| BAIN, subst. masc. I.− Action de plonger le corps ou une partie du corps dans l'eau ou un autre liquide, pendant un temps plus ou moins long, pour la toilette, les soins ou le plaisir; p. ext. l'eau, le liquide dans lequel on se plonge. A.− Au propre : 1. Comme le temps était très beau, l'air très chaud, mais tempéré par la brise de mer, les jours que nous ne sortions pas, nous en passions la plus grande partie, à l'abri des tentes, sur la terrasse de la villa, attendant l'heure du bain, « de la trempette dans la mer », ainsi que le disait, gaîment, M. Georges...
Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 134. SYNT. Bain froid ou chaud; bain d'eau tiède, de propreté, de santé, de rivière, de mer (Ac. 1835); bain domestique, bain à domicile (Ibid.); (domaine de l'hyg. et de la méd.) bain complet. Bain local ou topique. ,,Celui dans lequel on baigne une partie malade, l'œil, le bras, etc.`` (Ac. 1835). Demi-bain. ,,Celui où on ne met que le milieu du corps`` (Ibid). Bain aromatique (Ibid.), bains gélatineux et sulfureux, bains lumineux (G. Duhamel, Chronique des Pasquier, Les Maîtres, 1937, p. 209). Bain simple. ,,Où il n'y a que de l'eau`` (DG). Bain d'eau minérale, de lait (Ac. 1835), bain de moutarde; cabine, bonnet, caleçon, costume, maillot de bain; serviette de bain (Colin 1971), sortie de bain; prendre un bain, un bain forcé; se mettre au bain; parfumer le bain. − P. anal. Bain d'air, de lumière (Lar. méd. 1970), bain de soleil, de vapeur; bain turc; bain de marc de raisin, de cendres, de sable, de boue, de bourbe, etc. ,,Celui qui consiste à se couvrir le corps de ces matières ou à s'y plonger`` (Ac. 1835). − CHIR. DENT. Bain de bouche. Solution antiseptique et souvent calmante, utilisée à la suite de soins dentaires (cf. Lar. encyclop.). − Bain de sang. Sang répandu lors d'une bataille, d'un massacre (cf. Lar. Lang. fr.). B.− Au fig. : 2. Le spectacle, ainsi composé, ainsi construit, s'étendra, par suppression de la scène, à la salle entière du théâtre et, parti du sol, il gagnera les murailles sur de légères passerelles, enveloppera matériellement le spectateur, le maintiendra dans un bain constant de lumière, d'images, de mouvements et de bruits.
A. Artaud, Le Théâtre et son double,1939, p. 150. SYNT. Bain frais et calmant; bain de silence, d'isolement et de repos; prendre un bain de jeunesse; se replonger dans un bain de haine, se retremper dans le grand bain des foules (Mallarmé, Correspondance, 1864, p. 111). Bain culturel. ,,Contact avec la culture`` (Gilb. 1971). Bain de foule. ,,Contact direct qu'un personnage officiel prend, en général volontairement, avec la foule massée sur son passage lors d'une cérémonie officielle`` (ibid.). − Loc. fig. ♦ Fam. Bain de grenouilles, de crapauds. ,,Lieu où l'eau est sale et bourbeuse`` (Ac. 1798-1932). ♦ C'est un bain qui chauffe. ,,Se dit d'un gros nuage qui menace de la pluie, lorsque le soleil brille d'un vif éclat entre deux ondées`` (Ac. 1798-1932). ♦ Cette eau, cette boisson est chaude comme bain. ,,Elle n'est pas assez fraîche`` (Ac. 1835-1878) : 3. Vous nous aviez promis de nous faire boire frais et nous buvons chaud comme bain.
