| BALLADE, subst. fém. A.− MUSIQUE 1. [Au Moy. Âge] Pièce vocale et instrumentale destinée à la danse : 1. La charrette-théâtre existe encore. C'est sur des théâtres roulants de ce genre qu'au seizième et au dix-septième siècle on a joué en Angleterre les ballets et ballades d'Amner (...) en France, les pastorales de Gilbert Colin...
Hugo, L'Homme qui rit,t. 2, 1869, p. 84. − P. métaph. : 2. La nature a ses temps de solemnité, pour lesquels elle convoque des musiciens de toutes les régions du globe. On voit accourir de savans artistes avec des sonates merveilleuses, de vagabonds troubadours qui ne savent chanter que des petites ballades à refrein, des pélerins qui répètent mille et mille fois les couplets de leurs longs cantiques.
Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 1, 1803, p. 170. 2. Composition instrumentale qui illustre le sujet d'un poème de même dénomination (infra B 1) : 3. Mais le second morceau fut très différent. Faute d'une culture qu'il n'avait pas, Augustin ne put savoir quelle composition précise de Chopin, quelle ballade, quelle valse ou quelle nocturne se jouait là, mais ceux qui l'écoutaient semblaient le connaître parfaitement.
Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 189. B.− LITTÉRATURE 1. [Au Moy. Âge ou par imitation du Moy. Âge] Poème formé de strophes égales terminées par un refrain et d'un couplet final plus court appelé envoi : 4. Les quatre ou cinq ballades qui m'ont le plus frappé, sont : La Romaine, Agnès de Königsfeld, La Novice, Le Dôme inachevé et surtout Le Huguenot. J'ai beaucoup de sympathie pour ce genre poétique, qui donne l'âme de l'histoire sous forme de ballade épique.
Amiel, Journal intime,1866, p. 206. 5. En fait de poésies anciennes, il ne lisait guère que Villon, dont les mélancoliques ballades le touchaient et, çà et là, quelques morceaux de d'Aubigné qui lui fouettaient le sang avec les incroyables virulences de leurs apostrophes et de leurs anathèmes.
Huysmans, À rebours,1884, p. 191. SYNT. Vieille ballade; ballade antique, populaire, redoublée; ballade à refrain. − Au fig. Le refrain de la ballade. Ce qui revient sans cesse dans une conversation, comme le refrain dans une ballade. 2. Poème ayant pour sujet une légende populaire ou un épisode historique (cf. étymol. 2) : 6. C'était un romantique (...) Il fallait l'entendre réciter quelque lied nébuleux ou quelque ballade fantastique.
A. France, La Vie en fleur,1922, p. 374. Rem. On rencontre dans la docum. le dér. balladier, subst. masc. (R. Souza, Du Rythme en français, 1912, p. 9; suff. -ier*). Compositeur de ballades. PRONONC. − 1. Forme phon. : [balad]. 2. Homon. : balade. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) Mil. xiiies. barade « chanson à danser, petit poème chanté (cf. b) » (Wibert Caukesel, B.N. fr. 12615, Chansonnier de Noailles dans Romania, t. 19, p. 30 : A ma dame, barade, presenter Te voil; di li par moi sans celer, Ke de sa cose empirier et grever); apr. 1288 balade (Jeu du Pélerin, éd. E. Langlois, p. 93); et plus précisément b) xives. « petit poème (encore chanté au xives.) composé de stances égales suivies d'un envoi et d'un refrain dont la forme est fixée à l'époque de G. [de] Machaut » (G. de Machaut, Remède de fortune, [1911], p. 106 : Quant elle ot finé sa balade, Qui moult me fu plaisant et sade Dedens le cuer et a l'oïe, Pour ce qu'onques mais armonie Si très douce n'avoie oy, Moult durement m'en esjoy); 2. 1767 « poème populaire de thème légendaire » (O. Goldsmith, Le Ministre de Wakefield, vol. I, p. 67 dans Mack., pp. 174-175 : Les Anglois les appellent Ballades. Ce sont ordinairement des histoires tragiques en vers, entremêlées de réflexions, ou terminées par une conclusion morale, qui se chantent dans les rues); 3. 1911 mus. « composition instrumentale » (Mathis-Lussy, Le Rythme musical, p. 23 : Dans la 2eBallade op. 36, mesure 87, Chopin fait l'ablation... de la note finale du membre précédent).
Empr. à l'a. prov. ballada (Romania, t. 19, pp. 29-32) attesté au sens 1 a à la fin du xiies. (Pons de Capdueil, Per joi d'amor ds Rayn. : Dona N'Auda, balladas ni chansons No vuelh faire que no y parle de vos) dér. de ballar « danser » (ds Rayn.), v. baller1; suff. -ade*; ballade a remplacé l'a.fr. ballete « chanson à danser » Ms. Bibl. Bodléienne Oxford Douce 308, éd. G. Steffens dans T.-L. : balletes); sens 2 empr. à l'angl. ballad (Mack., p. 174, 175, 204) attesté au même sens dep. Milton et Addison (NED s.v.). STAT. − Fréq. abs. littér. : 254. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 363, b) 444; xxes. : a) 551, b) 199. Balladier. Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Behrens D. 1923, p. 37. − Behrens Engl. 1927, p. 41. − Gottsch. Redens. 1930, p. 340. − Lew. 1960, p. 22. − Nyrop (K.). Ling. et hist. des mœurs. Paris, 1934, pp. 247-261. − Rat (M.). La Ballade. Vie Lang. 1965, pp. 330-336. |