| BESOGNEUX, EUSE, adj. A.− [Correspond à besoin] 1. Qui vit, où l'on vit dans le besoin. Être besogneux; une existence besogneuse : 1. « ... Quelles raisons ont pu pousser le capitaine Dreyfus à commettre la trahison dont on l'accuse? Était-il besogneux? Non, il était riche... »
R. Martin du Gard, Jean Barois,1913, p. 360. − Emploi subst. : 2. ... le monde est aussi dur aux besoigneux qu'il est secourable à ceux qui ne manquent de rien.
O. Feuillet, Monsieur de Camors,1867, p. 56. 3. Dans toutes les sociétés qui se sont succédé depuis le commencement du monde, il y a eu un athéisme des intelligences supérieures, mais je ne connais pas encore de société ayant subsisté avec l'athéisme des gens d'en bas, des besogneux, des nécessiteux.
E. et J. de Goncourt, Journal,1882, p. 165. 2. Rare. Besogneux de qqc.Qui a besoin de (quelque chose). Une femme besogneuse d'attachement , (E. et J. de Goncourt, Journal,1860, p. 828). ♦ Emploi subst. : 4. Je n'avais point d'audience à heure fixe; entrait qui voulait; (...). Parmi les besogneux d'argent et d'intrigues de toutes les sortes, s'avançaient en procession vers la rue des Capucines de mystérieux butors; ...
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 3, 1848, p. 206. B.− [Correspond à l'emploi I B de besogner] Qui travaille durement et constamment en s'occupant de travaux médiocres et pour un maigre résultat. L'humanité besogneuse et affairée (Mauriac, Le Mystère Frontenac,1933, p. 276): 5. la France, avec ... sa population besogneuse ... ne pouvant ... se distraire de ses labeurs ... est devenue refractère au métier des armes.
P.-J. Proudhon, La Révolution soc. démontrée par le coup d'État du 2 déc.,1852, p. 64. − Emploi subst. : 6. ... Ô mère et c'est ma race et la race captive
Constamment accotée aux murs de sa prison
Et vous seule vivace et seule industrieuse,
Vous vous dépensez toute, ô seule besogneuse,
À laver la vaisselle et ranger la maison.
Péguy, La Tapisserie de Notre-Dame,1913, p. 725. Rem. On rencontre dans la docum. besogneusement, adv. D'une façon besogneuse, misérablement. Privé de fortune, comme il convient aux lacipides de l'érudition, ce documentaire vivait besogneusement (L. Bloy, Le Désespéré, 1886, p. 50). Attesté dans Rob. PRONONC. ET ORTH. : [bəzɔ
ɳø], fém. [-ø:z]. Il existe également au xixes. la forme besoigneux (Land. 1834, Nod. 1844, Littré). Land. 1834 et Nod. 1844 admettent une prononc. en [wa], Littré insiste : ,,Quelques-uns disent, à tort, be-zoi-gneû, gneû-z.`` ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) xies. busuinos de « qui a besoin de » (Alexis, éd. C. Storly, 365) − xiiies. (R. de Houdenc dans T.-L. : besogneus); b) 1170 adj. besoignos « qui est dans le besoin » (B. de Ste Maure, Troie, 18 184); repris sous la forme besoignos dans Ac. Compl. 1842 qui le qualifie de ,,v. lang.``; p. ext. 2. 1775 besoigneux « qui fait un travail médiocre et mal rétribué » (Beaumarch. Barb. Sév., I, 6 dans Rob.), forme besogneux dep. Land. 1834.
Dér. de besogne* (qui doit donc être antidaté p. rapp. à son attest. écrite); suff. -eux*. STAT. − Fréq. abs. littér. : 95. BBG. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 201. |