| BOUILLON, subst. masc. I.− [En parlant de l'agitation d'un liquide entré en ébullition] A.− Agitation qui se produit à la surface d'un liquide, dès qu'il entre en ébullition. Ne faire qu'un bouillon au lait. ,,Le retirer dès qu'il commence à bouillir`` (DG). Il ne faut que deux ou trois bouillons pour faire cette tisane, pour cuire ce poisson (Ac. 1835-1932). Il ne faut pas les faire bouillir longtemps. − Au fig., fam. Il ne cuit pas de premier bouillon. ,,Il ne se décide pas du premier coup`` (DG). − Spécialement 1. SAL. Sel de bouillon. Sel obtenu par l'ébullition de l'eau de mer sous l'action du feu (cf. DG, etc.). 2. TECHNOL. Dégraissage des laines à l'eau bouillante avant de les teindre (cf. Littré, etc.). − P. métaph. État d'effervescence. Dans les premiers bouillons de sa colère (fam.). ,,Dans les premiers mouvements, dans les premiers transports de sa colère`` (Ac. 1835-1932) : 1. La débauche est hideuse dans un vieillard : elle a un côté qui l'excuse dans un jeune homme, les bouillons de l'âge et la fougue des passions.
Chênedollé, Journal,1823, p. 122. B.− P. méton. 1. Bulle, onde qui se forme dans un liquide en état d'agitation ou d'ébullition. Fleuve qui s'élève, sang qui coule à gros bouillons : 2. ... le bouc en morceaux cuisait à gros bouillons dans le beurre rance des pasteurs, ...
Flaubert, La Tentation de st Antoine,1849, p. 482. ♦ Bouillon d'eau. ,,Jet d'eau qui s'élève peu et imite une source vive`` (Chesn. 1857). 2. En partic. a) MÉTALL. Bulle d'air restée dans le verre, dans les métaux fondus (cf. Littré, etc.). b) FAÏENCERIE. ,,Petite éminence située entre la pâte et la glaçure d'une pièce de porcelaine ou de faïence`` (Nouv. Lar. ill.). 3. P. anal. a) ,,Tortil de fil d'or, d'argent, qui sert d'ornement en tapisserie`` (DG). b) Pli bouffant d'une étoffe : 3. Une pomme d'Adam, aussi proéminente que le menton, sortait de l'échancrure du col et se dissimulait de son mieux sous un bouillon de mousseline; ...
Gide, Isabelle,1911, p. 617. II.− [En parlant du liquide qui doit entrer en agitation] A.− Aliment liquide où l'on fait bouillir certaines substances. Bouillons alimentaires (Rob.).Bouillon gras. Bouillon fait avec de la viande : 4. Au lieu de trois cents paysannes allumant trois cents feux et employant trois cents marmites pour cuire trois cents mauvaises soupes, il suffirait de sept femmes, sept feux et sept bassines pour préparer un bon assortiment de potages et bouillons de divers prix, à option.
Fourier, Le Nouv. monde industr.,1830, p. 3. SYNT. Du bouillon de bœuf, et, absol., du bouillon; prendre une tasse de bouillon, et, p. ell., prendre, boire un bouillon. Avaler autant de bouillon qu'il en tient dans une écuelle ou un bol. Bouillon coupé. Bouillon auquel on a ajouté de l'eau. Être (réduit) au bouillon. Ne pouvoir absorber aucune nourriture solide. − Emplois fig. et fam. Bouillon de/d'onze heures. Boisson empoisonnée. Bouillon pointu (p. allus. à la canule et à son contenu). Lavement (cf. Guérin 1892, etc.). ♦ Boire, prendre un bouillon. Avaler de l'eau en nageant. Se jeter dans le bouillon (pop.). Se noyer par suicide (cf. Maupassant, Contes et nouvelles, t. 2, L'Endormeuse, 1889, p. 1177).Au fig., fam. Subir une perte (d'argent, etc.) considérable à la suite d'une mauvaise spéculation : 5. saut. − Eh bien, voilà nos ducs, nos maréchaux qui boivent un fameux bouillon! Notre ami Apponyï leur a fait la queue serrée.
