| BOULET, subst. masc. A.− Projectile sphérique d'artillerie, en pierre ou en métal, utilisé avant l'invention de l'obus : 1. Des deux pièces qui battaient maintenant la barricade de la rue de la Chanvrerie, l'une tirait à mitraille, l'autre à boulet. La pièce qui tirait à boulet était pointée un peu haut et le tir était calculé de façon que le boulet frappait le bord extrême de l'arête supérieure de la barricade, l'écrêtait, et émiettait les pavés sur les insurgés en éclats de mitraille.
Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 457. 2. ... il reconnut que le speedy était armé de quatre canons, qui devaient lancer des boulets de huit à dix livres. Il vérifia même, en les touchant, que ces canons se chargeaient par la culasse. C'étaient donc des pièces modernes, d'un emploi facile et d'un effet terrible.
Verne, L'Île mystérieuse,1874, p. 434. SYNT. Boulet ramé ou barré ou à deux têtes. Boulet formé de deux demi-sphères de métal, réunies par une chaîne ou une barre de fer (Hugo, Le Rhin, 1842, p. 332). Boulet rouge. Boulet rougi au feu avant d'être introduit dans le canon : 3. Nous avons attaqué hier Mantoue. Nous l'avons chauffée avec deux batteries à boulets rouges et des mortiers. Toute la nuit cette misérable ville a brûlé.
Napoléon 1er, Lettres à Joséphine,1796, p. 49. − Loc. fig. Entrer comme un boulet. Faire irruption avec violence. Arriver comme un boulet de canon. Venir très vite (de quelqu'un ou de quelque chose) : 4. En voilà un énergumène, qui entre ici comme un boulet, pousse les portes, tire les rideaux, emplit la maison de ses cris, me traite comme la dernière des filles, va jusqu'à lever la main sur moi! ...
Courteline, Boubouroche,1893, II, 2, p. 63. ♦ Tirer à boulet(s) rouge(s) (sur qqn ou sur qqc.). Attaquer quelqu'un ou quelque chose en termes violents. Rare. Poursuivre qqn à boulets rouges : 5. Que sera-ce donc demain? dit Lucien. Jusqu'à présent mes amis se sont portés contre eux en voltigeurs, mais je tire à boulet rouge cette nuit. Demain, vous verrez pourquoi nous nous moquons de Potelet. L'article est intitulé : Potelet de 1811 à Potelet de 1821. Châtelet sera le type des gens qui ont renié leur bienfaiteur en se ralliant aux Bourbons.
Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 430. 6. − Pardon, je suis monté pour régler une dette d'un de mes rédacteurs... Le petit Jordan, un très charmant garçon, que vous poursuivez à boulets rouges, avec une férocité vraiment révoltante...
Zola, L'Argent,1891, p. 309. B.− Peine du boulet. Peine infligée aux forçats condamnés à traîner un lourd boulet attaché à leurs pieds par une chaîne; p. ell. boulet même sens. Condamner au boulet. ♦ Traîner le boulet. Être bagnard : 7. ... Trenmor se tient debout à vos côtés et traverse avec vous la foule étonnée, lui qui cinq ans a traîné le boulet, côte à côte avec un voleur ou un parricide... lui le faussaire!
G. Sand, Lélia,1833, p. 34. 8. L'homme fut envoyé aux galères. Des années après on le revit, qui tirait la jambe pour avoir traîné le boulet dans le bagne de Toulon.
Pourrat, Gaspard des montagnes,À la belle bergère, 1925, p. 279. − P. métaph. Contrainte, obligation pesante empêchant l'épanouissement de l'être : 9. Au contraire, des jeunes filles pures, chastes, à peine entrent-elles dans la vie, on leur attache au pied un boulet, un mari tel que ce Creton, qui, s'il n'est pas usé, est imbécile...
Champfleury, Les Bourgeois de Molinchart,1855, p. 129. 10. Si vous saviez combien mon moi m'importune! Il est oppressif et absorbant. C'est un boulet, que Dieu m'a attaché au cou.
R. Rolland, Jean-Christophe,La Nouvelle journée, 1912, p. 1473. C.− Emplois techn. 1. MÉD. VÉTÉR. Grosseur ronde que forme chez le cheval l'articulation du canon et du paturon. L'articulation du boulet (E. Garcin, Guide vétér.,1944, p. 157). − Loc. Être sur les (ou ses) boulets. [En parlant d'un cheval] Être à bout de forces. Au fig. [En parlant d'une personne] :
11. Les insomnies et les soucis ont fondu le gros campagnard... Lui, tout à l'heure si allant, le voilà presque sur ses boulets.
Barrès, Les Déracinés,1897, p. 426. 2. MINES. Aggloméré de charbon de forme ovoïde. Boulets cockéfiés à basse température (E. Schneider, Le Charbon,1945, p. 314).Feu de boulets. Prononc. − 1. Forme phon. : [bulε]. 2. Homon. : boulaie; boulais et boulaient (du verbe bouler). Étymol. ET HIST. − 1. a) 1347 « projectile sphérique » (Varin, Arch. admin. de Reims, 2, 2, 1136 dans Littré); b) 1690 boulet rouge (Fur.); 1798 au fig. tirer à boulet rouge sur quelqu'un (Ac.); 2. xvies. « articulation de la patte du cheval » (Yver, p. 642 dans Littré); 3. 1776-77 « petite boule de charbon » (Morand dans Brunot t. 6, p. 405, note 1); 4. a) 1803 « boule de métal que l'on attache au pied d'un détenu » (Arrêté du 19 Vendémiaire an XII, B. des Lois de la République fr., 3esérie, t. 9, p. 43); b) 1826 au fig. (Chateaubriand, Natchez, V, 219 dans Littré).
Dér. de boule*; suff. -et*. STAT. − Fréq. abs. littér. : 585. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 176, b) 1 659; xxes. : a) 537, b) 272. BBG. − Gouvernement du Québec. Vocab. techn. des quilles. 1972, p. 20. − Rog. 1965, p. 94, 200. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 104. − Sain. Sources t. 2 1972 [1925], p. 190. |