| * Dans l'article "SOIF,, subst. fém." SOIF, subst. fém. A. − 1. Sensation plus ou moins vive de sécheresse de la bouche et des muqueuses du pharynx, liée à un besoin de l'organisme en eau; besoin ou envie de boire. On essayait de prendre le troupeau par la soif en le privant d'eau pendant plusieurs jours, le troupeau se passait de boire et ne s'aventurait pas davantage (Verne, Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 106).V. adurant ex., étanchement dér. s.v. étancher1ex. de Gide: La soif latente ou habituelle est cet équilibre insensible qui s'établit entre la vaporisation transpiratoire et la nécessité d'y fournir; c'est elle qui, sans que nous éprouvions quelque douleur, nous invite à boire pendant le repas, et fait que nous pouvons boire presque à tous les moments de la journée.
Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 127. SYNT. Soif abominable, affreuse, ardente, aride, atroce, brûlante, dévorante, excessive, extrême, horrible, importante, inextinguible, insatiable, intarissable, intense, intolérable; la soif brûle, dévore, tourmente; apaiser, assouvir, calmer, désaltérer, étancher, éteindre, guérir la/sa soif; avoir grand, très soif; souffrir de la soif; haleter, tirer la langue de soif; boire sans soif. − Expr. et loc. ♦ Boire à sa soif. Boire autant qu'on en éprouve le besoin ou l'envie. Morin me versa d'une bière légère, et m'avertit que j'en pouvais boire à ma soif, qu'elle ne contenait pas d'alcool (France, Pierre bl., 1905, p. 269).On mangea à sa faim, et on but à sa soif, − on but au delà de sa soif, parce que boire est un plaisir (Ramuz, A. Pache, 1911, p. 30). ♦ Fam. Boire jusqu'à plus soif. Boire à satiété, d'une façon excessive. P. anal. Le bébé essaya de prendre un air fin et même matois, comme si téter jusqu'à plus soif était une bonne farce qu'il avait faite, mais qu'il ne pût la soutenir, faute de forces, parce qu'il était trop petit (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 43).Au fig. (Faire qqc.) jusqu'à plus soif. À satiété, outre mesure. J'ai beau savoir que la rousse se carapatte à mon endroit, je continue de rigoler: je rigolerais jusqu'à plus soif (Estaunié, Vie secrète, 1908, p. 210). ♦ Fam. [Par croisement entre il fait chaud et on a soif] Il fait soif. On a soif. Dites, vous ne trouvez pas qu'il fait soif? (...) [Fefeu] se lève et disparaît dans le salon. Quand il en revient, il tient une bouteille de whisky (R. Borniche, Le Gang, 1975, p. 57 ds Rey-Chantr. Expr. 1979). ♦ Fam. [Par croisement de avoir soif et prendre froid] Prendre soif. Avoir soif, être altéré. Le temps qu'on l'attende, qu'on revienne, on prenait soif (Céline, Voyage, 1932, p. 385). ♦ Rester sur sa soif. Ne pas avoir assez bu. Au fig. Éprouver encore le besoin d'une chose, ne pas être satisfait. Synon. rester sur sa faim*.Je suis toujours pressée, pour mon compte aussi, de retrouver mon marmot, et je reste toujours sur ma soif devant les merveilles de la nature (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 19). ♦ Avoir soif à mettre la mer à sec. Avoir très soif. Chœur des satyres: En Bourgogne! En Bourgogne! Vive le vin Bourguignon! (...) Un satyre: Je ne m'arrête pas avant Châlons! Un autre: J'ai soif à mettre la mer à sec! (Claudel, Protée, 1927, ii, 8, p. 404). ♦ (Garder une) poire pour la soif. V. poire I A.Quand j'ai quitté ma famille, j'emportais comme réserve, comme poire pour la soif, une paire de boucles d'oreilles en diamants (Duhamel, Désert Bièvres, 1937, p. 82).