| BATIFOLER, verbe intrans. A.− [En parlant d'une pers.] Folâtrer, gambader, s'ébattre avec joie comme un enfant : 1. ... madame de Lourmel et une autre dame, étant à batifoler sur les rochers auprès du phare, ont été surprises par deux furieuses lames.
Mérimée, Lettres à M. Panizzi,t. 2, 1870, p. 240. − P. anal. [En parlant d'un animal] :
2. Jamais j'ai connu pigeons aussi peu fervents des voyages, si amoureux d'être tranquilles... Je leur laissais pourtant tout ouvert... Jamais l'idée leur serait venue d'aller faire un tour au jardin... d'aller voir un peu les autres piafs... les autres gros gris roucoulards qui batifolaient sur les pelouses... autour des bassins...
Céline, Mort à crédit,1936, p. 430. Rem. V. aussi A. Pommier, Colifichets, 1860, p. 190 à propos du papillon et Genevoix, Nuits de guerre, 1917, p. 228 à propos du sanglier. − P. métaph., B.-A. [Le suj. est assimilé à un animé] Présenter l'attitude désinvolte d'une personne qui gambade et folâtre : 3. Il entra dans le boudoir, capitonné de soie bleu-pâle avec des bouquets de fleurs des champs, tandis qu'au plafond, dans un cercle de bois doré, des amours, émergeant d'un ciel d'azur, batifolaient sur des nuages en forme d'édredon.
Flaubert, L'Éducation sentimentale,t. 1, 1869, p. 149. − MUS. Sur des basses saccadées, batifole presto une petite phrase d'allure gaillarde (Willy, La Mouche des croches, par l'ouvreuse du Cirque d'été,1894, p. 19). B.− P. ext. 1. S'amuser à de petites plaisanteries, passer son temps à des enfantillages. Synon. baguenauder : 4. Il [Delille] jouait, batifolait perpétuellement avec son esprit, comme un chat avec un marron : c'est M. Villemain qui dit cela.
Sainte-Beuve, Portraits littér.,t. 2, 1844-64, p. 84. 2. Spéc., pop. ou fam., vocab. de l'amour. Batifoler avec une fille, une femme. Prendre avec elle certaines privautés. Synon. badiner, lutiner : 5. ... tantôt le jour était gris et sombre; aujourd'hui des courses d'affaires, demain un dîner de famille, sans compter les malaises du talent et ceux du corps, et enfin les jours où l'on batifole avec une femme adorée.
Balzac, La Cousine Bette,1847, p. 198. 6. Il arrivait le dimanche à midi, se faisait servir un copieux déjeuner, remontait l'accord du piano et du clavecin, me donnait une leçon de deux heures, puis allait batifoler avec les servantes jusqu'au dîner.
G. Sand, Histoire de ma vie,t. 3, 1855, p. 7. − P. métaph. [Le suj. désigne un inanimé personnifié] :
7. Le soleil batifolait à travers le pampre chatouillant d'une lumière inégale les plats sur la table sans nappe.
Gide, Les Caves du Vatican,1914, p. 800. Prononc. : [batifɔle], (je) batifole [batifɔl]. Étymol. ET HIST. − [1532, v. batifolage] [1539-41] (C. Fontaine, la Complaincte de F. Sagouyn dans Œuv. de Cl. Mar., t. 6, p. 198, éd. 1731 d'apr. Gdf. Compl. : Je confesse que par envie J'ay lourdement batiffolé. ... Contre l'honneur et reverence De Clement le Maro de France).
Orig. obsc. L'hyp. la plus vraisemblable est celle d'un dér. de l'a. prov. batifl « moulin à battre (les draps, l'écorce) » (Pt Levy E.) cf. 1284 charte dans Baluze t. 2, Hist. Arvern, p. 134 dans Du Cange t. 1, p. 603c : molendinum Batiffol; dans les textes du Cart. de St Flour, ibid. (bacifollum) et du pariage entre le roi et le prieur de Paulhaguet, 1316, ibid., p. 604a (batifollum; il s'agit d'un moulin à vent). Le mot est attesté dans le domaine fr. en 1280 et au xvies. uniquement dans des textes issus des Archives de la Vienne, donc voisins du domaine occitan. À rapprocher aussi de l'a. ital. batiffole, attesté au sens de « moulin » au xives., DEI. L'a. prov. batifl est peut-être une formation tautologique composée de formes verbales de batre « battre » et folar « fouler » (v. Guiraud, Struct. étymol. du lex. fr., p. 15), mais à cette étymol. s'opposent, cependant plusieurs faits : du point de vue phon. l' de l'a. prov. ne peut provenir du lat. *fŭllare; du point de vue sém. *fŭllare est difficilement compatible avec le sens de « moulin à vent » fréquemment attesté en a.prov.; peut-être pour cette accept. y a-t-il eu attraction de follis « fou » (cf. brise folle, vent follet), comme il y en a eu pour le verbe au sens de « folâtrer ». L'hyp. d'un empr. à l'ital. battifolle « rempart, bastion (où les jeunes gens allaient s'amuser) » (Brunot t. 2, p. 209; Sar. 14; Wind, 147; EWFS2), xiiies. (Malispini, I. 345 dans Batt.) ne repose sur aucun témoignage solide; il semble que ce sens soit secondaire par rapport à celui de « moulin à foulon » (DEI). STAT. − Fréq. abs. littér. : 45. DÉR. Batifolard, arde, adj. néol. d'aut.Qui aime batifoler et s'amuser. Une énorme pipe de maquignon cossu et batifolard (Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 229).− 1reattest. 1897 id.; dér. de batifoler*, suff. -ard*. − Fréq. abs. littér. : 1. |