| BORDURE, subst. fém. I.− Ce qui garnit ou renforce le bord de quelque chose. Bordure d'hermine (Barante, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 2,1821-24, p. 31);bordure de dentelles (Mallarmé, La Dernière mode,1874, p. 776);rideaux de calicot blanc à bordure rouge (Flaubert, Bouvard et Pécuchet,t. 1,1880, p. 48);bordures du col et des manches (Loti, Pêcheur d'Islande,1886, p. 294): 1. Elle représentait, cette bordure, une torsade de pivoines et de rubans, ou du moins de quelque chose de jaune et de contourné qui pouvait passer pour tel. La bordure avait fait effort pour se raccorder au velours, c'est-à-dire qu'il y avait, mordant la bordure, en guise d'amorce ou de provocation, une régulière indentation de faux prolongements du velours; mais le velours, lui, n'avait fait aucun effort pour s'harmoniser avec la bordure; ...
Gide, Si le grain ne meurt,1924, p. 462. − En partic. [En parlant d'un cadre dans lequel on place un tableau, une estampe, un miroir, etc.] Bordures de tableaux (cf. Balzac, La Cousine Bette, 1846, p. 71); bordure de la glace (E. et J. de Goncourt, Journal, 1879, p. 53); bordure du miroir (cf. Renard, Journal, 1908, p. 1205): 2. ... et sur toutes les cloisons de la pièce, accrocher dans des bordures d'ébène des estampes de Jan Luyken, un vieux graveur de Hollande, presque inconnu en France.
Huysmans, À rebours,1884, p. 81. − Spéc. [En parlant d'une tapisserie] Le haut et le bas d'une tapisserie (cf. Proust, Du côté de chez Swann, 1913, p. 137). II.− Ce qui s'étend sur le bord, occupe le bord ou la lisière de quelque chose : 3. Ils atteignaient le bout de l'avenue; ils apercevaient déjà la bordure de la forêt. Le soleil sur l'herbe étendait devant eux une nappe éblouissante. Jacques s'arrêta : − « Je bavarde », fit-il, « je vous ennuie. » Elle ne protesta pas.
R. Martin du Gard, Les Thibault,La Belle saison, 1923, p. 931. SYNT. La bordure des champs (Barbusse, Le Feu, 1916, p. 114), la bordure de l'eau (Alain, Propos, 1923, p. 566), la bordure de la route (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 670). − Expr. En bordure de : 4. La région n'est pas belle au sens d'un touriste; mais on y cultive la vigne et l'on y peut chevaucher; elle dut plaire à nos compatriotes. Leur forteresse de Chlemoutzi, sur un cône au milieu d'une chaîne assez longue en bordure de la mer, maintenant sur le paysage un vigoureux témoignage de leur extraordinaire aventure...
Barrès, Le Voyage de Sparte,1906, p. 221. ♦ En bordure du chemin (Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 116).En bordure sur la route (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, La Bête à Maît'Belhomme, 1885, p. 200). − Absol. En bordure : 5. Et de là était né son vif désir de connaître le baron Hartmann, lorsqu'il avait appris que le Crédit Immobilier, par un traité passé avec l'administration, prenait l'engagement de percer et d'établir la rue du Dix-Décembre, à la condition qu'on lui abandonnerait la propriété des terrains en bordure.
Zola, Au Bonheur des dames,1883, p. 455. − Rare et p. ext. [En parlant du bord des yeux] :
6. Non, elles ne viendront pas! Je sais cela depuis dix ans. Je me le disais quelquefois, mais je n'osais pas y croire. Une larme roula dans chacun de ses yeux, sur la bordure rouge, sans en tomber.
Balzac, Le Père Goriot,1835, p. 289. ♦ [Pour désigner la petite parcelle d'une chose] :
La bonne critique n'est souvent qu'une bordure (Sainte-Beuve, Portraits littéraires,t. 1, 1844-64, p. 166): 7. De temps en temps un rayon d'aurore, ou un verre de gin, c'est là ce qu'on appelle le bonheur. Une mince bordure de bien autour de l'immense suaire du mal.
