| BAHUTER, verbe trans. Arg. (Grandes Écoles et spéc. St-Cyr) A.− [P. réf. à l'armoire où sont rangées les affaires, et en partic. l'uniforme de fantaisie de l'élève-officier] Ranger, arranger. 1. [L'obj. désigne une chose] Ranger (ses effets) dans le bahut (armoire); p. ext. arranger. Bahuter son lit selon les règles (infra hist.). − P. ext. Arranger, fignoler, rendre chic. Bahuter son képi. L'assouplir, lui donner l'air « ancien » (Esn. 1965). Ceci est bahuté. Ceci a le chic troupier (Larch. 1880) : 1. clemenceau. − ... Ces hommes-là, avec leurs képis bahutés, leurs mœurs et leurs habitudes d'obéissance, demeurent des collégiens jusque dans un âge avancé.
L. Daudet, La Vie de Clemenceau,1942, p. 78. 2. [En parlant de pers.] − Emploi absol. Se donner une tournure conquérante (en arrangeant bien sa tenue de sortie) : 2. 1830-48; [après la cérémonie d'affranchissement, les nouveaux] se coiffaient obliquement et commençaient à bahuter, c'est-à-dire à se donner une tournure conquérante.
E. Titeux, Saint-Cyr et l'École spéc. milit. en France,1898, p. 330. B.− [Peut-être p. réf. à des amusements bruyants de chambrée] 1. Bousculer, bouleverser. a) [L'obj. désigne une chose] Bahuter un pieu (un lit) (Esn. 1965). Rem. Bahuter un pieu reprend bahuter un lit (supra A 1), en lui donnant, à un autre niveau de lang., une valeur nouv. que souligne le remplacement de lit par pieu. Cf. pour des dédoublements semblables les verbes accommoder, arranger, etc. b) [L'obj. désigne une pers.] Bousculer, trimer, dresser. Bahuter un conscrit (Esn. 1965). − P. ext. Bousculer : 3. Miarka..., brutalement bahutée dans la voiture aux cahots du chemin, ...
J. Richepin, Miarka, la fille à l'ourse,1883, p. 254. − En partic. : 4. « Une femme collectée, embrassée, bahutée par ce grand escogriffe ».
J. Richepin ds Guérin1892. c) Par litote. Déloger (qqc., qqn). − Par antiphrase. Se bahuter. Se pousser en avant gagner des rangs au classement (R. Mulot, Notes manuscrites sur l'arg. de Saint-Cyr en 1903-05, 1918-19). 2. Emploi abs. Faire du tapage, chahuter; s'amuser. Rem. Les emplois groupés sous B sont en partic. coextensifs avec ceux du paron. chahuter*. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) 1387 adj. sens obscur « mis en fût (?) » ou « gâté par le cahotement (de la voiture) (?) » (J. Froissart, Chron., II, 154, Kerv. ds Gdf. : Vin tout bahuté, le galon qui ne valoit en devant que sys estrelins, il l'achatoient vingt quatre estrelins), attest. isolée; b) 1830-48 arg. milit. « se donner bonne tournure » (E. Titeux, Saint-Cyr et l'École spéc. milit. en France, 1898, p. 330, cf. supra ex. 2; spéc. en parlant du képi 1895 [1863-65] « id. » (G. Claris, Notre École polytechnique, p. 265); 1898 part. passé substantivé « uniforme de gala rangé dans le bahut » (E. Titeux, op. cit., p. 631 : L'uniforme de fantaisie que portaient les Saints-Cyriens en congé [...] s'appelait le bahuté); 1830-48 « arranger, fignoler » (Id., op. cit., p. 328 : l'ancien, instructeur du melon, lui apprenait à bahuter son lit dans les régles); 2. a) 1633 fam. « s'amuser, plaisanter, se donner du mouvement » (Cramail, Com. des Prov., Anc. Th. fr., IX, 58 ds Gdf. : A quel jeu jouons-nous? Tout de bon, ou pour bahutter?), attest. isolée; 1850-60 arg. « faire du tapage » d'apr. Esn.; 1862 arg. milit. (L. Larchey, Les Excentricités du lang., p. 17 : Bahuter. Faire tapage. Ce terme est propre aux élèves de Saint-Cyr); b) 1878 arg. milit. (Moch, X-Lex., Vocab. de l'arg. de l'École polytechnique, p. 17 : Bahuter [...] Mettre en désordre, abîmer, détruire); 1883 arg. « secoue(r), ballote(r), agite(r) », supra ex. 3.
Dér. de bahut* au sens 1 avec l'idée de « mettre en ordre, bien ranger » dans l'armoire appelée « bahut », au sens 2 avec l'idée de « faire du bruit » en fermant ou transportant des coffres. BBG. − Sain. Lang. par. 1920, p. 445. |