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BARAGOUIN, subst. masc.
A.− Gén. péj. Langage difficilement compréhensible du fait de son incorrection, ou d'un excès de recherche, de technicité, etc. :
1. − Mettre une fille de vingt-trois ans au pain et à l'eau? ... s'écria le président de Bonfons, et sans motif; mais cela constitue des sévices tortionnaires; elle peut protester contre, et tant dans que sur... − Allons, mon neveu, dit le notaire, laissez votre baragouin de palais. Soyez tranquille, madame, je ferai finir cette réclusion dès demain. Balzac, Eugénie Grandet,1834, p. 207.
2. Pour le père de ces Chenouville on disait notre oncle, car on n'était pas assez gratin à Féterne pour prononcer notre « onk », comme eussent fait les Guermantes, dont le baragouin voulu, supprimant les consonnes et nationalisant les noms étrangers, était aussi difficile à comprendre que le vieux français ou un moderne patois. Proust, Sodome et Gomorrhe,1922, p. 818.
P. ext.
1. Parler (dialecte, langue étrangère) qui contrarie parce qu'on ne le connaît pas :
3. − Un cahier, un cahier, où est le cahier? Un cahier gris-saumon; quel est ce baragouin qu'ils ont mis dessus? De l'allemand? Taine, Notes sur Paris,Vie et opinions de M. Graindorge, 1867, p. 91.
2. Langage de qualité inférieure, en raison de sa forme ou de son contenu. La prose n'est pour moi qu'un grossier baragouin (A. Pommier, Crâneries et dettes de cœur,1842, p. 115).
B− P. méton. et p. plaisant. Baragouin, ine. Personne qui parle un baragouin (cf. baragouineur, euse) :
4. Comme tout artiste, il avait eu sa « muse juive ». Nous l'avions su captif d'une amitié singulière pour une « baragouine trilingue », esthète qui traduisait des vers saphiques allemands et anglais. Blanche, Mes modèles,1928, p. 24.
PRONONC. : [baʀagwε ̃].
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1391 terme injurieux « étranger, barbare » (Reg. 141, Chartoph. reg. ch. 191, lit. remiss. dans Du Cange, s.v. Barginna, t. 1, p. 577c : Lesquelx appellerent l'exposant sanglant Barragouyn; ... icellui leur dist : Beaux seigneurs, je ne suis point Barragouyn : mais aussi bon chrestian [...] et aussi bon François que vous estes), attest. isolée; 1532 « celui qui parle un lang. incompréhensible » (Rab., Pantagr., liv. II, ch. XI dans Gdf. Compl.) − fin xvies. dans Hug.; 2. 1532 « langue barbare » (Rabelais, Pantagruel, éd. Marty-Laveaux, ch. 9, p. 260 : Mon amy, ie n'entens poinct ce barragouin); av. 1560 « langage incorrect, que l'on ne comprend pas » (Du Bellay, Œuvres, V, 113 : Bonnet avait mis en usage un barragouin de langage Entremeslé d'Italien, De François et Savoysien). Orig. controversée; prob. composé du bret. bara « pain » et gwin « vin », étymon proposé par Mén., repris par A. Dauzat dans Fr. mod., t. 8, p. 102 et dans Festschrift für Ernst Tappolet, Bâle, 1935, pp. 66-70, Elwert dans R. Ling. rom., t. 23, pp. 64-79, EWFS2et FEW t. 20, p. 1 et 2. Différents faits confirment cette hyp. : ce mot apparaît dans l'ouest de la France et s'est vulgarisé un siècle après la réunion de la Bretagne à la France; il est en 1391 opposé à chrestian et françois et est appliqué à un habitant de Guyenne par un homme d'Ingré, Loiret (Dauzat, Festschrift für Ernst Tappolet, supra); prob. à l'orig. sobriquet désignant les Bretons, tiré de leur expression favorite « pain vin » entendue dans les auberges fr.; cf. le nom de famille Painvin relevé par Dauzat dans Fr. mod., t. 17, p. 162, en Loire inférieure; cf. aussi la chanson citée par le Dict. de bas-bret. de Villemarqué, p. XL dans Littré : Baragouinez, guas De basse Bretagne, Baragouinez, guas, Tant qu'il vous plaira. − Autres hyp. peu convaincantes pour des raisons phon., sém. ou hist. : lat. Berecynthia, nom de Cybèle, mère des dieux, célébrée par un culte orgiastique (Schuchardt dans Z. rom. Philol., t. 28, pp. 741-754); a. prov. barganhar « marchander » (Spitzer dans Mélanges Schuchardt, pp. 140-141); onomatopée désignant l'action de parler indistinctement, de patauger (Sain. Sources t. 1, pp. 225-226); esp. barahunda « tumulte » de l'hébreu bārūch habbă « béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » (Lok., no256).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 29.
BBG. − Dauzat (A.). À propos de baragouin. Fr. mod. 1940, t. 8, p. 102; 1949, t. 17, p. 162. − Dauzat (A.). À propos de baragouin. In. : [Mél. Tappolet (E.)]. Basel, 1935, pp. 66-70. − Dauzat Ling. fr. 1946, pp. 207-212. − Dumas 1965 [1873]. − Elwert (W. Th.). Qq. mots désignant le lang. incompréhensible. R. Ling. rom. 1959, t. 23, pp. 64-76 [Gr. Pignon (J.). Fr. mod. 1961, t. 29, pp. 235-236]. − Le Roux 1752. − Vendryes (J.). Encore un mot sur le fr. baragouin. Fr. mod. 1940, t. 8, pp. 1-2.