Hugo, L'Homme qui rit,t. 1, 1869, p. 164. − Spécialement A.− HORTIC. Lignes de végétaux annuels, bisannuels ou vivaces, que l'on plante le long des allées pour maintenir la terre des plates-bandes ou pour servir à l'ornementation : 8. Berthe remarqua des œillets près d'un carré d'artichauts, et elle se rappela une phrase d'Albert : « Dans la saison, ces bordures d'œillets blancs embaument. » Aussitôt, elle revit la Picauderie, le visage d'Albert, toute cette matinée si charmante, puis elle pensa à leur promenade dans ce chemin où il parlait avec tant de douceur.
Chardonne, L'Épithalame,1921, p. 71. SYNT. Cerisiers plantés en bordure (Moselly, Terres lorraines, 1907, p. 283); peupliers de bordure (Barbusse, Le Feu, 1916, p. 225); bordure d'hortensias (Proust, Le Temps retrouvé, 1922, p. 713); bordure de violettes (Pesquidoux, Le Livre de raison, 1925, p. 4). B.− P. ET CH. [En parlant de la chaussée] Rang de pavés qui retiennent chacun des deux côtés d'une chaussée : 9. Le plus souvent, ça commençait par l'absurde histoire du nombre des pas. Vous savez? Les blocs de granit qui forment la bordure du trottoir sont disposés bout à bout. Je marchais dessus, d'abord sans y penser; puis je commençais à m'apercevoir que, tous les deux pas, je posais le pied sur l'interstice qui sépare deux des blocs de la bordure.
G. Duhamel, Confession de minuit,1920, p. 88. C.− MAR. Bord inférieur d'une voile. Ralingue de bordure ou ralingue de fond (cf. J. Galopin, Cours de lang. mar., Matelotage et technol., 1925, p. 67). Rem. 1. Attesté dans la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes. 2. Dans cet emploi, il existe un synon. bordant, subst. masc. signalé par la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes. et qui désigne le cordage inférieur de la voile. D.− BLAS. Brisure qui entoure l'écu de toute part et qui est toujours différente de l'émail de ce dernier. Bordure engrêlée de gueules (J. Péladan, Le Vice suprême,1884, p. 311): 10. Leonora fit sculpter au-dessus de la porte, par Antar, deux chimères soutenant ces armes splendides : écartelé au 1 et 4 de l'Empire; au 2 et 3 de France; à la bordure endentée d'or et de gueules qui est Ferrare : cet écartelé séparé par un pal de gonfalonier de l'église; et sur le tout un écusson d'azur à une aigle d'argent couronnée, becquée et membrée d'or, qui est d'Este.
J. Péladan, Le Vice suprême,1884p. 51. Rem. 1. Plusieurs dict. enregistrent le verbe bordurer noté comme ,,peu usité`` par Lar. 19e, et qui, en technol., signifie : « garnir d'une bordure ». Bordurer une étoffe. Borduré, ée, part. passé et adj., attesté dans la plupart des dict. gén., signifie en parlant d'une étoffe : « garnie d'une bordure ». Il s'emploie aussi en parlant d'un encadrement. Une collection de tableaux des trois écoles, en bon état et bien bordurée (cité par S. Mercier, Néologie, t. 1, 1801, p. 82). Argotiquement, il désigne enfin une personne interdite de séjour dans certains lieux par les gens du milieu (cf. A. Simonin, Le Pt Simonin ill., 1957, p. 220). 2. On rencontre dans la docum., le subst. masc. bordurier. Personne habitant la lisière des forêts (cf. F. Vidron, La Chasse en plaine et au bois, 1945, p. 94). PRONONC. : [bɔ
ʀdy:ʀ]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1240 « ce qui garnit le bord de qqc. » fréq. comme terme hérald. (Ph. Mousket, Chronique, 7857 dans T.-L.); xiiies. « étoffe dont on garnit le tour de qqc. » (ici d'une couverture) (Eneas, 6918, ibid. : var. bordëure dans les mss H et I du milieu et de la fin xiiies.); xvies. hortic. (Ol. de Serres, 580 dans Littré); 1701 p. et ch. (Fur. : Bordure de pavé); 1773 mar. « côté inférieur d'une voile » (Bourde de La Villehuet, Manuel des marins).
Dér. de border*; suff. -ure*. STAT. − Fréq. abs. littér. : 451. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 323, b) 849; xxes. : a) 699, b) 765. BBG. − Darm. Vie 1932, p. 143. − Rommel (A.). Die Entstehung des klassischen französischen Gartens im Spiegel der Sprache. Berlin, 1954, p. 9, 18. |