Être une poire pour la soif. Être une réserve en cas de nécessité. Le général (...) lui donna un jour (à Berthier) un diamant magnifique de plus de cent mille francs. « Tenez, lui dit-il, gardez cela; nous jouons souvent gros jeu; que cela vous soit au besoin une poire pour la soif » (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 893). ♦ Proverbe. On ne saurait faire boire un âne s'il n'a pas soif. V. boire1I A 2 d. − En partic. ♦ Besoin, désir de boire de l'alcool. Le public de Londres est depuis longtemps dans le cas des gens qui font abus des liqueurs fortes, et dont la soif est devenue une fièvre ardente (Delécluze, Journal, 1828, p. 493).Soif de + compl. précisant le genre de boisson alcoolisée.Désir de boire un alcool. Les courtisanes racoleuses du client capable d'étancher leur soif de grand cru (Hamp, Champagne, 1909, p. 182). ♦ Au fig., littér. Soif de sang. Désir de meurtre. Et cette soif de sang qui s'irrite en son sein, Ô fureur! contre l'homme arme l'homme assassin! (Fontanes,
Œuvres, t. 2, Ode sur l'enlèvement du pape, 1821, p. 89).Je te montre deux épées, et tu me demandes pourquoi faire ces deux épées? (...) parce que tu dois avoir soif de mon sang comme j'ai soif du tien (Dumas père, Don Juan, 1836, iv, 7etabl., 4, p. 88).Les dieux ont soif. Les dieux ont soif de sang, veulent faire verser le sang des hommes. Le grand-prêtre Hébert, Momoro et leurs pareils (...) disent sans cesse aux Jacobins, à la commune, aux Cordeliers, ce que disaient les prêtres espagnols à Montézume: Les dieux ont soif (Desmoulinsds Vx Cordelier, 1793-94, p. 248). 2. P. ext. Besoin de boire non satisfait; privation d'eau nécessaire à la santé, à la vie. Une horrible mort, la mort par la faim et par la soif, les attendait sur ce roc! (Verne, Île myst., 1874, p. 610).Aux limites de la steppe, (...) certaines années, les cadavres des troupeaux décimés par la famine et la soif jonchent le sol (Wolkowitsch, Élev., 1966, p. 35). − Expr. et loc. ♦ Mourir de soif. Mourir par manque d'eau. P. hyperb. Mourir de soif, crever de soif (pop.). Ressentir une soif très vive. Entrons au Napolitain, je commence à crever de soif (Maupass., Bel-Ami, 1885, p. 12).Une autre femme, mourante de soif, demandait à Pélagie un verre d'eau (Goncourt, Journal, 1896, p. 1004). ♦ Fam., vieilli. La faim a épousé la soif, c'est la faim et la soif. (Ds Hautel 1808). C'est la faim qui épouse la soif. (Ds Ac.). Marier la faim et la soif. V. faim B. 3. P. anal. [À propos de la terre, de la végétation] Manque d'eau. Les petits pois se couchent de soif au pied des rames (Renard, Journal, 1901, p. 671).L'eau, sagement et parcimonieusement répartie, satisfait à la soif des plantes, puis leur est aussitôt retirée (Gide, Immor., 1902, p. 392). − Loc. verb. [Le suj. désigne la terre, un végétal] Avoir soif. Avoir besoin d'eau. Une terre a soif après les longs mois d'été (Guéhenno, Jean-Jacques, 1952, p. 69). B. − Au fig., littér. Désir passionné, impatient d'une chose d'ordre matériel ou moral. Synon. appétit, besoin, envie, faim.Soif exagérée, excessive, immense, impérieuse, insatiable de qqc./qqn; soif d'absolu, d'affection, d'amour, de bien-être, de bonheur, de conquête, d'honneur(s), d'inconnu, d'infini, de richesse(s), de vengeance. Dévoré de la soif d'une autre vie et de l'impatience de m'y élever (...), j'ai longtemps, souvent, partout cherché ce dieu que mon désespoir implore (Nodier, J. Sbogar, 1818, p. 149).Notre époque est dévorée d'une soif de recherches et de découvertes d'autant plus vive que notre monde s'est rétréci davantage et que nous croyons n'avoir plus rien à explorer (Dumesnil, Hist. théâtre