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BERGER, ÈRE, subst.
I.− [Désigne une pers.]
A.− [Désigne un personnage de la vie réelle] Personne sédentaire ou nomade qui garde des moutons, des brebis ou des chèvres. Le bâton, la houlette du berger; chien de berger ou chien-berger.
P. ext. Personne qui mène paître le bétail d'une ferme, quel qu'il soit (pourceaux, bœufs, taureaux, vaches). Rare. ,,Propriétaire, éleveur de troupeaux`` (Lar. 19e) :
1. Saint Louis mourant au delà des mers pour la Croix, invoquait avec ferveur l'humble bergère qui était la protectrice de sa capitale. Montalembert, Hist. de Ste Elisabeth de Hongrie,1836, p. XCIX.
2. J'avoue ne pas goûter du tout le berger qui lit Tolstoï en gardant son troupeau, ... J. et J. Tharaud, L'An prochain à Jérusalem!,1924, p. 162.
Rem. 1. On rencontre dans la docum. un emploi adj., rare [p. réf. à certaines qualités, à certains défauts habituels du berger]. Simple, naïf, ingénu. Allure bergère : 3. Je suis un peu berger, c'est vrai, je veux dire un peu simple, mais, quand même, papa, je ne veux pas que tu te fasses tant de mauvais sang... Je t'assure que c'est une fée... je te le jure... Audiberti, Les Femmes du Bœuf, 1948, p. 124.
Rem. 2. Berger entre dans des périphrases pour désigner des personnages historiques ou légendaires : La bergère de Domrémy, Jeanne d'Arc. Le berger phrygien, trad. de Phrygius pastor (Virg., Enéide, VII, 363, désigne Pâris, fils de Priam, roi de Troie en Phrygie; Pâris avait été élevé parmi les bergers du mont Ida).
Rem. 3. On rencontre dans la docum. le néol. bergeot, subst. masc. (J. Richepin, Vers la Joie, 1894, p. 95). Berger.
Rem. 4. Berger, pasteur, pâtre sont des synon. partiels ,,Pasteur est un mot plus noble, qui ne s'emploie au propre que dans la haute poésie (...) Pâtre au contraire a quelque chose de bas : il représente le conducteur de bestiaux comme un homme grossier, ou du moins simple et ignorant`` (Lar. 19e-20e).
ASTRON. L'étoile du berger/du Berger. ,,Nom vulgaire de la planète Vénus, que les bergers observent facilement, parce qu'elle se montre le soir de très-bonne heure ou très-tard dans la matinée`` (Lar. 19e; cf. aussi Samain, Le Chariot d'or, 1900, p. 67). Signe du Bélier, premier signe du zodiaque et, p. ext., zodiaque :
4. On doit aussi se procurer [en imprimerie] les signes algébriques, ceux du berger, ceux de médecine et pharmacie. A.-F. Momoro, Traité élémentaire de l'impr.,1794, p. 22.
5. Il [Ducis] était lion par son père, disait-il, et berger par sa mère. Sainte-Beuve, Causeries du lundi,t. 6, 1851-62, p. 457.
Emplois métaph. (en poésie). La lune, ce berger d'étoiles / Aux pâles prairies du ciel, / Déjà guide un troupeau de nues / Vers les sources de la lumière (C. Brentano, trad. G. Roud, chez Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 283).Arg. [P. réf. à la place du berger / de la bergère menant son troupeau en marchant derrière ce dernier] ,,Dernière carte d'un jeu battu; employée sortant la dernière à la fermeture d'un grand magasin`` (Esn. 1966).
Loc. proverbiales. On a vu des rois épouser des bergères. ,,Il y a eu de tout temps des mésalliances`` (Ac. 1878); cf. aussi Proust, La Fugitive, 1922, p. 658), des alliances entre riches et pauvres.Bon berger tond et n'écorche pas. Il faut ménager ceux qui vous aident et peuvent encore vous aider. Est mauvais berger qui aime le loup! On ne peut pas en même temps défendre ses amis et composer avec leurs pires ennemis.
P. méton., région. ,,Marmite à compartiments jumeaux, dans laquelle on porte au pâtre son manger (Beauce, 1796; Seine-et-Oise, 1850)`` (Esn. 1966; cf. aussi P. Martellière, Glossaire du Vendômois, 1893, p. 40). D'où, p. métaph., ,,maîtresse alimentaire, « marmite »`` (Esn. 1966).
B.− [Désigne un héros d'œuvre littér.]
1. Personnage principal de la poésie pastorale et des formes d'art qui s'y rattachent (chorégraphie, etc.) :
6. Mllede Sévigné figurait, dès 1663, dans les brillants ballets de Versailles, et le poëte officiel... Benserade, fit plus d'un madrigal en l'honneur de cette bergère et de cette nymphe qu'une mère idolâtre appelait la plus jolie fille de France. Sainte-Beuve, Portraits de femmes,1844, p. 8.
P. méton. [Dans des périphrases littér.] Poète ayant chanté des bergers. Le berger de Mantoue, Virgile; le berger de Sicile, de Syracuse, Théocrite, [parce que ces deux poètes ont chanté les bergers] (Lar. 19e, Lar. 20e).
