| BALADEUR, EUSE, subst. et adj. I.− [En parlant d'une pers.] A.− Emploi subst. 1. Subst. masc. a) Vx. Danseur (cf. baladin A); attesté dans Ac. Compl. 1842. ♦ Pop. Personne qui aime à flâner, à paresser (A. Bruant, Dict. fr.-arg., 1901, p. 372). − P. ext., arg. ,,Rôdeur, noceur`` (Esn. 1966) : 1. L'un des baladeurs a une idée lumineuse et entraîne ses camarades dans quelque guinguette renommée.
E. Boutmy, Dict. de l'arg. des typographes,1883, p. 34. Rem. Néol., selon Guérin 1892, qui en donne la définition suiv. : ,,celui qui se balade, flâneur, paresseux``. b) Argot ♦ ,,Escroc écoulant de faux bijoux`` (Esn. 1966). ♦ ,,Petits acteurs jouant ce qu'on appelle les « utilités »`` (Sandry-Carr. 1963). 2. Subst. fém. Danseuse aux mœurs légères : 2. L'été, naturellement, il y avait toujours un peu plus de travail, les jupons blancs et les robes de percale des baladeuses du boulevard extérieur.
Zola, L'Assommoir,1877, p. 644. − P. ext., pop. Fille de petite vertu, coureuse : 3. Sa fille, la sage-femme, la sachant une coureuse de barrières, une effrénée de danse, une baladeuse, donnant rendez-vous à tous les jeunes garçons de la rue (...), la sage-femme lui répétait qu'elle ne s'avisât pas de faire un enfant.
E. de Goncourt, La Fille Élisa,1877, p. 29. B.− Emploi adj. 1. Qui aime à se déplacer généralement sans but précis : 4. ... l'accord s'est fait, solide et durable, entre les financiers juifs d'Angleterre et d'Amérique, (...) les jésuites baladeurs que le monde anglo-saxon attire plus que Rome, les francs-maçons internationaux d'obédience anglaise...
L'Œuvre,13 févr. 1941. ♦ P. ext. : 5. ... au moment où son lourd compagnon [Jaurès] devant la statue de La Fayette, faisait un geste d'appel vers un fiacre baladeur, dans un élan de tout son cœur naïf il [Péguy] mit à ses pieds son offrande, le petit lot des amis de la cour rose!
J. et J. Tharaud, Notre cher Péguy,1926, p. 238. 6. Ce village baladeur n'est pas l'exception; aux États-Unis, les cités naissent comme elles meurent, en un jour.
Sartre, Situations III,1949, p. 96. Rem. Dans ce dernier ex., où il s'agit des habitants d'un village de maisons démontables, l'adj. signifie « qui se déplace aisément ». 2. Au fig., fam. [En parlant d'un état d'âme] Avoir l'humeur baladeuse : 7. ... l'absolu, c'est Descartes, l'homme qui nous échappe parce qu'il est mort (...) ce qui est relatif, c'est le cartésianisme, cette philosophie baladeuse qu'on promène de siècle en siècle et où chacun trouve ce qu'il y met.
Sartre, Situations II,1946, p. 15. 8. ... ces états baladeurs qui traversent toute son œuvre, passent d'un personnage à l'autre, se retrouvent chez tous, sont réfractés dans chacun suivant un indice différent, et nous présentent chaque fois une de leurs innombrables nuances encore inconnues, ...
N. Sarraute, L'Ère du soupçon,1956, p. 41. II.− [En parlant d'une chose] A.− Emploi subst. 1. Baladeuse ou lampe baladeuse. Lampe électrique portative, équipée d'un long fil souple et d'un grillage de protection : 9. Une lampe baladeuse, accrochée au proscenium, brillait durement dans le noir.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Suzanne et les jeunes hommes, 1941, p. 263. 2. Voiture à bras utilisée par les marchands ambulants : 10. On chargeait les sacs, les seaux, sur des brouettes, des baladeuses, des chariots bizarres fabriqués avec une caisse et deux roues de fortune, ou bien sur des voitures d'enfants, ...
Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 314. 3. Fam. Voiture prise en remorque par la motrice d'un tramway : 11. Ils prirent donc le tram de Sérianne, dans la baladeuse où il y avait encore deux places debout, parce que c'était bondé de gens qui allaient à la fête.
Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 160. 12. ... un employé de la mairie facilita beaucoup la tâche des autorités en conseillant d'utiliser les tramways (...). À cet effet, on aménagea l'intérieur des baladeuses et des motrices en enlevant les sièges, et on détourna la voie à hauteur du four, qui devint ainsi une tête de ligne.
Camus, La Peste,1947, p. 1362. B.− Emploi adj. − Spéc. Train baladeur : 13. ... le train baladeur (...) comprend une série d'engrenages qu'on fait glisser sur un arbre carré pour amener, suivant les besoins, chacun des pignons dentés en face du pignon qui forme la contrepartie sur le train fixe.
L. Périssé, Traité général des automobiles à pétrole,1907, p. 295. PRONONC. : [baladœ:ʀ], fém. [-ø:z]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1455 arg. « escroc » (Procès des Coquillards dans Sain. Sources Arg. t. 1, p. 96 : Ung baladeur c'est celluy qui va devant parler a quelque homme d'eglise ou aultre a qui ilz vueilent bailler quelque faulx lingot, chainne ou pierre contrefaite), attest. isolée; 2. arg. a) 1846 baladeur (L'Intérieur des prisons, p. 239 : Baladeur. − Flâneur, rôdeur); b) 1853 baladeuse « coureuse » (Nerval, Bohème galante, p. 146 : − De quoi? observa le jeune homme ... Ce sont les chagrins qui me font boire : pourquoi est-ce que Gustine m'a trahi? − Elle t'a trahi sans te trahir ... C'est une baladeuse, voilà tout); 3. a) 1872 « poussette de marchand ambulant » (Larch., p. 39); 1906 (Nouv. Lar. ill. Suppl. : Baladeuse [...] Voiture annexe, ouverte sur les côtés, que l'on accroche à un tramway ordinaire); b) 1906 adj. autom. train baladeur « train d'engrenages d'un changement de vitesses » (Ibid., s.v. automobile); c) 1911 électr. baladeuse (H. Génin, Le Lang. des planches, p. 14).
Dér. du rad. de balader*; suff. -eur2*, -euse*. STAT. − Fréq. abs. littér. : 25. BBG. − Consultation permanente de l'O.V.F. Vie Lang. 1963, p. 680. − Guiraud (P.). Le Jargon de la Coquille. Cah. Lexicol. 1967, t. 11, no2, p. 47. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 117. |