| BILE, subst. fém. A.− PHYSIOL. Liquide visqueux, amer, de coloration jaune ou brune, sécrété par le foie et qui s'écoule dans l'intestin au moment de la digestion. − Spéc., MÉD. ANC. ♦ Bile jaune (bile ordinaire). L'une des quatre humeurs cardinales (les autres étant le sang, l'atrabile ou bile noire, et la pituite) à laquelle on attribuait une influence déterminante sur le tempérament selon sa composition et sa proportion par rapport aux autres humeurs. ♦ Bile noire ou atrabile*. [Chez Hippocrate et Galien] , l'une des quatre humeurs cardinales, qu'ils supposaient être sécrétée par la rate et, en cas d'excès, agir sur le caractère en provoquant des accès de mélancolie, d'hypocondrie : 1. ... curieux phénomène de prescience chez nos prédécesseurs de l'Antiquité et du xviiesiècle qui ont attribué certains états de dépression mentale à la mélancolie (...) et à l'« atrabile » autre expression littérale de la bile noire.
Ce que la France a apporté à la méd. dep. le début du XXes., 1946, p. 237. − [La bile considérée, avec le sang et les nerfs, comme un élément déterminant de la personnalité hum.] :
2. Nous autres : de la bile et des nerfs. Il manque la chaleur du sang qui fait l'action; mais de là, peut-être, l'observation.
E. et J. de Goncourt, Journal,1865, p. 218. 3. ... le caractère change suivant que l'estomac fonctionne bien ou mal; la médisance, la colère, l'envie, c'est de la bile accumulée ou de la digestion ratée; la bonhomie, la joie, c'est le sang qui circule librement, ...
Huysmans, En route,t. 2, 1895, p. 185. B.− P. métaph. ou fig. [La bile est associée aux diverses formes ou manifestations de la colère (irritabilité, agressivité, violence, mauvaise humeur, hargne, aigreur, envie, amertume, etc.) ou de la mélancolie (morosité, anxiété, humeur noire, etc.)] Cette bile de l'envie tirant et jaunissant la peau (Zola, L'Œuvre,1886, p. 314);crachant (...) la bile fadasse de mon dégoût (Milosz, L'Amoureuse initiation,1910, p. 84): 4. J'ai dû regarder enfin comme incurable ce naturel vipérin, pétri de fiel, de poison et de bile, et qui a besoin de mordre pour sa propre santé.
Amiel, Journal intime,1866, p. 239. 5. Ce crétin pique soudain une crise hystérique (...) puis ayant déchargé sa bile il s'isole pour soigner ses convulsions.
Queneau, Exercices de style,1947, p. 168. − Au plur., rare : 6. ... j'absorbai des rancunes et des aigreurs qui ne m'appartenaient point, (...) les vieilles biles de Flaubert, des Goncourt, de Gautier m'empoisonnèrent...
Sartre, Les Mots,1964, p. 148. SYNT. a) Émouvoir, échauffer, exciter, irriter, remuer la bile (de qqn); déverser, décharger, épancher, exhaler, vomir sa bile (sur qqn); épargner, modérer, retenir, tempérer sa bile. Avoir la bile enflammée. Être dans une grande colère. Faire jaunir qqn de bile. Le mettre en colère. b) Mauvaise bile, bile rentrée, amère; flot de bile. ♦ Se faire de la bile. Se faire du souci. Ne pas se faire de bile. Ne pas s'en faire, laisser courir. Se faire une bile noire; se tourner la bile; se causer tant de bile pour rien. PRONONC. : [bil]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1539 (Canappe, 2eLivre de la méthod. thérap. cité par R. Chauvelot dans La Presse médicale, 57, p. 579, sans réf.); 1546 (Ch. Estienne, Dissect. des parties du corps, 196, 2, 5, 6 dans Quem. : ceste bile est aussi nommée le fiel ... cholere); 1660 fig. échauffer la bile (Molière, Sgan., 1 dans Littré).
Empr. au lat. bilis (Plaute, TLL s.v., 1987, 34), atra bilis dès Plaute, ibid., 1987, 61; au fig. dans Sénèque, ibid., 1988, 18. STAT. − Fréq. abs. littér. : 380. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 787, b) 674; xxes. : a) 544, b) 255. BBG. − Biol. 1970. − Duval 1959. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 131. − Lar. méd. 1970. − Méd. 1966. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Rog. 1965, p. 109. |