| BONACE, subst. fém. Rare, vieilli. État d'une mer très tranquille, calme plat : 1. Il faut l'embrun, le sel amer,
Et la bonace après l'orage,
Et faire plusieurs fois naufrage,
Quand on veut être un loup de mer.
J. Richepin, Mes paradis,1894, p. 50. − P. anal. (cf. accalmie ex. 8) : 2. Il en est des êtres comme des mers; chez les uns l'inquiétude est l'état normal; d'autres sont une Méditerranée, qui ne s'agite que pour un temps et retombe en la bonace.
Radiguet, Le Bal du comte d'Orgel,1923, p. 105. − P. métaph. État d'une personne dépourvue de toute agitation, période de répit : 3. Il aimait la lecture des journaux, les plaisirs immobiles, les conversations tièdes, les jeux de mots. Il était appliqué, silencieux et semblait modeste. On oubliait volontiers Ferdinand (...). Et, soudainement, après de longues bonaces, Ferdinand éclatait. Pendant une minute, pendant une heure entière, Ferdinand était soulevé de frénésie.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Jardin des bêtes sauvages, 1934, p. 136. PARAD. a) (Quasi-)synon. immobilité, placidité, tranquillité. b) (Quasi-)anton. colère, emportement, fureur, turbulence. Rem. S'écrit except. bonasse : ,,cœur tu n'as pas plié / dans la bourrasque, / ô cœur vas-tu sombrer / dans la bonasse`` (Péguy, Quatrains, 1924, p. 542). PRONONC. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [bɔnas]. 2. Homon. : bonasse. 3. Forme graph. − Ac. Compl. 1842 mentionne : ,,bonache. Mot employé par Rabelais pour Bonace``. ÉTYMOL. ET HIST. − Début xiiies. bonace (Mir. de Sardenai, 181 dans Gdf. Compl.); av. 1266 bounasse (Assises de Jérusalem, chap. 46 dans Jal1, s.v. bounasse); début xives. bonasse (Gestes des Chiprois, II, Hist. armen. des crois., VI, 710 dans Gdf. Compl.); 1402 id. (Conquête des Canaries dans Jal1); 1606 bonace et bonasse (Nicot); noté comme ,,tombé en désuétude`` par Jal1.
Du lat. vulg. *bonacia, altération d'apr. l'adj. bonus « bon », du lat. malacia « calme de la mer » pris pour un dér. de malus « mauvais », et qui est en réalité emprunté au gr. class. μ
α
λ
α
κ
ι
́
α « faiblesse de constitution, mollesse, manque d'énergie » (Vidos dans Z. fr. Spr. Lit., t. 58, 1934, pp. 448-449 et dans Mélanges Fouché, Paris, 1970, pp. 45-49). L'a. prov., l'a. cat., l'a. port., l'esp., l'ital. (début xiiies. lat. médiév. bonacia, Buoncompagno, chroniqueur de Florence, dans Du Cange t. 1, p. 697a) sont eux aussi directement issus du lat. vulg. Étant donné l'ancienneté du mot dans l'ensemble de la Romania, cette hyp. semble préférable à celle d'un empr. à l'ital. bonaccia (Vidos dans Archivum romanicum, t. 14, 1930, p. 136), non attesté d'ailleurs dans la lang. littér. avant Dante au sens de « beau temps » et avant le xives. au sens de « calme de la mer » (Batt.); seule, la forme fr. bonache 1552 (Rabelais, Quart livre, éd. Marty-Laveaux, t. 2, p. 361) est le reflet de l'ital., Sain. Lang. Rab. t. 1, p. 116 (de même que la forme bounasse av. 1266 supra, pourrait être celui du prov., dont la forme bounaço est notée par Mistral).
Contestant, entre autres, le caractère pop. du lat. malacia, Keller dans FEW t. 6, 1, pp. 78-80 et dans R. Ling. rom., t. 23, 1959, pp. 287-292 voit dans les mots rom. des dér. du lat. bonus (même hyp. déjà formulée par Diez5, p. 58), à travers soit l'a. génois bonaza (bonaccia), xiiies., soit l'a. prov. bonassa, le subst. a. prov. fém. mar « mer » étant sous-entendu; Vidos dans Mélanges Fouché, loc. cit., écarte ces intermédiaires compte tenu de l'égale ancienneté du mot dans l'ensemble de la Romania et justifie le caractère pop. de malacia en lat. chrétien. STAT. − Fréq. abs. littér. : 18. BBG. − Hope 1971, p. 30. − Keller (H.-E.). Notes d'étymol. gallo-rom. et rom. R. Ling. rom. 1959, t. 23, pp. 287-292. |