| BEFFROI, subst. masc. A.− ARM. MÉDIÉV. Tour mobile en bois, utilisée dans le siège d'une ville, pour s'approcher des remparts sans risque, saper les murs et dominer les assiégés. Beffroi roulant (Gayt. 11887). Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. du xixeet du xxesiècle. B.− CONSTRUCTION 1. Tour d'une ville, d'un château, parfois clocher d'église servant, au Moyen Âge, à faire le guet et, à l'aide d'une cloche, à donner l'alarme, à convoquer les hommes de la commune ou du seigneur. Beffroi carré, beffroi de l'hôtel de ville; tour du beffroi : 1. La petite ville dit aux Français (...) « Voyez (...) mes enfants pieux ont brodé sur ma robe des tours, des clochers, des pignons dentelés et des beffrois. »
A. France, Sur la voie glorieuse,1915, p. 52. − P. métaph. et au fig. a) Symbole de puissance : 2. le marquis. − (...)
Le pape, grâce à vous, tremble devant le roi,
Et son clocher se tait devant votre beffroi.
Hugo, Torquemada,1882, p. 12. b) P. allus. littér. Le diable (est) dans le beffroi. Expression indiquant qu'un certain ordre, une certaine harmonie ont été rompus : 3. Le diable est « dans le beffroi » et il a désaccordé toutes les harmonies de la théodicée, déréglé toutes les horloges de la monadologie.
Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 135. 2. P. ext. a) Tour surmontant un bâtiment public ou privé, et indiquant généralement l'heure. Sur le beffroi de la nouvelle Bourse (Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 14). b) En partic. Cette tour en tant qu'elle sonne l'heure, et p. méton., la cloche du beffroi, ou le cadran de l'horloge qui marque l'heure. Entendre le beffroi, sonner le beffroi; le beffroi de la gare marquait quatre heures trente-cinq (Romains, Les Copains,1913, p. 87). − P. métaph., rare : 4. Lorsque j'exposai toutes mes raisons et mes raisonnemens d'incrédulité sur le système newtonien, on sonna le Beffroi contre ma personne, comme si j'eusse mis le feu aux quatre coins de la cité.
S. Mercier, Néologie,t. 1, 1801, p. 72. C.− CHARPENTERIE 1. Charpente destinée à porter une cloche et à l'isoler des murs qu'elle risquerait d'ébranler quand elle est en mouvement. Rem. Attesté dans tous les dict. gén. du xixeet du xxes. sauf dans Lar. encyclop. 2. Charpente en bois ou en fer destinée à porter des poids considérables (meules d'un moulin, machine à vapeur, train de laminoirs, etc.) (cf. M. Larchevêque, Fabrication industr. des porcelaines, t. 1, 1898, p. 50). PRONONC. ET ORTH. : [befʀwa] ou [bε-]. Passy 1914 et Pt Rob. (cf. aussi Fér. 1768, Fér. Crit. t. 1 1787, Land. 1834, Gattel 1841, Nod. 1844 et Fél. 1851) transcrivent la 1resyll. avec [e] fermé, Barbeau-Rodhe 1930 et Pt Lar. 1968 (cf. aussi Littré et DG) avec [ε] ouvert. Warn. 1968 donne [e] mais signale qu'on dit parfois [ε]. Ac. Compl. 1842 renvoie, s.v. befroi avec 1 seul f, à beffroi avec 2 f pour le terme de musique. Voir en outre béfroi (Crèvecœur, Voyage dans la Haute Pensylvanie, t. 1, 1801, p. 219) et beffroy (Mérimée, La Jacquerie, 1828, p. 162). ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1155 berfroi « tour de bois mobile servant à approcher des remparts lors d'un siège » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 5532 : Dunc firent arbelastiers traire, Berfreiz lever, perrieres faire), seulement au Moy. Âge, noté comme mot anc. dans les dict. dep. Fur. 1690; 2. début xiiies. berfroi « tour d'une ville contenant une cloche d'alarme » (Aymeri de Narbonne, éd. L. Demaison, 315 dans T.-L. : Ne les garra ne haut mur ne berfroi); av. 1465 p. ext. beffroy désigne la cloche elle-même (Villon, Testament, 1905 dans
Œuvres, éd. Longnon et Foulet : Item, je vueil qu'on sonne a bransle Le gros beffroy); 3. 1441 beiffroy « charpente de moulin » (Arch. Nord, B 31 fol. 82 rodans IGLF Litt. : On a entencion de faire faire ung nouvel beiffroy et autres ouvraiges de machonnerie au molin a blé a la Gorgue).
Emprunté à l'a.b.frq. *bergfripu (Gam. Rom.2t. 1, pp. 286-287) correspondant au m.h.all. bëro-vrit, bërvrit (Lexer) littéralement « préserve la paix », all. mod. bergen « sauver, mettre en sûreté » et Frieden « paix ». L'hyp. d'un empr. au m.h.all. bërcvrit fait difficulté du point de vue phonét. (A. Dauzat, Ét. de ling. fr., 1946, pp. 214-216; EWFS2). L'étymon. *bis-fridare composé du préf. péj. bes-, ber-, sur le modèle de ex-fridare (effrayer*), d'où *berfreer, d'où berfroi littéralement « effroi, cloche servant à donner l'alarme », (Spitzer dans Fr. mod., t. 8, pp. 320-322) fait difficulté du point de vue morphol., berfroi étant en ce cas le subst. verbal d'un verbe non attesté. STAT. − Fréq. abs. littér. : 148. BBG. − Dauzat Ling. fr. 1946, pp. 214-216. − Eyraud (D.). Vive la lang. Vie Lang. 1969, p. 204. − Spitzer (L.). Notes étymol. Fr. mod. 1940, t. 8, pp. 320-322. − Staaff (E.). Qq. rem. sur le passage d'eu atone à u en fr. In : [Mél. Wahlund (C.)]. Mâcon, 1896, p. 253. |