| BEIGE, adj. et subst. A.− Emploi adj. 1. [En parlant de la laine naturelle et de toute étoffe] Qui n'a reçu ni teinture, ni blanchiment. Drap, laine, serge beige (Ac. 1835-1932). 2. P. ext. a) Couleur de la laine naturelle et de fibres textiles non teintes, entre le blanc cassé et le marron très clair. Un pardessus beige (Pt Lar. 1906, Lar. 20e) : 1. L'escalier, avec son tapis beige et sa rampe de fonte peinte en blanc, ne répondait en rien aux goûts de M. Ribert; ...
A. France, La Vie en fleur,1922, p. 378. 2. Tout près de la baie entr'ouverte, une pèlerine beige de laine brute sur les épaules, seul et presque isolé, Gisors était assis devant un cocktail doux; ...
Malraux, La Condition humaine,1933, p. 345. b) Région. ,,On dit dans certaines provinces, du linge beige pour du linge tirant sur le jaune`` (Littré). 3. Au fig. a) Péj. [En parlant du teint, de la chevelure] :
3. Il en a assez de sa bourgeoise, dit Bertha, une grassouillette avec des cheveux beige.
Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 115. 4. Des jeunes filles en robes de distribution de prix s'alignaient sur la scène; une petite maigrichonne au teint beige s'approcha du micro et commença à chantonner en minaudant.
S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 322. Rem. Emploi inv. rare de l'adj. dans l'ex. 3. b) Poét. [Avec une nuance de mélancolie] :
5. Les arbres les hommes les murs
Beiges comme l'air beige et beiges
Comme le souvenir s'émurent
Dans un monde couvert de neige
Aragon, Le Crève-cœur,Les Amants séparés, 1941, p. 25. B.− Emploi subst. Laine naturelle ou toute étoffe qui n'a reçu ni teinture ni blanchiment. Voici une belle beige (Besch. 1845); voici une beige de bonne qualité (Lar. 19e) : 6. Page du milieu. − Costumes en drap et en beige pour petit garçon et petite fille de huit à dix ans.
Mallarmé, La Dernière mode,1874, p. 707. PRONONC. ET ORTH. : [bε:ʒ]. Lar. 19eet Nouv. Lar. ill. enregistrent encore la forme bége : ,,Autre orthographe de beige.`` ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1220 adj. bege « sans couleur [en gén. de la couleur de la laine naturelle, gris jaunâtre] » (G. de Coinci, éd. Långfors, 134, 421 : Ici n'a point d'esmaiement : Assez, fait il, arai monstrance De paiement et d'acuitance. Tout me fesisses le sang bege Se je n'eüsse si boen plege), seulement chez G. de Coincy (T.-L.), attesté dep. Trév. 1752; 2. 1348 subst. baige « étoffe de couleur naturelle » (Compte, ch. des compt. de Dole, G 82, Arch. Doubs dans Gdf. Compl. : .I. cote de baige banc), seulement au xives. (Gdf. Compl.), attesté dep. Ac. 1762.
Orig. obsc. L'hyp. d'un empr. à l'ital. bambagia « coton » (FEW t. 1, p. 299, REW3) suppose la perte par aphérèse de l'initiale bam-, qui n'est pas invraisemblable, les adj. de couleur étant souvent monosyllabiques : blanc, noir, gris, vair, jaune, rouge, etc. (cf. basin, réduction de bombasin et l'ital. bigio « gris beige » réduction de bombyceus). L'hyp. selon laquelle beige serait issu du lat. baeticus « de la Bétique, province du sud de l'Espagne », EWFS2(cf. TLL, s.v. Baetis, 1678, 80 : Baeticarum lanarum et lacernae Baeticae), recevable du point de vue sém., fait difficulté du point de vue phonét., -ae- accentué en syll. libre aboutissant à -ę́-ié-, (TLL s.v., 1677, 62 relève au iiies. Beticum), et paraît difficilement compatible avec l'aire géogr. du mot, surtout attesté en Bourgogne et en Franche-Comté. STAT. − Fréq. abs. littér. : 84. |