| BLESSURE, subst. fém. A.− [Concerne les êtres vivants] Lésion faite volontairement ou par accident à un organisme vivant à la suite d'un coup, d'un choc, d'une brûlure, au moyen d'une arme, d'un instrument tranchant ou contondant. − [En parlant de la blessure d'une pers.] :
1. Marius, toujours combattant, était si criblé de blessures, particulièrement à la tête, que son visage disparaissait dans le sang et qu'on eût dit qu'il avait la face couverte d'un mouchoir rouge.
Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 493. 2. Tout à l'heure, tandis que le major examinait sa blessure : « Ah, pour une bonne blessure, c'est une bonne blessure! Et juste la veille d'une attaque! »
Montherlant, Le Songe,1922, p. 130. 3. Le chef nous montre sur le dos de cet homme des cicatrices de blessures et des traces de coups. Il nous dit les exactions de Korami, les gens de son village terrorisés, désertant pour une circonscription voisine.
Gide, Voyage au Congo,1927, p. 842. ♦ Spéc., DR. PÉNAL. Coups et blessures. Crime ou délit pour lesquels la loi distingue les faits volontaires et les faits involontaires et qu'elle punit de peines diverses : 4. Peut-être les aventures de Doua-Tara fourniront-elles un sujet d'épopée à quelque Homère maori. Elles furent fécondes en désastres, en injustices, en mauvais traitements. Manque de foi, séquestration, coups et blessures, voilà ce que le pauvre sauvage reçut en échange de ses bons services.
Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 3, 1868, p. 20. − [En parlant de celle d'un animal] :
5. ... si le blaireau ne provoque personne, il se défend dangereusement. Nul carnassier de nos climats n'en vient à bout. Ne pouvant ni courir ni bondir, il se renverse sur le dos, mord et griffe. Ses ongles puissants labourent son adversaire; ses dents lui font des blessures cuisantes.
Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 92. − [En parlant de celle d'un arbre] :
6. Il [Olivier] le revoyait [Regotaz] penché sur le petit bouleau tigré; il le revoyait qui touchait avec la bonne intention de ses doigts les blessures vertes de l'arbre.
Giono, Le Grand troupeau,1931, p. 174. 7. ... ils [les villageois] goûtaient l'eau d'érable, trouble et fraîche, telle qu'elle coulait aux blessures des arbres...
Genevoix, Éva Charlebois,1944, p. 35. − Rouvrir une blessure. Remettre à vif une blessure qui commençait à cicatriser. ♦ Au fig. : 8. La purification alors ne peut lui venir qu'à travers l'art, et de préférence à travers l'art pictural : les œuvres littéraires lui demeurent trop proches pour pouvoir opérer en ce sens (ou bien, si c'est d'elles qu'il s'agit, il faut qu'il en jouisse pour ainsi dire décorativement, sans quoi les rapports des mots avec l'idée réveillent en lui des souvenirs trop récents et par là rouvrent une blessure); plutôt que de l'apaiser, la musique l'exalte...
Du Bos, Journal,1921, p. 15. B.− P. anal. [En parlant de la blessure d'une chose] :
9. Un obus tombé devant elle [la maison] avait (...) criblé le mur de blessures blanches.
Genevoix, La Boue,1921, p. 132. 10. Trois locomotives reprenaient haleine, appuyées contre quelque butoir (...). Elles (...) portaient même des blessures de balles.
P. Vialar, L'Éperon d'argent,1952, p. 87. − P. métaph. La nuit est toujours (...) déchirée de longues blessures de clarté (Genevoix, Rroû,1930, p. 164): 11. Il n'y avait pas de lumière dans le ciel, seulement là-bas vers l'est une blessure violette pleine de nuages.
Giono, Le Chant du monde,1934, p. 91. C.− Au fig. 1. Atteinte à la sensibilité, à l'amour-propre d'une personne; offense : 12. Quelques-uns des lecteurs de l'abbé Cénabre parmi ceux qu'il irrite, que sa gentillesse, son goût de plaire n'ont point désarmés, recherchent dans ses derniers livres, avec clairvoyance, cet accent singulier, douloureux qui semble marquer une blessure de l'orgueil, un doute de soi.
Bernanos, L'Imposture,1927, p. 329. 13. Le lieutenant-rapporteur allait déplorer la douloureuse blessure faite à notre prestige, affirmer que la honte nous atteignait tous, qu'elle atteignait surtout les chefs, parce qu'un tel acte pouvait donner à croire que nous n'étions ni obéis, ni respectés.
Vercel, Capitaine Conan,1934, p. 83. 2. Souffrance morale : 14. Il semble que la première blessure de Gide fut qu'on l'ait, dès l'enfance, habitué à agir d'après une règle où il ne trouva rien d'autre qu'« une intolérable réprobation de soi-même ».
Massis, Jugements,1924, p. 40. Prononc. : [blεsyʀ] ou [ble-]. Cf. blesser. Enq. : /blesyʀ/. Étymol. ET HIST. − Mil. xiies. blescëure « plaie produite par un coup » (Wace, St-Nicolas, éd. N. Delius, 1113 dans T.-L.); xives. blessure d'apr. FEW t. 15, 1, s.v. blettian; xives. par métaph. (Machault, éd. E. Höpffner, t. 1, Dit. dou Vergier, 537); 1538 « blessure d'amour-propre » (Est.).
Dér. du rad. de blesser*; suff. -ure*. STAT. − Fréq. abs. littér. : 2 758. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 534, b) 4 445; xxes. : a) 3 632, b) 3 292. BBG. − Sigurs 1963/64, p. 37, 97. |