lyr., 1953, p. 218).V. apaiser I A 1 b ex. 7 et rem. − Soif de + inf. complétif.Soif d'aimer, d'apprendre. J'ai faim de vous lire et soif de vous embrasser (Hugo, Corresp., 1852, p. 73).Les chefs ont des sentiments actifs, et la jalousie se transforme chez eux en une soif d'arriver, coûte que coûte, aux positions les plus enviées (Sorel, Réflex. violence, 1908, p. 244).Ayant faim et soif de connaître, il [le grand siècle florentin] eut de grands éclairs de joie sur un fond de désespoir (Faure, Hist. art, 1914, p. 367).V. faim ex. 5. − Loc. verb. Avoir (grand) soif. Désirer ardemment, vivement (quelque chose/quelqu'un). J'ai soif de toi. J'ai soif d'un chez-soi! J'ai soif de boire à longs traits la vie en commun, la vie à deux (Balzac, Lettres Étr., t. 3, 1846, p. 184).Laurent avait grand'soif d'ombre, grand désir de fraîcheur (Duhamel, Combat ombres, 1939, p. 246). REM. 1. Boit-sans-soif, subst. masc. inv.,pop., fam. Personne qui boit outre mesure, soiffard. Guiccioli se mit à rire: − Il dit qu'il n'a pas soif! Tu ne sais donc pas, malheureux, qu'on est la bande des boit-sans-soif? (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 111). 2. Soifier, subst. masc.,hapax. Homme du Nord, ardent navigateur perdu dans les brouillards (...), infatigable soifier d'idéal, aimez les femmes froides (Baudel., Max. consol., 1867, p. 620). Prononc. et Orth.: [swaf]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Déb. xiies. sei (Benoît de Ste-Maure, Voyage de St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 332); ca 1230 morir de fain et de soif (Eustache le Moine, 1612 ds T.-L.); 1690 boire à sa soif (Fur.); 1854 être soif (Goncourt, Journal, p. 152); 1855 en soif (Id., ibid., p. 194); 1867 jusqu'à plus soif (Delvau, p. 268); 1870 faire soif (Poulot, Sublime, p. 131); b) 1550 p. anal. en parlant de la terre (Ronsard, Odes, III, 10, éd. P. Laumonier, t. 2, p. 23); 2. fig. a) 1263 « désir passionné » de mal fere soi (Rutebeuf, Renart le Bestourné, éd. E. Faral et J. Bastin, t. 1, p. 543); b) 1693, 3 juin avoir grand'soif « avoir besoin d'argent » (Mmede Sévigné, Lettres, éd. R. Duchêne, t. 3, p. 1003). Du lat. sitim, acc. de sitis « soif ». Le f final semble dû à l'infl. anal. de mots du type de l'a. fr. noif (v. neige), et pour éviter l'homon. avec soi* et soit*. Fréq. abs. littér.: 2 697. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 159, b) 3 842; xxes.: a) 4 170, b) 4 207. DÉR. Soiffer, verbe,pop. a) Empl. intrans. Avoir toujours soif, boire outre mesure du vin, de l'alcool. [Gervaise] soiffait à tirelarigot (Zola, Assommoir, 1877, p. 707).Les pochards arrivent (...) Le broc se vide en écumant. On ne boit plus; on soiffe (Richepin, Pavé, 1883, p. 280).b) Empl. trans.
α) [Le compl. désigne une boisson] Boire avec excès, rapidement. Soiffer un litre (Cellard-Rey 1980).
β) [Le compl. désigne une somme] Dépenser son argent à boire. Elle m'a en plus fait cadeau de quatre pièces de cinquante centimes (...). Je l'ai vite soiffé ce petit pèze en bocks à deux sous... Il a fait une chaleur infâme pendant l'été 1910 (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 371).− [swafe], (il) soiffe [swaf]. − 1resattest. 1802 (pop. d'apr. Esn. 1966), 1808 (Hautel); de soif, dés. -er. BBG. − Jaberg (K.). Soif und die sprachliche Expansion in Nordfrankreich. Z. fr. Spr. Lit. 1912, t. 38, pp. 231-273. − Ménard (Ph.). « Je meurs de soif auprès de la fontaine ». Romania. 1966, t. 87, pp. 394-400. − Thomasson (de). Semantica francese: faim et soif. Le Lingue del Mondo. 1961, t. 26, pp. 179-192. |