| BORD, subst. masc. I.− MARINE A.− [En parlant d'un navire et plus rarement d'une autre embarcation] 1. Extrémité supérieure du revêtement qui de chaque côté couvre la membrure (cf. bordage) : 1. Outougamiz saute par-dessus le bord de la pirogue. Mila se mit à nager de concert avec lui. Tantôt elle se balançoit lentement le visage tourné vers le ciel; vous eussiez cru qu'elle dormoit sur les vagues; tantôt, frappant de son pied l'onde élastique, elle glissoit rapidement dans le fleuve.
Chateaubriand, Les Natchez,1826, p. 329. 2. − Capitaine, l'eau barrotte la cale. Dans dix minutes, l'eau sera au ras des dalots. Les passagers couraient sur le pont, éperdus, se tordant les bras, se penchant par-dessus le bord, regardant la machine, faisant tous les mouvements inutiles de la terreur.
Hugo, Les Travailleurs de la mer,1866, p. 207. 3. Placés à l'arrière, des sous-officiers de confiance veillent de chaque bord...
J.-B. Charcot, La Mer du Groënland,1929, p. 53. − Spéc. Le plat bord. Cordon supérieur qui se place à plat sur le bord du bâtiment (cf. Peisson, Parti de Liverpool, 1932, p. 225). − Loc. Lancer, passer qqc. ou qqn par-dessus bord. Le jeter à la mer : 4. C'était un gamin de quatorze ans que les gardes-marine avaient découvert à fond de cale et amené au patron de la barque.
− Vingt coups de garcette, s'était écrié le capitaine, et flanquez-le-moi par-dessus bord!
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 11. ♦ P. métaph. Se débarrasser d'une personne importune (cf. Barrès, L'Appel au soldat, 1897, p. 469). 2. P. ext. Chaque côté d'un navire (cf. également bâbord et tribord) : 5. La pesée de la cargaison est effectuée contradictoirement, en présence du chargeur ou du destinataire et du marinier. Sur les trois échelles de jauge fixées sur chaque bord du bateau, on relève l'affleurement avant et après le chargement.
La Navigation intérieure en France,1952, p. 18. − Loc. Virer de bord. Changer de direction pour un navire en prenant le vent du côté opposé à celui d'où il venait : 6. ... le Mandarin, qui avait laissé arriver vent arrière (...) vira de bord et approcha du port bâbord amures.
Maupassant, L'Inutile beauté,Livre de bord, Paris, Libr. de France, 1935 [1890], p. 28. ♦ Au fig. Changer de conduite, s'attacher à un autre parti (cf. G. Duhamel, Chronique des Pasquier, La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 48). − Bord à bord. Locution adverbiale qui exprime la proximité de deux bâtiments (cf. Verne, Les Enfants du capitaine Grant, t. 3, 1868, p. 38). ♦ Au fig. et poét. [En parlant de deux existences qui s'écoulent côte à côte] (Cf. Fromentin, Dominique, 1863, p. 161). − Bord sur bord. [En parlant d'un bateau qui a un roulis continu] (Cf. Morand, La Folle amoureuse, 1956, p. 27). ♦ P. anal. [En parlant d'un avion qui se trouve en difficulté] (Cf. Giono, Le Grand troupeau, 1931, p. 254). ♦ P. métaph., iron. [En parlant d'un ivrogne] Louvoyer bord sur bord (cf. T. Corbière, Les Amours jaunes, 1873, p. 193). − Bord du vent. Bord d'où souffle le vent (cf. Verne, Les Enfants du capitaine Grant, t. 2, 1868, p. 51). − Bord sous le vent. Côté du navire opposé à celui d'où vient le vent (cf. Verne, Les Enfants du capitaine Grant, t. 3, 1868, p. 39). − Bâtiments de haut bord. Bâtiments hauts sur l'eau qui naviguaient au long cours, par opposition à ceux de bas bord, ne s'écartant pas des côtes (nef, galère). Vaisseau de haut bord (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 2, 1848, p. 72). ♦ P. métaph., iron. De qualité, de haute lignée. SYNT. Un gourmand de haut bord (Balzac, La Vieille fille, 1836, p. 332); un vicieux de haut bord (Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, 1847, p. 279). B.− P. méton. 1. Bateau. Monter à bord; se rendre à bord; coucher à bord. SYNT. Silence à bord! (A. Daudet, Le Petit Chose, 1868, p. 236); officier du bord (Verne, Les Enfants du capitaine Grant, t. 3, 1868, p. 31); vie de bord (A. Daudet, Contes du lundi, 1873, p. 269); refrains de bord (A. Daudet, Jack, 1876, p. 43); maître à bord (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 175). ♦ Journal de bord. Cahier contenant le compte rendu de ce qui se passe à bord je repensai tout à coup au journal de bord de ces marins d' autrefois, (Loti, Le Roman d'un enfant,1890, p. 286). ♦ Loc. À bord de (une embarcation) : 7. Un signal de l'Astrolabe, qui m'apprenait que le feu était à son bord, me jeta dans les plus vives inquiétudes.
