| BRANCARD, subst. masc. A.− TECHNOL. (souvent au plur.). Ensemble formé par les deux barres de bois qui soutiennent la caisse d'une charrette, d'une voiture, et qui se prolongent à l'avant, pour permettre d'atteler un cheval ou de tirer le véhicule à bras d'homme. Placer le cheval dans les brancards, le cheval rue dans les brancards; cheval de brancard : 1. Le soir, pour partir, les chevaux gorgés d'avoine jusqu'aux naseaux eurent du mal à entrer dans les brancards; ils ruaient, se cabraient, les harnais se cassaient, leurs maîtres juraient ou riaient; ...
Flaubert, Madame Bovary,t. 1, 1857, p. 31. 2. À cinq heures du matin, j'étais sur le carreau des Halles. Depuis sept heures, je me brûle les mains à mes brancards en criant : des choux, des navets, des carottes!
A. France, Crainquebille,1904, p. 16. Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes. à partir de Ac. 1798. − P. métaph. [Le sujet désigne une pers.] Ruer, piaffer dans les brancards. Vouloir se libérer de certaines contraintes, d'un milieu oppressant. Synon. se rebeller, regimber. ♦ Autres expr. Sortir des brancards, entrer dans les brancards. Rejeter ou accepter les contraintes. B.− TECHNOL. [P. anal. de forme] 1. Vx. Pièce de bois ou de fer, qui, dans un véhicule, reliait le train avant au train arrière. Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes. à partir de Ac. 1798. 2. Une des barres de bois fixées à l'avant ou à l'arrière d'un objet lourd et volumineux (chaise, civière) et qui servent à transporter ce dernier. Fauteuil à brancard (E. de Guérin, Lettres,1839, p. 272): 3. La première civière débouchait en face de Magnin. Quatre paysans la portaient, chacun un brancard sur l'épaule, suivis aussitôt de quatre camarades.
Malraux, L'Espoir,1937, p. 832. − P. méton., usuel. La civière munie de brancards servant à transporter des objets lourds ou précieux, ou des personnes allongées. Transporter, mettre les blessés sur des brancards. Synon. civière, litière : 4. L'allure de la marche s'est ralentie. Le ballottement du brancard est moins douloureux. Jacques regarde. Des maisons... Est-ce le terme de son martyre? ...
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 745. Rem. 1. Attesté à partir de Ac. 1798. 2. On rencontre dans la docum. a) Le subst. fém. brancarderie, néol. Action, métier de transporter des malades sur un brancard. Sans être professeur de brancarderie (A. Fournier, Correspondance, 1905, p. 49). b) Le verbe corresp. brancarder « transporter (un blessé) sur un brancard » est attesté dans Lar. Lang. fr. ainsi que brancardage, subst. masc. qui, outre le sens de brancarderie signifie « transport d'un blessé sur un brancard ». PRONONC. ET ORTH. : [bʀ
ɑ
̃ka:ʀ]. Littré signale que le d ne se lie jamais. Ac. Compl. 1842 et Lar. 19eenregistrent à titre hist. l'anc. forme brancal. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1380 brancart « chariot » (Comptes Hôtel Rois Fr., 84 dans IGLF Techn.) − xvies., M. Roy, Artistes et monuments de la Renaissance en France, t. 1, p. 176; brancard repris dep. 1708 (Fur.); 2. 1429 branquar « chacune des deux pièces de bois entre lesquelles est placé le cheval ou le porteur (d'une litière, d'une voiture) » (Artill. Ducs Bourgogne, 62 dans IGLF Techn.); 1476 brancard (Id., 191, ibid.); 3. 1541 brancquart « civière à bras » (Les La Trémoille, III, 47, ibid.), graphie isolée; forme brancal attestée de 1573 (R. Est., Dict. fr.-lat., Paris, J. du Puys) à 1642 (Oudin, Recherches ital. et fr., Paris) puis mentionnée à nouv. par Ac. Compl. 1842 et Lar. 19e.
Sans doute de la même orig. que branche* (FEW t. 1, p. 497 et REW3, no1271) − soit dér. de la forme norm. branque (av. 1267 Lucid. dans Gdf. Compl.) d'apr. Bl.-W.5et Dauzat 1968, avec suff. -ard* désignant des inanimés (cf. billard, buvard, placard, poignard, etc.) − soit empr. au prov. mod. brancan, brancat, brancal « brancard, grosse charrette, gourdin » (xvies. C. Brueys dans Mistral) d'apr. EWFS2, DG, Nyrop t. 3, § 354, avec assimilation au suff. -ard*. Dans l'une et l'autre hyp., le fr. mod. brancal est empr. au provençal. Le recours à un étymon *brankareton « les bras » plur. collectif du gaul. *branka [lat. branca, v. branche] (Hubschmied dans Vox rom., t. 2, pp. 24-29) ne semble pas nécessaire pour rendre compte du suff. -ard. STAT. − Fréq. abs. littér. : 413. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 284, b) 579; xxes. : a) 763, b) 744. BBG. − Hubschmied (J. U.). Frz. : brancard, bayart, bard « Bahre ». Vox rom. 1937, t. 2, pp. 24-29 [Cr. Wartburg (W. von). Z. rom. Philol. 1939, t. 59, pp. 409-410]. |