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BEIGNE, subst. fém.
Arg., pop., vieilli. Bosse qui se forme à la suite d'un coup, d'une chute. Se faire une beigne, avoir une beigne. Synon. bosse, enflure, coup :
1. Et la jeune femme qui accourait reçut un coup de poing entre les deux yeux qui la fit pivoter sur elle-même et s'étaler de tout son long... L'homme parti, la femme se relevait. Elle avait une beigne sur l'œil. Cendrars, L'Homme foudroyé,1945, p. 251.
Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. du xixeet xxes. à partir de Ac. 1798 (qui note ,,il est vieux`` mais cette mention qui apparaît jusqu'à Ac. 1878 disparaît dans Ac. 1932, ce qui tend à prouver que cet anc. mot continue à être bien attesté dans l'usage courant).
P. ext., usuel. Coup qui va provoquer ou qui a provoqué l'enflure. Donner, recevoir des beignes. Synon. coup de poing, gifle; châtaigne volée, marron volé (fam.) :
2. Les mauvais jours sont revenus. (...) J'ai repris des beignes à la volée pour vouloir jouer au lieu d'apprendre. Je comprenais pas grand'chose en classe. Mon père, il a redécouvert que j'étais vraiment un crétin. Céline, Mort à crédit,1936, p. 154.
Loc. Passer qqn à beignes. Lui donner des claques répétées et violentes. Passage à beignes.
Rem. Attesté dans Canada 1930 et dans Vie Lang. 1962, p. 242 (lang. des clowns).
PRONONC. ET ORTH. − 1. Forme phon. − Transcr. de la forme beigne [bε ɳ]; seule transcr. de la forme bigne dans DG : bīñ. 2. Forme graph. − Ac. 1798, 1835, Ac. Compl. 1842, Ac. 1878 enregistrent uniquement la forme bigne (cf. aussi Besch. 1845, Littré et DG). Ac. 1932 souligne, s.v. bigne : ,,Dans le langage populaire on dit plutôt beigne.`` Rob., s.v. bigne, renvoie à beigne et Dub. ne donne que la forme beigne. Lar. 19edonne d'une part beugne, d'autre part bigne, Nouv. Lar. ill. d'une part beigne ou beugne, d'autre part bigne, Quillet 1965 d'une part beigne, d'autre part bigne. Ces dict. ainsi que Pt Lar. 1906 signalent, s.v. bigne, qu'il s'agit d'un vieux mot dont on a fait les mots pop. beigne ou beugne (à ce sujet cf. supra la rem. dans Ac. 1932). Lar. 20eet Lar. encyclop. admettent parallèlement beigne, beugne ou bigne.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1378 buyne « bosse à la tête provenant d'un coup » (A.N. JJ 114, pièce 80 dans Gdf. Compl. : lui fist une grant buyne ou boce sur ledit œil), forme isolée; début xves. bigne (Villon, Grand Test., Ball. et Orais., ibid.), considéré comme fam. dep. Trév. 1704 et vieux dep. Trév. 1771, maintenu dans les dial. du Centre (Jaub.); 1606 beigne (Merlin Cocc., III, dans Gdf. Compl.); 1807 fam. dial. (Lorraine) beugne « id. », p. ext. « coup de poing, gifle qui provoque cette enflure » (J.-F. Michel, Dict. des expr. vicieuses, p. 22 : Ne dites pas [...] cet enfant s'est fait une beugne, une gueugne à la tête en tombant. Je lui ai donné une bonne beugne [...] Cet enfant s'est fait une grosse bosse à la tête en tombant. Je lui ai donné une bonne tape), aussi en dial. vendômois (P. Martellière, Glossaire du Vendômois, 1893), ainsi que sous la forme beigne au sens de « soufflet » arg. (Delvau), qualifié de ,,vx`` par Larch. Suppl. 1880; av. 1907 [2emoitié xviiies.?] arg. dial. (Brie) bègne « coup » (Louis Legendre dans France : Puisqu'il fallait que l'on cognât, Pour administrer une bègne, Rien ne vaut un poing d'Auvergnat). Mot d'orig. prob. préromane remontant à une base *bun(n)ia « souche d'arbre », dér. collectif d'un celt. *buno que l'on peut induire du kymr. bon, gaélique bun « id. » (R. Thurneysen, Keltoromanisches, p. 83, s.v. bugno). Se rattachent aussi à *bun (n)ia le prov. bougno « souche », l'ital. septentrional bugna « bosse », le cat. bony « id. ». − L'hyp. d'un frq. *bungjan (Gam. Rom2t. 1, p. 335 et EWFS2, s.v. bigne) ne rend pas compte de l'ext. géogr. du mot.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 9.
BBG. − Baudez (J.). Le Cirque et son lang. Vie Lang. 1962, p. 242. − Cuis. lyonn. Vie Lang. 1952, p. 277. − Feugère (F.). En marge de l'exposition Charles V. dans le vocab. de Duguesclin. Déf. Lang. fr. 1968, no45, p. 26. − Feugère (F.). La Première Renaissance et notre vocab. Déf. Lang. fr. 1970, no51, p. 15.