Ac.1835. ♦ Bain de pied. ,,Excédent de liquide versé pour faire bonne mesure; il déborde et fait prendre à la tasse ou au verre un bain de pied dans la soucoupe. De là le mot`` (Larch. 1880, France 1907); cf. aussi Giraudoux, Cantique des Cantiques, 1938, 1, p. 15). ♦ Envoyer au bain (une pers.). Renvoyer un importun. Aller au bain. Aller au diable (cf. P.-J. Toulet, Mon amie Nane, 1905, p. 125). ♦ Être dans le bain. Pop. Être mêlé à une mauvaise affaire, avoir participé à un coup dur, être inculpé. Fam. Être engagé dans une affaire; être profondément mêlé à un événement ou se trouver parfaitement à l'aise dans une entreprise que l'on doit mener à bien. Spéc. ,,Être dans le jeu jusqu'au cou, sans savoir comment s'en sortir`` (Sandry-Carr. 1963); cf. Gide, Journal, 1943, p. 217. ♦ Mettre dans le bain. ,,Engager dans une affaire compromettante, difficile, dangereuse`` (Dub.). Mettre dans le même bain. Juger de la même manière des personnes, des choses pour un fait particulier. ♦ Vider (ou jeter) l'enfant (ou le bébé) avec le bain (ou l'eau du bain). Éliminer l'essentiel avec l'accessoire (cf. Perroux, L'Écon. du XXes., 1964, p. 104). − Argot ♦ Bain, beuverie, « cuite », dans l'expr. prendre un bain (L. Rigaud, Dict. de l'arg. mod., 1881, p. 24). ♦ Bain de pied. ,,Condamnation à la transportation`` (Esn. 1966). ♦ Bain sulfureux ou sulfureux. ,,Apéritif à base d'anis`` (Esn. 1966). II.− Récipient, contenant du bain, lieu où l'on prend les bains. A.− Récipient, cuve où l'on prend les bains; spéc. récipients spécialisés dans les bains partiels. Bain de pied, de siège : 4. Il n'eut qu'à fermer les yeux pour revoir le grand lavabo d'acajou massif, l'armoire à glace, le bain de pieds en cuivre rouge, le tire-bottes debout dans l'angle...
R. Martin du Gard, Les Thibault,Épilogue, 1940, p. 784. SYNT. Remplir, vider le bain; mettre de l'eau dans le bain (Ac. 1798-1932). Fond de bain. ,,Linge dont on revêt l'intérieur d'une baignoire pour plus de propreté`` (Ac. 1835-1932). − P. anal. de forme, rare. Bain de siège (en parlant d'un fauteuil) : 5. Halliez, écroulé dans un vaste bain de siège en cuir anglais, suit de son œil morne le rite apaisant du thé.
R. Martin du Gard, Devenir,1909, p. 43. − BOT. Bain de Vénus (cf. baignoire de Vénus). − TECHNOL. ,,Chez les teinturiers, cuve où il y a de l'eau et des drogues`` (Ac. 1798). B.− Fréquemment au plur. Lieu où l'on prend des bains. 1. Vx. ,,On le dit aussi de l'appartement destiné pour se baigner.`` (Ac. 1798). Les bains du Roi, de la Reine; la chambre du bain, l'appartement des bains (Ac. 1798). 2. Mod. Salle de bain(s). 3. Établissement public où l'on prend des bains. Bains des hommes, des femmes (Ac. 1835-1932); les bains de telle rue (Ac. 1835-1932); faire construire des bains (Ac. 1835-1932). − Poét. et littér. Endroit aménagé d'une rivière, où l'on peut se baigner. Établir des bains (Ac. 1835-1932) : 6. ... de l'autre côté de l'eau, un bain froid, égayé par les éclats des derniers baigneurs de la saison, laissait flotter au vent les drapeaux de toile grise qui lui servaient de toiture. Puis, au milieu, la Seine vide montait, verdâtre, avec des petits flots dansants, fouettée de blanc, de bleu et de rose.
Zola, L'Œuvre,1886, p. 232. − P. anal. Les bains de mer. SYNT. Bains sur bateaux; le grand, le petit bain d'une piscine; garçon, fille de bain(s). − Au fig. : 7. Cette piscine probatique [la Méditerranée] renouvelle pour moi ses miracles, piscine dont le grand bain est à l'Orient et le petit bain à l'Occident, séparés comme par une planche à plonger par l'Italie.