Rem. On relève dans la docum. le néol. bergerolet, subst. masc. (E. et J. de Goncourt, Journal, 1856, p. 274 et 1864, p. 72; suff. -e/olet, -elette*). Petit berger (cf. Bergerot).
2. En partic. Personnage d'amant, d'amante apparaissant sous les traits de berger, de bergère dans les œuvres pastorales. Un berger fidèle, une bergère inconstante (Ac.1798-1932) :
7. Tous les amants font toujours des chansons pour leur bergère... Et moi aussi j'en ai fait une pour elle... Chénier, Bucoliques,1794, p. 91.
Les bergers du Lignon. ,,Amoureux cités comme type de la galanterie et de la délicatesse pastorale, par allusion aux personnages de l'Astrée`` (Lar. 19e-20e).
P. ext., fam. ou pop. Bergère, subst. fém. [,,Allusion ironique aux ariettes pastorales du dernier siècle, où l'amante est toujours la bergère de Tircis ou de Colin`` (Larch. Suppl. 1880)] Femme aimée, épouse ou maîtresse; péj. fille facile :
8. On était pas fixé depuis quarante-huit heures dans un bled qu'il avait déjà basculé deux bergères minimum, parfois la mère et la fille. A. Simonin, Touchez pas au grisbi,1953, p. 75.
Loc. proverbiales fig. L'heure du berger. Le moment où l'amant trouve l'amante favorable à ses vœux. P. ext. L'occasion, le moment propice à la réussite d'une affaire, quelle qu'elle soit (cf. Proust, Du côté de chez Swann, 1913, p. 227).La réponse du berger à la bergère. La ,,réplique qui clôt la discussion`` (Ac. 1932); (cf. aussi H. Bazin, Vipère au poing, 1948, p. 157).
C.− [Gén. au masc., p. réf. à la parabole évangélique du Bon pasteur, Jean, X, 11-16] Guide spirituel d'une personne, d'un groupe de personnes. Ces bergers qu'on appelle les prêtres (Hugo, Le Pape,1878, p. 44);une remarquable bergère d'âmes (Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 218):
9. ... la distinction essentielle entre les aristocraties et les masses, les bergers et les troupeaux, Omer commençait de la croire beaucoup plus positive que ne le déclaraient les enthousiasmes égalitaires des Lyrisse. Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 390.
P. ext. [Se dit notamment d'un chef de parti pol.] Guide dans l'action temporelle. Un bon, un mauvais berger :
10. Cet individualisme passionné manquerait totalement à des classes ouvrières qui auraient reçu leur éducation de politiciens; elles ne seraient plus aptes qu'à changer de maîtres. Les mauvais bergers espèrent bien qu'il en sera ainsi; ... Sorel, Réflexions sur la violence,1908, p. 379.
II.− [Désigne un animal]
A.− Chien de berger ou, p. ell., berger, subst. masc. Un berger allemand :
11. Avant la guerre, Costals avait un berger allemand, et souvent le chien, le voyant sortir, l'accompagnait sans en être prié, puis lui témoignait avec peu de discrétion qu'il souhaitait qu'on s'employât à l'amuser. Montherlant, Le Démon du bien,1937, p. 1348.
Emploi adjectivé en appos. Chienne bergère (Colette, Paysages et portraits,1954, p. 234);chiens bergers (G. d'Esparbès, Le Roi,1901, p. 265);F. Mauriac, Mes grands hommes, 1949, p. 231).
Rem. On rencontre l'emploi fém., rare : une bergère flamande (Colette, Paysages et portraits, 1954, p. 101).
B.− ORNITH. Bergère, subst. fém. Synon. de l'usuel bergeronnette*; cf. aussi bergerette A.
Rem. Attesté dans DG, Bél. 1957, Lar. Lang. fr.
PRONONC. : [bε ʀ ʒe], fém. [-ε:ʀ]. Enq. : /beʀ ʒe/.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Fin xiies. au fig. bergier « gardien » (Prise Orange [réd. AB], éd. Cl. Régnier, 885); fin xiies. berchier « gardien de moutons » (G. de Pont-Ste-Maxence, Saint Thomas, éd. E. Walberg, 96); xiies. fém. bergiere (A. de La Halle, Jeu de Rob., éd. E. Langlois, 77); 2. 1838 ornith. (Ac. Compl. 1842). Empr. au lat. vulg. *vervecarius, dér. de vervex « brebis », attesté sous la forme birbicarius « pâtre, berger » vers 600 (Lex Romana Burgundionum, II, 6 dans Fagniez, Documents relatifs à l'histoire de l'industrie et du comm. en Fr., 1898, p. 41), sous la forme berbicarius en 698 (cité par Calmet, Hist. de Lorr., I, pr. col. 261 dans Nierm.) et aussi au ixes. dans les Gloses de Reichenau (éd. H.W. Klein, 1968, t. 1, p. 79). Au sens 2, parce que cette sorte d'oiseau suit les moutons (Roll. Faune t. 2, p. 226), v. aussi bergerette* et bergeronnette*.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 2 041. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 060, b) 2 895; xxes. : a) 3 035, b) 2 690.
BBG. − C. (A.). L'Heure du berger. Vie Lang. 1959, pp. 433-434. − Goug. Mots t. 1 1962, pp. 220-224. − Reid (T.B.W.). L'Heure du berger. In : [Mél. Orr. (J.)]. Manchester, 1953, pp. 245-51.