| BISCORNU, UE, adj. A.− Fam. [En parlant d'une chose] Qui a une forme bizarre, irrégulière. Forme, construction biscornue. Tous deux franchirent sans peine la muraille irrégulière des plantes grasses et biscornues (Louÿs, Aphrodite,1896, p. 186): 1. ... il me dit que ce goût du baroque est général au Japon et que les jeunes filles de là-bas collectionnent des cailloux biscornus, des racines tortillardes d'arbustes.
E. et J. de Goncourt, Journal,1894, p. 700. − Emploi subst. Ce qui est biscornu; caractère de ce qui est bizarre, extravagant : 2. Là [au Muséum], le biscornu authentique, la combinaison des ailes avec la lourdeur, celle d'un col très délié avec le ventre le plus pesant; ...
Valéry, Variété 1,1924, p. 89. B.− Au fig., péj. Qui est extravagant, inattendu, compliqué. Esprit biscornu, idée, imagination biscornue : 3. Elle avait chaque jour des combinaisons nouvelles et biscornues, qu'elle transmettait aux magistrats, lesquels, fatigués de ces billevesées, ne lui répondaient même plus...
Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 370. 4. Ce qui m'agace c'est cette sorte de développement par l'imprévu. Étant donné une phrase, immédiatement elle appelle dans son esprit ce que personne n'attend, mais avec une telle régularité que cela finit par faire une sorte de logique biscornue exaspérante.
J. Rivière, Correspondance[avec Alain-Fournier], 1910, p. 219. PRONONC. : [biskɔ
ʀny]. ÉTYMOL. ET HIST. − [1390 bicornu, Bl.-W.5, sans attest.]; 1571 bicornu « qui a deux pointes » (M. de La Porte, Epithetes, 156 vodans Hug.); 1580 « irrégulier, anguleux » (Palissy, Discours admirables, des Metaux et Alchimie, p. 206, ibid.); 1694 biscornu « contrefait, mal bâti » (Ac. [additions]); 1740 fig. ouvrage biscornu, raisonnement biscornu, esprit biscornu (Ac.).
Dér. avec préf. bi-* de cornu* « qui a des cornes », fin xiies. (Aliscans, 116 dans Gdf. Compl.), « qui a des coins ou des angles saillants », ca 1160 (Roman de Thèbes, 3026 dans T.-L.), d'où « sot, bizarre », seconde moitié du xiiies. (Des Vilains, 39, ibid.), sur le modèle de l'adj. bicorne* « qui a deux cornes »; devenu biscornu d'apr. le lat. bis « deux fois ». STAT. − Fréq. abs. littér. : 77. |