Morand, La Route des Indes,1936, p. 344. − Spéc., arg. (des sportifs). Lancer dans le grand bain. Lancer dans le sport professionnel (cf. A.-O. Grubb, French sports neologisms, 1937, p. 17). − TECHNOL. Bain d'eau ou simplement bain. ,,Réservoir souterrain formé par l'infiltration des eaux dans les vides laissés par l'exploitation de la houille`` (Littré); cf. J.-N. Haton de La Goupillière, Cours d'exploitation des mines, 1905, p. 312. 4. [Suivi d'un nom propre désignant un lieu] Lieu où on prend des bains de mer, où on suit une cure thermale. Les bains du Mont d'Or (Ac. 1798), les bains de Bourbonne, de Bagnères, de Spa (Ac. 1835). Synon. eaux. III.− Emplois techn. A.− CHIMIE 1. Substance par l'intermédiaire de laquelle on chauffe un récipient pour opérer l'évaporation ou la distillation des corps qu'il contient. ,,Le milieu interposé peut être un métal (plomb ou fer), de l'eau, de l'huile, du sable, de la paraffine, de l'air, etc.`` (Duval 1959). SYNT. Bain de vapeur, de sable (Ac. 1798); bain de cendres (Besch. 1845); bain de mercure, d'air (Lar. 19e). Être en bain. ,,Se dit de la coupelle de l'argent qui bout dans le plomb`` (Ac. 1798). P. ext. Bain de sable. Récipient et appareils nécessaires pour chauffer au bain de sable; de même bain de vaseline, d'air (Catal. d'instruments de lab. (Prolabo), 1932, pp. 99-124). V. aussi bain-marie. 2. Liquide dans lequel on plonge un corps, une substance pour les transformer. Bain d'or, d'argent, de mercure (Ac. 1932). Spéc. (en galvanoplastie).Bain électrolytique (A. Leclerc, Manuel de télégraphie et téléphonie, 1924, p. 160). Bain galvanique. ,,Électrolyte soumis à l'action d'un courant électrique`` (Siz. 1968); bain de charge, de teinte (M. Gasnier, Dépôts métalliques directs et indirects, 1927, p. 325) : 8. Les tissus cutanés, en vue d'être rendus conducteurs, sont enduits d'une couche de sel d'argent, très légère. Le corps est ensuite trempé dans un bain de sulfate de cuivre, et la polarisation fait son œuvre.
Benoit, L'Atlantide,1919, p. 163. B.− CONSTR. Bain de mortier. ,,Grande quantité de mortier dans laquelle on « noie » les pierres pour réaliser une maçonnerie`` (Barb.-Cad. 1963). Maçonner en bain. ,,Poser les pierres en plein mortier ou en plein plâtre pour lier les parties d'une maçonnerie`` (Nouv. Lar. ill.); cf. E. Degrand, J. Résal, Ponts en maçonn., t. 1, 1887, p. 23. C.− ART CULIN. : 9. Pour mettre au point un bain de friture, il est essentiel de commencer par le clarifier...
Ali-Bab, Gastr. pratique,1907, p. 84. D.− MAR. Bain de cachou. ,,Solution bouillante de cachou dans laquelle sont plongés les filets de pêche pour les conserver`` (Gruss 1952). E.− MÉTALLURGIE 1. État de fusion parfaite d'un métal. Bain d'acier, de fonte (R. Barnerias, Manuel des aciéries, 1934, pp. 190-196); bain métallique (L. Guillet, Les Techniques de la métall., 1944, p. 118). Métal au bain. ,,Métal qui est en fusion`` (Nouv. Lar. ill.) : 10. ... la fonte coule en gouttelettes qui sont rapidement réduites et oxydées et viennent amorcer la formation du bain de fusion dans lequel baignent les lingots d'acier et les ferrailles.
R. Barnerias, Manuel des aciéries,1934, p. 88. − P. ext., VERRERIE. ,,Potée de verre en pleine fusion`` (Lar. encyclop.). 2. Bain de sel. ,,Liquide constitué d'un mélange de sels fondus (chlorures, fluorures, nitrate de métaux alcalins et alcalino-terreux) (...) Ils sont utilisés pour les traitements thermiques suivants s'appliquant principalement aux aciers et aux fontes : revenu, recuit, austempering, martempering, graphitisation, chauffage avant trempe ou avant forgeage`` (Bader-Th. 1962). Bain de trempe (Lar. encyclop.). F.− PHOT. ,,Liquides dans lesquels ont été dissous les produits nécessaires pour traiter les surfaces sensibles `` (Comte-Pern. 1963): bains de développement, de fixage, de virage; bains affaiblisseur, sensibilisateur, etc. (Comte-Pern. 1963) : 11. Mais à présent il lui semblait avoir sous les yeux une plaque photographique dans un bain de révélateur : peu à peu, comme sur la plaque, des détails nouveaux apparaissaient, de la personnalité de Solange; peu à peu se formait son image complète, et cette image lui faisait honneur.