Voyage de La Pérouse,t. 3, 1797, p. 260. 8. Un soir pâle d'août, la lettre qui annonçait à Yann la mort de son frère finit par arriver à bord de la « Marie » sur la mer d'Islande.
Loti, Pêcheur d'Islande,1886, p. 173. 9. Je croyais qu'il pleurait l'un des siens, parent ou camarade; mais quand je l'interrogeai, il me répondit qu'il venait de signer son premier engagement, qu'il embarquait à bord d'un quatre-mâts, le schooner Markus qui allait charger du nitrate au Chili, qu'il n'avait encore jamais navigué et qu'il pleurait de frayeur.
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 282. ♦ Loc. fig. Avec les moyens du bord. En faisant appel aux seuls moyens que l'on a sous la main (cf. Vercel, Capitaine Conan, 1934, p. 28). Rem. On rencontre dans le lang. mar. les 2 subst. bord-contre et bord-droit cités dans la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes. Naviguer à bord-contre ou à contre-bord, ou à bord-opposé, c'est faire route avec des amures différentes de celles d'un autre navire. Naviguer à bord-droit c'est couper à peu près à angle droit la route d'un autre navire. Noter également le subst. masc. bord-opposé signalé par Ac. Compl. 1842 et qui se dit ,,en parlant de deux bâtiments orientés sous des amures différentes, et laissant derrière eux le sommet de l'angle de leurs routes. Ces deux navires courent à bord-opposé``. 2. P. anal. [En parlant d'un autre moyen de locomotion : avion, locomotive, automob., etc.] Tout va bien à bord (Saint-Exupéry, Terre des hommes,1939, p. 191). ♦ Planche de bord, tableau de bord. Emplacement où sont regroupés les appareils de commande ou de contrôle : 10. La face noire du chauffeur luisait au-dessus du tableau de bord et souriait.
Camus, L'Exil et le royaume,1957, p. 1655. ♦ Loc. À bord de. À bord des longs courriers (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 276);à bord des satellites (Hist. gén. des sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 167). 3. P. métaph. et fam. Être du bord de qqn, être du même bord. Partager habituellement les opinions de quelqu'un, d'une entité politique, sociale ou idéologique. De l'un et de l'autre bord (Mmede Chateaubriand, Mémoires et lettres,1847, p. 51);de notre bord (L. Daudet, La Vie de Clemenceau,1942, p. 23);gens du même bord (Quéffelec, Un Recteur de l'île de Sein,1944, p. 196). Rem. À la limite cette expr. qui peut être sentie parfois avec une valeur métaph., n'a plus qu'une valeur expressive équivalente à des loc. plus abstr. du type de notre parti, de notre milieu : 11. D'un côté, il y avait Chautemps, Lévy-Dubois, le Crédit-Lyonnais (...) De l'autre bord, de l'autre bastion, il y avait Stavisky, Bonnet, Boncour...
L. Daudet, La Police pol.,1934, p. 106. II.− P. anal. Extrémité délimitant une surface (suggérant notamment une image de creux). A.− Partie de terre ferme longeant et délimitant un espace rempli d'eau (mer, fleuve, rivière, lac, etc.). Bord du canal (Mmede Staël, Corinne,t. 3,1807, p. 122);bord de la rivière (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1,1848, p. 97);bord de la mer (Zola, La Joie de vivre,1884, p. 822): 12. Quand tu t'ennuieras, viens me voir, ça te distraira, et tu verras comme je suis bonne fille. Si tu veux, un de mes jours de sortie, nous irons à la campagne, dîner au bord de l'eau, à Neuilly ou à Suresnes, et nous nous promènerons sur la rivière.