Delécluze, Journal,1827, p. 405. − En partic., IMPR. Ensemble des exemplaires invendus d'une publication. Rendre le bouillon. ,,Rapporter au journal les numéros qu'on n'a pu vendre, et que l'administration vous reprend`` (Vallès, 1866 dans Larch. 1880). Venir reprendre chez les dépositaires de journaux les bouillons du jour précédent (Dub.). B.− P. ext. Bouillon médicamenteux. ,,Eau dans laquelle on a fait bouillir des substances médicinales`` (DG). C.− Emplois partic. 1. Tablettes de bouillon. Bouillon réduit à l'état solide sous forme de tablettes que l'on fait dissoudre dans l'eau bouillante pour obtenir du bouillon liquide (cf. Bouillet 1859). 2. Établissement de bouillon, et, p. ell., bouillon. Établissement où l'on consomme, où l'on vend spécialement du bouillon; restaurant de bas étage (cf. Rob., etc.) : 6. Qu'est-ce que ça doit coûter ce qu'on voit sur les dessertes des grands restaurants : ces langoustes, (...). Elle ne saurait jamais. Elle avait toujours eu à choisir entre le bouillon Boulant ou le Duval et Scossa... 3 fr. 50 tout compris.
Mauriac, Le Mystère Frontenac,1933, p. 249. 3. BACTÉRIOL. Bouillon de culture. ,,Bouillon de bœuf, de veau, de poulet, etc., préparé comme milieu de culture bactériologique`` (Nouv. Lar. ill.). Au fig. Milieu favorable : 7. Ne pas donner à des microbes un bouillon de culture, c'est de la précaution élémentaire...
P. Bourget, Nos actes nous suivent,1926, p. 114. − P. anal., HORTIC. Bouillon de jardinier. ,,Eau de fumier avec laquelle on arrose les arbres languissants`` (Chesn. 1857). PRONONC. : [bujɔ
̃]. [uˑ] mi-long dans Passy 1914. [λ] mouillé dans Fér. 1768, Fér. Crit. t. 1 1787, Gattel 1841, Nod. 1844. Fél. 1851 et Littré. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) Ca 1150 « bulle qui se forme dans un liquide en état d'agitation ou d'ébullition » (Wace, St Nicolas, 179 dans T.-L.); 1360-88 p. anal. « tortil » (Laborde, Invent. joyaux Louis de France, p. 34 dans IGLF Techn.); 1603 « ruban tortillé agrémentant un vêtement » (Galitzin, Invent. de Chenonceau, p. 21, ibid.); 1603 « pli bouffant » (Ibid., p. 28); 1765 « bulle d'air restée dans le verre » (Encyclop. t. 17, s.v. verrerie, p. 138 [c'est à tort que Lar. Lang. fr. note l'apparition de ce sens en 1740 dans le Dict. du citoyen : le mot ne se trouve pas dans l'éd. de 1761 qui semble être la 1reéd. ni dans le Dict. universel de comm. de Savary des Bruslons, éd. 1723, 1730 et 1741-42]); b) ca 1393 « agitation qui se produit à la surface d'un liquide » (Ménagier, II, 146 dans T.-L.); 2. a) xiiies. « aliment liquide où l'on fait bouillir certaines substances » (Nouv. Recueil Fabliaux, éd. A. Jubinal, II, 13, ibid.); b) xves. fig. (Villon, Testament, 853 dans IGLF Litt. : Item, et a mon plus que pere, Maistre Guillaume de Villon, ... Degeté m'a de maint bouillon), cf. boire un bouillon 1827, supra ex. 5; 1843 spéc. « mévente d'un ouvrage » (Balzac, Les Illusions perdues, p. 526); c) 1660 court-bouillon (Oudin Esp.-Fr.).
Dér. du rad. de bouillir*; suff. -on*. STAT. − Fréq. abs. littér. : 582. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 637, b) 1 190; xxes. : a) 1 116, b) 621. DÉR. 1. Bouillonnage, subst. masc.,,Proportion d'invendus pour un journal donné`` (Voyenne 1967). − Terme répandu vers 1901, cf. Dauzat dans Fr. mod., t. 7, p. 27 voir aussi Ch.-L. Carabelli, [Lang. du journ.], p. 300; dér. de bouillon « exemplaire invendu d'un journal » (cf. étymol. 2 b), suff. -age*. 2. Bouillonnure, subst. fém.Défaut consistant dans la présence de bouillons. Les défauts qu'on nomme retirements, bouillonnures (A. Brongniart, Traité des arts céramiques,1844, p. 172).− 1reattest. 1844 id.; dér. de bouillon, suff. -ure*. BBG. − Dauzat Ling. Fr. 1946, p. 322. − Léger (J.). Boire un bouillon. Vie Lang. 1955, p. 96. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 297. − Quem. 2es. t. 3 1972, p. 25. − Rog. 1965, p. 98. − Rommel (A.). Die Entstehung des klassischen französischen Gartens im Spiegel des Sprache. Berlin, 1954, p. 63, 67, 69. − Sain. Sources t. 2 1972 [1925], p. 120. − Voyenne 1967. |