Montherlant, Pitié pour les femmes,1936, p. 1115. G.− TECHNOL. (teinturerie). Dissolution de matières colorantes dans lequelles on plonge les objets à teindre. Pallier un bain. Le remuer avec un râble pour le rendre homogène ou pour maintenir en suspension les parties solides qu'il renferme. Donner un brevet ou une regreffe à un bain. Remplacer les ingrédients qui ont été enlevés par les objets qu'on y a passés. Bain de son. Sert à enlever la gomme que renferment les étoffes avant la mise au bain de teinture. Bain de savon. S'emploie après la teinture de l'étoffe afin d'en aviver le coloris. Bain de bouse. Composé de bouse de vache que l'on délaye dans de l'eau chaude et qui sert à dégommer certains tissus avant de les teindre. Bain blanc. Émulsion d'huile et de soude dans laquelle on plonge les fibres à mordancer. Bain de dégraissage. Composé d'urine en décomposition et de carbonate de sodium servant à dégraisser la laine. Bain acide, bain bleu. − Terme de plumassier. ,,Liqueur colorante dans laquelle on plonge les plumes que l'on veut teindre`` (Nouv. Lar. ill.). Bain de cuivre. PRONONC. : [bε
̃]. ÉTYMOL. ET HIST.
A.− Subst. masc. plur. 1. ca 1100 « endroit du palais ou de la maison où l'on se baigne » (Roland, éd. Bédier, 154, p. 14 : Quant vus serez el palais seignurill, A la grant feste seint Michel del Peril, Mis avoez la vos sivrat, ço dit. Enz en voz bainz, que Deus pur vos i fist, La vuldrat il chrestiens devenir), attest. isolée; 2. ca 1100 « établissement où l'on se baigne » (Roland, éd. Bédier, 3984, p. 330 : As bainz ad Ais mult sunt granz les c... La baptizent la reïne d'Espaigne); 3. 1680 « lieu où l'on se soigne avec des eaux » (Rich. : Aller aux bains de Bourbon).
B.− 1. Mil. xiies. « action de se plonger dans l'eau » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 8075 : Des laveüres bainz feseient, Bainoent sei si guarisseient); 2. a) mil. xiies. « liquide dans lequel on se plonge » (Id., op. cit., id., 8072 : Les genz les soleient laver Et de l'eve lur bainz temprer); b) 1525 « récipient dans lequel on se baigne » (Recueil Actes Notariés, I, 114 : Un petit bain de chambre); c) 1680 « lieu propre à la baignade » (Rich. : Bain [...] Endroit de la rivière le plus propre à se baigner); d) 1797 « exposition du corps à un élément naturel » (Voyage de La Pérouse, t. 4, p. 52 : bain de sable); 3. 1690 chim. « substance dans laquelle on opère » (Fur.); cf. bain-marie.
Du lat. vulg. *baneum, pour balneum ou balineum attesté au sens A 1 dep. Plaute (Most. 756 dans TLL s.v., 1705, 80); A 2 dep. Pomponius (Atell. 37, ibid. 1706, 1); Varron distingue le subst. plur. (A 2 « bains publics ») et lui oppose le sens A 1 (Ling., 9, 68, ibid., 1705, 71 : primum balneum − nomen id graecum − introiit in urbem, publice ibi consedit, ubi bina essent coniuncta aedificia lavandi causa, unum ubi viri, alterum ubi mulieres lavarentur; ab eadem ratione domi suae quisque ubi lavatur, balneum dixerunt, et quod non erant duo, balnea dicere non consuerunt, cum hoc antiqui non balneum, sed lavatrinam appellare consuessent) pourtant attesté au plur. (Plaute, loc. cit.); attesté au sens B 1 dep. Varron (Frg. Non., p. 108, ibid., 1706, 6), au sens B 2 a dep. Cicéron (Att., 2, 3, 3, ibid., 1706, 13) et avec un cont. méd. dep. Sidoine Apollinaire (Epist., 1, 8, 2, ibid., 1707, 32). STAT. − Fréq. abs. littér. : 2 281. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 805, b) 4 397; xxes. : a) 2 876, b) 3 220. BBG. − Audisio (G.). Rech. sur l'orig. et la signif. du mot bagne. Rev. africaine. 1937, t. 101, pp. 364-372. − Darm. 1877, p. 128. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 71. − Pamart (P.). Mots dans le vent. Vie Lang. 1971, p. 231. − Pope 1961 [1952], passim. − Sain. Lang. par. 1920, p. 404. |