Du Camp, Mémoires d'un suicidé,1853, p. 119. − Absol. Revenir au bord, atteindre le bord, toucher au bord (cf. Lamartine, Raphaël, 1849, p. 150). − Loc., rare. [En parlant d'un cours d'eau en crue] À pleins bords (cf. Moselly, Terres lorraines, 1907, p. 96). ♦ Au fig. Abondamment, sans restriction et sans obstacle. La remontrance débordant à pleins bords (Balzac, Le Cabinet des antiques,1839, p. 77);vie coulant à pleins bords (R. Rolland, Jean-Christophe,L'Adolescent, 1905, p. 267). − P. méton. et poét. Les bords. Contrée environnée d'eau ou environnant l'eau. Bords fortunés (Chénier, Épîtres,1794, p. 186);arides bords (Chénier, Élégies,1794, p. 95: 13. Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.
Heredia, Les Trophées,1893, p. 111. − En partic. [Pour désigner les Enfers] Sombres bords (L. de Fontaines,
Œuvres complètes,t. 1,1778-1821, p. 314);les bords de l'Érèbe (Heredia, Les Trophées,1893, p. 46). B.− Côté délimitant une route, un chemin, etc. Bord du chemin creux (Balzac, Louis Lambert,1832, p. 160);bord d'un champ (Flaubert, Un Cœur simple,1877, p. 6): 14. J'écris ceci, assis au bord d'une route, au-dessus de Vence, au retour d'une escalade hasardeuse.
Gide, Journal,1940, p. 23. − Rare et poét. Limite de l'horizon. Le bord du ciel (Taine, Voyage en Italie,t. 1,1866, p. 8);le bord tranchant de l'horizon (Fromentin, Dominique,1863, p. 9). − P. ext. [En parlant d'un espace de temps] Le bord de la nuit. Le soir qui commence (cf. Giono, Un de Baumugnes, 1929, p. 150). C.− [En parlant d'une chose concr. : assiette, chapeau, table, etc.] Le bord de la robe (Montalembert, Histoire de Ste Élisabeth de Hongrie,1836, p. 250);les bords du papier (Ponson du Terrail, Rocambole,t. 4, Les Exploits de Rocambole,1859, p. 405);assiette à bords cassés (Giono, Un de Baumugnes,1929, p. 70): 15. Le personnage, fort peu rassuré et tremblant de tous ses membres, s'avança jusqu'au bord de la table de marbre, avec force révérences qui, à mesure qu'il approchait, ressemblaient de plus en plus à des génuflexions.
Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 27. 16. Il laissa glisser l'imperméable qu'il avait gardé sur ses épaules, le posa soigneusement par terre près de sa casquette, et s'avança jusque sur le bord de sa chaise, où il se tint le buste raide, les genoux joints.
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 89. Rem. 1. À signaler le subst. masc. bordoir qui désigne en technol. une sorte de petite enclume dont se servent les ferblantiers pour rabattre les bords de la tôle (noté par Nouv. Lar. ill., Quillet 1965). 2. Lorsque la réf. sém. à un navire est encore quelque peu consciente, bord peut prendre la forme du plur. pour désigner la totalité du pourtour : les bords d'un drapeau, d'une assiette; le sing. suggère un point partic. de cette totalité. − Spéc. [En parlant de l'orifice supérieur d'un récipient, le plus souvent d'un verre] Bord d'une citerne (Flaubert, La 1reÉducation sentimentale,1845, p. 154);emplir son verre ras-bord (Pourrat, Gaspard des Montagnes,À la belle bergère,1925, p. 29);broc rempli jusqu'au bord (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 176): 17. La servante ayant obéi, le pauvre bohémien prit place, tout émerveillé de ces choses. Les verres furent emplis jusqu'au bord, et Fritz s'écria : − À la naissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le véritable Dieu des bons cœurs!
Erckmann-Chatrian, L'Ami Fritz,1864, p. 12. − Rare. subst. Rouge-bord, Verre de vin rouge rempli jusqu'au bord Ayant bu un rouge-bord et essuyé ses moustaches du dos de sa main terreuse, il sortait déjà vers la voiture. (Malègue, Augustin,t. 1,1933, p. 216). − Pop. Être ras-bord. Avoir vidé plusieurs verres remplis ras bord, être ivre (cf. Bernanos, Nouvelle histoire de Mouchette, 1937, p. 1276). D.− [En parlant d'une partie du corps, en partic. des yeux ou des lèvres] Bord des cils (Lamartine, Jocelyn,1836, p. 629);bord d'une plaie (Hugo, Han d'Islande,1823, p. 151);bord des paupières (Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 233): 18. ... elle [MmeRoland] essuya du bout de ses doigts une larme au bord de ses yeux...
