL. ,,Pièce de bois qui supporte l'effort de la vis d'un pressoir`` (DG).
Rem. Pour le sens, comparer des mots comme chevalet, chèvre, etc.
PRONONC. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [bʀ əbi]. Fér. Crit. t. 1 1787, Land. 1834, Gattel 1841 et Littré notent que l's final se prononce devant voyelle. Enq. : /bʀ əbi/. 2. Forme graph.Fér. Crit. rappelle que Rollin écrit au sing. brebi sans s.
ÉTYMOL. ET HIST. − Début xiies. berbis (Lois de Guillaume, 6 dans Littré); xvies. accept. chrét. (Calvin, Serm. sur l'Epitre aux Galates, 33 dans Hug. : Il ne faut qu'une brebis rongneuse pour gaster tout le troupeau). Du lat. vulg. berbix (acc. berbicem, ives., Flavius Vopiscus dans Forc., s.v. berbex) issu de berbex, -ecis « mouton », lui-même altération du lat. class. vervex, soit sous l'infl. de noms d'animaux comme perdrix, soit par l'infl. de nutrix qui expliquerait le passage sém. de « mouton » à « brebis » (v. FEW t. 14, p. 338a). Le type vervex/berbex a éliminé le terme gén. ovicula qui ne subsiste que dans certains parlers de l'Ouest et du Centre sous la forme ouailles*.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 726. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 076, b) 881; xxes. : a) 1 251, b) 944.
BBG. − Baist (G.). Zur Lautgeschichte. Z. rom. Philol. 1904, t. 28, p. 95. − Cohen 1946, p. 12. − Duch. 1967, § 56. − Gardette (P.). À l'orig. du prov. et du francoprov. R. Ling. rom. 1962, t. 26, p. 76. − Gottsch. Redens. 1930, p. 34, 35; pp. 67-68. − Ringenson (K.). Les N. de la chèvre en fr. St. neophilol. 1957, t. 29, p. 15. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], p. 165; t. 3, 1972 [1930], p. 442. − Thomas (A.). Nouv. essais de philol. fr. Paris, 1904, p. 337.