| BORDER, verbe trans. I.− MARINE A.− Garnir de bordages un navire : 1. Le plateau de grande-vue, granite-house et le chantier de construction étaient momentanément préservés. Or, ces quelques jours, il fallait les employer à border le navire et à le calfater avec soin. Puis, on le lancerait à la mer et on s'y réfugierait, quitte à le gréer, quand il reposerait dans son élément.
Verne, L'Île mystérieuse,1874, p. 603. B.− Placer sur le bord d'une embarcation. Border les avirons. Les mettre sur le bord du bateau, prêts à servir (Maupassant, Pierre et Jean, 1888, p. 441). C.− Saisir par le bord. Border les voiles. Les tendre par leur bord inférieur (cf. Jarry, Ubu Roi, 1895, p. 91 : border la misaine). D.− Longer de son bord, ou longer le bord de quelque chose. 1. Border les côtes. Les côtoyer (Voyage de La Pérouse, 1797, t. 2, p. 387). 2. Border un vaisseau ennemi. Le suivre de côté pour l'observer. Rem. Cité dans la plupart des dict. gén. du xixesiècle. II.− Usuel A.− Garnir quelque chose d'un bord, d'une bordure; aménager une chose de manière qu'elle ait un bord. 1. [À l'aide d'un galon, d'un ruban ou de fourrure] :
2. L'extrême magnificence de ce présent ne fut pas ce qui frappa le plus Olivier; ses yeux se fixèrent sur deux rangs de grosses perles qui bordoient le haut de la housse, et qu'il reconnut dans l'instant pour les avoir vues au cou de la duchesse; ...
Mmede Genlis, Les Chevaliers du Cygne,t. 3, 1795, p. 77. 3. J'avais ce soir, en chemin de fer, vis-à-vis de moi, une vieille femme toute charmante d'une grâce séductrice. Une toilette entièrement noire : gants, robe, grand manteau à deux pélerines, capuchon; une toilette où il n'y avait de blanc qu'une dentelle blanche bordant son capuchon, qui courait sur les bandeaux bouffants de ses cheveux gris et encadrait son visage.
E. et J. de Goncourt, Journal,1893, p. 383. 4. Lu dans une revue de 99 un compte-rendu du premier livre de vers de Thomas Hardy, et une poésie amoureuse d'une ironie et d'un pessimisme que Tess ne faisait guère prévoir. Vu sa tête, vague, et une photographie d'Henri De Régnier, du temps où l'on bordait les revers de vestons : tête inénarrable dont le masque de Vallotton ne donne pas une idée.
Alain-Fournier, Correspondance[avec J. Rivière], 1906, p. 76. 5. Je vais m'asseoir dans un café et j'ouvre mon livre, mais la patronne a envie de bavarder avec moi. Elle est assise au bout d'une longue table de billard recouverte de sa housse et borde des mouchoirs.
Green, Journal,1934, p. 216. Rem. À signaler le subst. bordeur, euse, anc. forme du mot brodeur et qui désigne plus partic. l'ouvrier (ère) qui borde les chaussures (cf. Sue, Les Mystères de Paris, 1842-43, p. 209). − Emploi pronom. [En parlant d'une chose quelconque] Se border de. Se garnir de : 6. Un nuage énorme, à tel point brouillé qu'il donnait aux aviateurs l'impression de devenir aveugles, se jeta sur les avions de tourisme, dont les plans se bordaient de neige et qui commencèrent à frémir dans la course affolée des flocons qui les recouvraient.
Malraux, L'Espoir,1937, p. 843. 2. [L'obj. désigne un lit, des draps, des couvertures] En replier le bord sous le matelas : 7. Ah! je suis bien! dit enfin Rose, allongée, pendant que la cousine bordait les draps et remontait le traversin. Et elle riait d'aise, toute seule au milieu du grand lit.
Zola, Pot-Bouille,1882, p. 276. − P. brachylogie. Border un enfant (dans son lit), border serré (cf. Renard, Poil de Carotte, 1894, p. 21) : 8. Les deux hommes étendirent sur elle leurs manteaux; ils enveloppèrent ses pieds, ses jambes et ses genoux, comme un enfant qu'on borde dans son lit. Elle se laissait faire, et les remerciait du regard.