Maupassant, Pierre et Jean,1888, p. 427. − Loc. Avoir les larmes au bord des yeux (cf. Béguin, L'Âme romantique et le rêve, 1939, p. 377). Être au bord des larmes, être sur le bord des larmes (Stendhal, Journal, t. 4, 1811-12, p. 94). Avoir un mot, une phrase, une idée sur le bord des lèvres. Être près de se souvenir de quelque chose (A. Daudet, Jack, 1876, p. 197). − ANAT. Bord antérieur (Cuvier, Leçons d'anat. comp.,t. 1,1805, p. 238);bord postérieur (Cuvier, Leçons d'anat. comp.,t. 1,1805, p. 228);bord costal (Cuvier, Leçons d'anat. comp.,t. 1,1805, p. 242);bord supérieur; bord externe et inférieur (Cuvier, Leçons d'anat. comp.,t. 1,1805, p. 256);bord interne (Cuvier, Leçons d'anat. comp.,t. 1,1805, p. 280);bord osseux et cartilagineux (Cuvier, Leçons d'anat. comp.,t. 1,1805, p. 266). E.− [En parlant d'une cavité, d'un précipice] Bord du précipice (Dusaulx, Voyage à Barège,t. 2,1796, p. 188);bord du ravin (Lamartine, Les Confidences,1849, p. 132);bord du vide (Ramuz, Derborence,1934, p. 40): 19. Ces imprudences, cette ouverture de cœur, ces abandons téméraires, ces professions de foi, ce goût des sujets brûlants, toute cette apparente folie, n'est-elle pas le fait d'un homme qui, sachant la vanité des profonds calculs que le réel toujours déjoue, se fie à un instinct en lui − cet instinct des mules dans la montagne, lorsqu'elles longent en paix l'extrême bord de l'abîme?
Mauriac, Journal 1,1934, p. 80. − P. métaph. Pousser l'État au bord de l'abîme. Le mener à la ruine ils ont, à force de forfaits, compromis l' autorité, et poussé l' état sur le bord de l' abîme.(Marat, Les Pamphlets,Offrande à la Patrie,1789, p. 2).Être au bord du précipice, du tombeau. N'avoir que peu de temps à vivre : 20. Je suis allé (...) chez M. Daru. Je l'ai trouvé sur le bord de la tombe.
Stendhal, Journal,t. 1, 1801-05, p. 75. − Rare, absol. Être sur le bord. Être mourant (P. Vialar, La Mort est un commencement, Risques et périls, 1948, p. 165). III.− Au fig. A.− [En parlant d'une pers. qui souffre ou qui se trouve sur le point de tomber dans un grand malheur] Cette psalmodie vient le chercher jusque sur les bords du désespoir et le ramène au combat. (Barrès, La Colline inspirée,1913, p. 109);je me sentais au bord de la détresse (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Jardin des bêtes sauvages,1934, p. 30);Il est au bord de la folie (Guéhenno, Jean-Jacques,Grandeur et misère d'un esprit, 1952, p. 48): 21. Il disait à voix basse : « Quelle vengeance! Quel raffinement de vengeance! » et nous restions tous silencieux, au bord de l'angoisse, car nous ne savions pas si notre père allait succomber à la colère ou laisser paraître ce léger sourire méprisant qui nous était ravissement et malaise.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Notaire du Havre, 1933, p. 48. B.− [En parlant d'une action, d'un sentiment ou d'une attitude qui en sont à leur commencement] Être au bord de. Être prêt à... être sur le point d'avoir. au bord de la guérison (Mounier, Traité du caractère,1946, p. 384);bord de l'action, du sommeil, du laisser aller (Mounier, Traité du caractère, 1946, p. 417, 436, 477); au bord de l'amour (Green, Chaque homme dans sa nuit,1960, p. 350): 22. « Tiens, voilà Micou II » raillait Paule en allongeant le bras par la fenêtre. Au bord de l'indignation, j'en rigolais comme d'une bonne blague.
H. Bazin, La Mort du petit cheval,1949, p. 153. C.− Loc. fam. (apr. un adj. ou une expr. caractérisante; légèrement iron.) Sur les bords. Qui est un peu, qui a tendance à, si on y regarde bien : 23. Anne-Marie tenait bon; elle eût aimé, je pense, que je fusse une fille pour de vrai; avec quel bonheur elle eût comblé de bienfaits sa triste enfance ressuscitée. Le ciel ne l'ayant pas exaucée, elle s'arrangea : j'aurais le sexe des anges, indéterminé mais féminin sur les bords.
