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BELLÂTRE, subst. et adj.
A.− Emploi subst., péj.
1. Personne dont la beauté est fade, sans expression ni caractère :
1. Portant beau (...) le monocle à l'œil, Boisgelin était un grand bellâtre, aux yeux gris, au nez fort, les moustaches cirées... Zola, Travail,t. 1, 1901, p. 97.
2. Une jeune femme est courtisée par deux hommes : un sauvage, un bourru (...) − et un jeune bellâtre diseur de riens agréables, ... Léautaud, Le Théâtre de M. Boissard,t. 2, 1943, p. 175.
2. P. ext. Celui qui fait le beau, le joli cœur, celui qui, se sachant ou se croyant beau, prend des airs avantageux :
3. ... j'ai aimé un sans-cœur, un vaniteux, un imbécile... Est-ce que, vraiment, j'ai pu aimer ce bellâtre, avec sa face blanche et malsaine, ses côtelettes noires d'ordonnance, sa raie au milieu du front? ... Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 284.
4. Auprès de lui [Keats], (...) Lord Byron n'était qu'un bellâtre fleurant le cigare, effrayé surtout de grossir, homme à femmes, homme à succès, poète se vendant bien. Green, Journal,1944, p. 100.
SYNT. Un bellâtre insignifiant, italien, provincial; un bellâtre d'ingénieur, de marquis, de ministre; un bellâtre de cinéma; son bellâtre de cousin; un jeune, un vieux bellâtre; avoir une tête de bellâtre.
B.− Emploi adj.
1. [Correspond au sens A 1] :
5. On connaît ces Christs bellâtres, ces Vierges langoureuses, ces anges presque pimpants, qui peuplent les tableaux d'église ... H. Lemonnier, L'Art fr. au temps de Louis XIV,1911, p. 39.
Rare. [En parlant d'une chose] :
6. Cette mise en scène, si complètement privée de jeunesse, devait mieux servir nos sévères analyses que n'eussent fait les somptuosités énergiques de la grande nature, la mollesse bellâtre du littoral méditerranéen, ... Barrès, Un Homme libre,1889, p. 28.
2. [Correspond au sens A 2] :
7. ... Pozzi autre chirurgien (...) ne m'intéresse pas du tout (...). Il est bellâtre, pommadé, bavard et vide. L. Daudet, Salons et journaux,1917, p. 189.
Rem. Les dict. du xixes. mentionnent que bellâtre s'emploie aussi en parlant d'une femme; le DG et Lar. 20equ'il s'emploie le plus souvent en parlant d'un homme; Ac. 1932, Rob. et Quillet 1965 qu'il qualifie un homme.
PRONONC. : [bεlɑ:tʀ ̥]. La majorité des dict. note [ε] ouvert à l'initiale; seuls Land. 1834, Gattel 1841 et Fél. 1851 transcrivent cette syll. par [e] fermé. À ce sujet, cf. Buben 1935, § 48 : ,,Devant l'accent tonique, le redoublement graphique des consonnes est devenu un moyen commode pour indiquer que l'e inaccentué n'est pas sourd, mais qu'il faut le prononcer ouvert ou fermé [...] Autrefois la prononciation a beaucoup varié et l'orthographe a longtemps hésité entre aiguilleter et aiguilletter, guetter-gueter, jeter-jetter [...] cellier-celier, modeler-modeller, seller-seler, etc. La prononciation actuelle se règle sur l'usage graphique et l'on fait entendre un e ouvert dans tous les mots qui s'écrivent avec la consonne redoublée [...] Devant une consonne simple, l'e est sourd ou syncopé [...] Comparer la double prononciation de belette [bəlεt] et bellâtre [bεlɑtʀ ̥].``
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1546 « de quelque beauté » (Rabelais, Le Tiers Livre, éd. Marty-Laveaux, t. 2, p. 122 : les lacquais de court par les degrez, entre les huys, fabouloient sa femme à plaisir, laquelle estoit assez bellastre), attest. isolée; 2. 1740 (Ac. : Bellâtre. Qui a un faux air de beauté, une beauté mêlée de fadeur). Dér. de bel*; suff. -âtre*.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 49.
BBG. − Axisa (H.). Les Mots qui muent. Déf. Lang. fr. 1971, no59, p. 21 (s.v. bélâtre). − Duch. Beauté 1960, p. 44.