| BONDIR, verbe intrans. I.− Vx [en parlant d'un son] Retentir. Rem. Il semble que dans la phrase suiv. plutôt que d'un archaïsme, il s'agisse d'un emploi métaph. du sens usuel : des sonneries de clairon bondissaient par-dessus la fusillade (Romains, Les Copains, 1913, p. 211). II.− Cour. Faire un ou plusieurs bonds, s'élever brusquement en l'air. A.− [Le suj. désigne une chose concr.] De petites flammes bleues courent, bondissent et jouent sur le fond ardent du brasier (Balzac, La Peau de chagrin,1831, p. 297);on entend la neige bondir mollement sur la pelouse (Gozlan, Le Notaire de Chantilly,1836, p. 126): 1. ... la chaloupe glisse sur les vagues, comme la pierre aplatie, qui, lancée par la main d'un enfant, frappe le flot, se relève, bondit et rebondit en effleurant la surface de l'onde.
Chateaubriand, Les Natchez,1826, p. 369. 2. Partout où il [le guitariste] passait, raclant ses cordes, et les faisant harmonieusement bondir sous le pouce, il était sûr d'être suivi par une foule.
Baudelaire, Paradis artificiels,Du vin, 1860, p. 323. − P. anal., littér. Une cascade, un torrent bondit. L'ombre du matin est encore au fond du lit de la gorge où bondit le torrent principal (Lamartine, Voyage en Orient, t. 2, 1835, p. 256). B.− [L'accent est mis sur l'idée d'agilité, de souplesse; le suj. désigne gén. un être hum. ou un animal] :
3. Il y a des poissons larges et plats qui bondissent à la surface calme des eaux sur lesquelles ils retombent en faisant retentir au loin les vastes solitudes de la mer : ...
Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 193. 4. J'aimais sa façon de marcher à mon côté. Plutôt que marcher, je devrais dire sautiller et bondir.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Désert de Bièvres, 1937, p. 56. PARAD. Sauter, sautiller; s'élancer, cabrioler, gambader. 1. P. ext., fam. − S'élancer en avant : 5. ... elle [Emma] entendit le trot d'un cheval dans l'allée. C'était lui [son mari], il ouvrait la barrière, il était plus blême que le mur de plâtre. Bondissant dans l'escalier, elle s'échappa vivement par la place...
Flaubert, Madame Bovary,t. 2, 1857, p. 159. − Se rendre en toute hâte en un lieu : 6. Le temps juste de m'habiller et je bondis plutôt que je ne courus place des Barricades, où demeurait Charles Hugo.
Verlaine,
Œuvres posthumes,t. 2, Souvenirs et promenades, 1896, p. 146. − P. métaph. : 7. La paix est loin d'avoir l'assurance de la joie. La joie bondit, frappant le sol, de son talon.
R. Rolland, Beethoven,t. 2, 1928, p. 404. 2. Spéc. [Bondir suivi d'une prép. indiquant une direction] a) Bondir dans (cf. supra ex. 5). b) Bondir de (hors de).Le jongleur bondit hors de sa cabane (Chateaubriand, Les Natchez,1826, p. 386);Comme un homme endormi qu'une vipère mord, Elle bondit de terre avec un cri de mort (Lamartine, La Chute d'un ange,1838, p. 898). c) Bondir sur.[En prenant appui sur un corps dur] Le fiacre souplement bondit sur ses ressorts et recule (Romains, La Vie unanime,1908, p. 102).[En fonçant en direction d'un objectif animé ou d'une chose] C'était bien le tigre se ramassant pour bondir sur sa proie (Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1847, p. 612). d) Bondir vers : 8. Le téléphone sonna. Il était dix heures. Nous échangeâmes un regard étonné, puis plein d'espoir : (...). Mon père bondit vers l'appareil, cria « Allo » d'une voix joyeuse.
F. Sagan, Bonjour tristesse,1954, p. 180. − Bondir comme.[Suivi d'une compar.; gén. avec une nuance poét., compar. de l'homme avec un animal souple ou un élément naturel fluide] [Le sauvage] bondit comme un torrent du haut d'un roc, et disparoît (Chateaubriand, Les Natchez,1826, p. 149);Stephen se lève et bondit comme un tigre (Karr, Sous les tilleuls,1832, p. 151). SYNT. Bondir comme un chamois, un chevreuil, un faon, une gazelle, un léopard, un lion, une panthère, un poulain en liberté. III.− Au fig. [Qqf. employé absol. mais gén. suivi de la prép. de indiquant la cause] Réagir sous l'empire d'une émotion. Bondir de colère, d'impatience, de joie, de rage. Le jeune voyageur bondissoit de plaisir. Le vieillard, moins joyeux, alloit un train plus sage (Florian, Fables, Le Cheval et le poulain, 1792, p. 83).Le confiant Perrin cria consciencieusement : « Corbeau! corbeau! » Le pauvre curé bondit (Duranty, Le Malheur d'Henriette Gérard,1860, p. 88). − [Le suj. désigne le cœur dont le rythme s'accélère sous l'effet d'une émotion] Le cœur bondit d'allégresse, de crainte, d'indignation; le cœur lui bondit : 9. Je fus jaloux de cet enfant sur-le-champ, et le cœur me bondit en voyant qu'il touchait le sabre du général.
Vigny, Servitude et grandeur militaires,1835, p. 142. − Loc. Faire bondir le cœur. a) Employé absol. En entrant dans la chambre, prêt à m'évanouir, attendant néanmoins je ne sais quel hasard, une suprême espérance me fit bondir le cœur (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Les Dimanches d'un bourgeois de Paris, 1880, p. 320). b) [Suivi de la prép. de indiquant la cause] ♦ [Le dégoût] Donner la nausée. Cf. également haut-le-cœur, lever le cœur : 10. ... il faut me pardonner et vous dire que vous venez d'entendre le cri d'un vieux Français de France, qui ne peut trouver tout à fait le repos dans les sables, car si fataliste que je sois devenu, il y a toujours des questions qui me font bondir le cœur, ...
J. et J. Tharaud, La Fête arabe,1912, p. 282. ♦ [La joie] Un regard rapide échangé entre ma belle et moi me fait bondir le cœur de joie. Nous allions être seuls! (Musset, Il ne faut jurer de rien,1840, p. 105). − P. ell. Faire bondir qqn (sous-entendu de colère, d'indignation) : 11. Je ne peux plus causer avec qui que ce soit sans me mettre en colère; et tout ce que je lis de contemporain, me fait bondir.
Flaubert, Correspondance,1872, p. 62. PRONONC. : [bɔ
̃di:ʀ], (je) bondis [bɔ
̃di]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1100 bundir « retentir, résonner » (Roland, éd. J. Bédier 3119) − xvies., Tahureau dans Hug.; 2. xiiies. bondir « faire des sauts » (2eContinuation de Perceval, éd. Roach, 30 798 [var.], t. 4, p. 446).
Empr. au lat. vulg. bombitire, var. de *bombitare fréquentatif de bombire « bourdonner (des abeilles) », lui-même dér. de bombus « bourdonnement des abeilles, bruit retentissant », gr. β
ο
́
μ
ϐ
ο
ς, onomatopée; le changement de sens est dû à un changement de registre : à l'impression auditive de sons montants et descendants s'est substituée une impression visuelle de même rythme. STAT. − Fréq. abs. littér. : 1 468. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 744, b) 2 349; xxes. : a) 2 388, b) 2 059. BBG. − Darm. Vie 1932, p. 155. − Sain. Sources t. 2 1972 [1925], p. 15, 278, 446. |