R. Rolland, Jean-Christophe,L'Adolescent, 1905, p. 296. 3. Domaines techn. a) HORTIC. et JARD. − Border une planche. En relever les bords de chaque côté. Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes., (cf. également É.-A. Carrière, Encyclop. hortic., 1862, p. 61). − Border une plate-bande, un massif, une allée. Y planter des végétaux destinés à former des bordures : 9. ... j'avais fait de l'île un parc, un salon, astiquant les grèves de nacres, polissant les récifs, colorant de rouge vif par des injections dans les racines des bosquets entiers, que je bordais ensuite d'orchidées nègres...
Giraudoux, Suzanne et le Pacifique,1921, p. 202. b) PÊCHE. Border un filet. Attacher une corde autour de ce dernier pour le rendre plus fort. Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. du xixeet xxesiècle. c) B.-A. − PEINT. Coucher une couleur plus claire ou plus sombre sur le fond d'un tableau, autour des figures et autres objets pour en détacher les contours. − GRAV. Entourer de cire malléable les planches de grande dimension qu'on ne peut plonger dans la cuvette, mais sur lesquelles on verse directement l'acide à mordre. Rem. 1. Sens attesté dans la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes., ainsi que dans J. Adeline, Lex. des termes d'art, 1884. 2. À signaler le verbe bordoyer. ,,Coucher l'émail à plat sur une plaque de métal bordée`` (cf. Ac. Compl. 1842). Il se dit aussi en parlant du mauvais effet des émaux clairs (attesté dans la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes.). 3. À ce verbe correspond le subst. masc. bordement. Manière d'employer les émaux clairs en les couchant à plat. B.− Occuper le bord de quelque chose, servir de bord à quelque chose. Précipices qui bordent la route (Karr, Sous les tilleuls,1832, p. 43);saules qui bordaient une rivière (Flaubert, Trois contes,La Légende de st Julien l'Hospitalier, 1877, p. 94): 10. Nous franchîmes la première chaîne des montagnes qui bordent la rive orientale du Nil; et perdant de vue les humides campagnes, nous entrâmes dans une plaine aride : rien ne représente mieux le passage de la vie à la mort.
Chateaubriand, Les Martyrs,t. 2, 1810, p. 120. 11. Ils se faisaient des joies de courir la campagne équivoque et jolie qui borde la ville, les rues où les cabarets, couleur lie de vin, sont ombragés par des acacias, les chemins pierreux où les orties croissent au pied des murs, les petits bois et les champs sur lesquels s'étend un ciel fin que rayent les fumées des usines.
A. France, Le Lys rouge,1894, p. 299. 12. C'est surtout sur place, et à part dans chacun des compartiments naturels qui divisent la contrée, que s'obtenaient les moyens de nourriture. Toutefois une ressource générale provenait des rivages poissonneux qui bordent les mers japonaises.
Vidal de La Blache, Principes de géogr. hum.,1921, p. 145. − P. ext. [l'obj. désigne le corps hum. ou une partie du corps] Membranes qui bordent les doigts (Cuvier, Leçons d'anat. comp.,t. 2, 1805, p. 587): 13. Louise n'avait pas prononcé une parole. Elle avait seulement un peu rougi, et baissait la tête. Un filet rouge bordait l'orbe de ses yeux ternes. Je crus qu'elle allait pleurer.
Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 310. − MILIT. [En parlant de troupes] Border la haie. Occuper, en formation de ligne un des côtés ou chaque côté d'une rue, etc. Synon. mod. faire la haie : 14. Cent Écossais bordaient la haie autour de Charles VIII entrant dans Rome.
Stendhal, Promenades dans Rome,t. 2, 1829, p. 298. PRONONC. : [bɔ
ʀde], (je) borde [bɔ
ʀd]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1170 « (d'une chose), garnir, constituer le bord de qqc. » (Fierabras, 6054, A.P. dans R. Hist. litt. Fr., 1898, p. 297); 2. 1264 [date du ms.] mar. border les nes « munir [les nefs] de bordages » (B. de Ste Maure, Troie, 17468, var. dans T.-L.); 1296 id. (Compte de Jean Arrode et de Michel Gascoing, 26 août dans Jal1); 3. 1271 « garnir (qqc.) d'un bord » (E. Boileau, Métiers, 193 dans T.-L.); 4. « placer une chose au bord d'une autre » spéc. xiiies. border le lit [littéralement : assujettir les couvertures au bord du lit] (Chansons et dits artésiens, XI, 10, ibid.); 5. 1690 border une voile « tendre les écoutes pour raidir une voile » (Fur.).
Dér. de bord*; dés. -er. STAT. − Fréq. abs. littér. : 775. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 200, b) 1 245; xxes. : a) 876, b) 1 075. |