| BISTRE, subst. masc. Suie détrempée : 1. ... quand les bouts de tuyaux de fumée ne sont pas convenablement emboîtés, il peut couler du bistre par les joints des tuyaux.
L. Ser, Traité de phys. industr.,t. 2, 1890, p. 2. A.− P. ext. Couleur qui rappelle celle de la suie : 2. ... le teint de ces jeunes personnes, vêtues à l'orientale, variait du bistre à l'olivâtre ...
G. de Nerval, Voyage en Orient,t. 1, 1851, p. 160. − Emploi adj. De temps en temps passait un homme à teint bistre (Aragon, Les Beaux-quartiers,1936, p. 396): 3. Tu vois cela d'ici. Des ocres et des craies;
Plaines où les sillons croisent leurs mille raies,
Chaumes à fleur de terre et que masque un buisson;
Quelques meules de foin debout sur le gazon;
De vieux toits enfumant le paysage bistre, ...
Hugo, Les Contemplations,t. 2, 1856, p. 24. ♦ Au fig. : 4. Et sur le susdit registre,
Sans hésiter, sans émoi,
À mon nom si terne et bistre
J'ajoutai : né Troubetzkoi,
De ce jour, à table d'hôte,
On fut plein d'égards pour moi, ...
Ponchon, La Muse au cabaret,1920, p. 123. B.− Spéc., B.-A. Substance colorante obtenue en mêlant de la suie et de la gomme, utilisée notamment pour faire des lavis : 5. M. Baldeschi, de Pérouse, possède un dessin, ou carton, exécuté par Raphaël pour les fresques de Sienne ... au bistre, avec quelques traits de crayon blanc...
Stendhal, Hist. de la peint. en Italie,t. 2, 1817, p. 406. − P. méton. Les lavis eux-mêmes : 6. Au fond d'une alcôve est son lit, tout entouré et enveloppé de bistres de Frago, qui ont le premier regard du collectionneur qui s'éveille, (...) à la lumière d'une veilleuse.
E. et J. de Goncourt, Journal,1864, p. 62. Rem. On rencontre dans la docum. les dér. a) Bistrage, subst. masc. Maquillage qui rappelle la couleur du bistre. ,,Cette jolie et distinguée MmeKann, quelle manie que ce bistrage macabre du dessous des yeux, ce maquillage-cadavre emprunté à MmeLa Valette!`` (E. et J. de Goncourt, Journal, 1890, p. 1230). b) Bistreur, subst. masc. Peintre qui utilise le bistre. ,,Un bistreur Caresme, un aquarelliste, un gouacheur, toujours érotique, volontiers obscène, au dessin lourd ...`` (E. de Goncourt, La Maison d'un artiste, 1881, p. 57). c) Bistrure, subst. fém. Cerne couleur de bistre. ,,Jollivet, un charmant physique avec cette bistrure de l'œil, que j'ai déjà remarquée chez Cassagnac et que je crois particulière à la race des duellistes`` (E. et J. de Goncourt, Journal, 1871, p. 846). PRONONC. : [bistʀ
̥]. ÉTYMOL. ET HIST. − A.− Subst. début xvies. B.-A. (J. Lemaire, [
Œuvres, 3, 163] dans DG). B.− Adj. ca 1570 couleur bistre (Dalechamp, trad. de Galien, 590 [1609] dans Quem.).
Orig. inc. (FEW t. 33, p. 186a); un rapprochement avec l'adj. bis* « d'un gris foncé » (EWFS1) se heurte à des difficultés d'ordre phonétique. STAT. − Fréq. abs. littér. : 81. |