Sartre, Les Mots,1964, p. 84. − Péj. (fréq.). Faux jeton sur les bords (Queneau, Zazie dans le métro,1959, p. 233). Rem. Cette loc., très lexicalisée, qui n'a plus guère d'attache sém. avec les sens précédents, aurait pu être présentée en vedette autonome; on la maintient à cette place pour suggérer qu'elle pourrait avoir pour orig. l'image p. ex. des bords d'un navire ou encore d'un chapeau p. oppos. au navire ou au chapeau lui-même. PRONONC. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [bɔ:ʀ]. Littré signale : ,,Le d ne se lie pas : un bor escarpé; l's, au pluriel ne se lie pas : des bor escarpés; cependant plusieurs font la liaison : des bor-z-escarpés.`` Enq. : /boʀ/. 2. Homon. bore, bort. ÉTYMOL. ET HIST. − A.− 1. Ca 1121 mar. « côté d'un navire » bord de la nef (Saint Brendan, éd. Suchier dans Rom. Studies, t. 1, p. 578, 1011); av. 1307 id. bort a bort (G. Guiart, Royaux Lignages, II, 9753 dans T.-L.); 2. p. ext. 1644 (Corneille, Mort de Pompée, II, 2 dans Littré : Achillas à son bord joint son esquif funeste); 3. xviies. fig. « parti » (Mmede Sévigné, 569, ibid.). B.− 1. 1160 « contour d'une surface » (B. de Ste Maure, Troie, 23454 dans T.-L.); 2. 1174-77 « ce qui borde un puits, une fosse » (Renart, éd. M. Roques, branche 2, 3683); d'où fig. 1670 (Racine, Bérénice, IV, 4 dans Littré : Vois-je l'État penchant au bord du précipice?); 3. av. 1307 « bande de terrain le long d'un cours d'eau » (G. Guiart, op. cit., II, 4602 dans T.-L.); 4. spéc. 1596 « étoffe, ruban dont on garnit le tour d'un vêtement » (Hulsius, Dict. françois-alemand); d'où 1680 bord d'un chapeau (Rich.).
De l'a. b. frq. *bord « bord d'un vaisseau » (Gam. Rom.2t. 1, p. 346; FEW t. 15, 1, p. 180; Bl.-W.5; Dauzat 1968; EWFS2), que l'on peut déduire de l'a. nord. bord « bord, arête; bord de navire » auquel De Vries Anord. s.v. rattache l'a. sax. et le vieil angl. bord, le néerl. mod. boord, l'a. h. all. bort, de même sens. L'empr. à l'a. b. frq. s'est fait tout à fait indépendamment de celui de l'a. fr. bort « planche » à l'a. b. frq. *bord « planche » (v. borde). Le rapport entre les 2 mots germ. est obsc., cf. les opinions divergentes de Kluge20, s.v. Bord, de Sperber dans Wörter und Sachen, t. 6, pp. 44-46 et de Falk-Torp, p. 94 (cf. IEW t. 1, p. 138 qui semble enclin à rattacher les 2 prototypes à l'i.-e. *bhrdho- « planche » [*bheredh- « couper »]).
L'hyp. d'un double empr. : A terme de mar. emprunté au frq.; B emprunté au germ. (FEW t. 1, p. 438, s.v. germ. bord) fait difficulté, étant donné qu'aux sens A et B les corresp. rom. sont récents et empruntés au fr. : esp. borde dep. Nebrija 1493-5 (> cat., Cor.); ital. bordo mar. xives. terme gén. 1590 (DEI), port. bordo xives. (Mach. t. 1); pour la même raison, l'empr. du fr. bord au germ. (aux sens A et B) (Brüch, p. 54; REW3, no1215) est à écarter. La forme de lat. médiév. borda (borda clavia [clavata] dans CGL t. 5, p. 596, 9, interprétée « bordure » par Kluge dans Archivum romanicum t. 6, p. 302) doit être considérée comme un hapax demeuré improductif. STAT. − Fréq. abs. littér. : 13 072. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 24 428, b) 14 744; xxes. : a) 15 867, b) 14 069. BBG. − Darm. Vie 1932, p. 143. − De Gorog 1958, p. 65. − Dub. Pol. 1962, p. 34. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 212. − Martin (E.). S'il faut dire virer de bord ou virer le bord. Courrier (Le) de Vaugelas. 1875, t. 6, pp. 92-93. − Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. Rem. lexicogr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 362. |