| AÉROLITHE, subst. masc. I.− ASTRON. (sav. ou pop.) A.− ASTRON. SAV., vieilli. Classe particulière de météorites. Synon. météorite pierreuse : 1. Quant à la structure des aérolithes elle est si évidemment volcanique que M. St [sic] Meunier, (...) ne peut s'empêcher de faire remarquer que toute une classe d'entre eux possède les caractères d'une brèche...
Journal de chimie et de physique,1911, p. 571. B.− Synon. sav. de étoile filante : 2. ... le plus pauvre et le plus heureux des astronomes, installé sur une vieille pompe à feu du temps des Draconides, observait le ciel à travers une mauvaise lunette et enregistrait photographiquement sur des plaques avariées les passages d'étoiles filantes. Son génie corrigeait les erreurs des instruments et son amour de la science triomphait de la dépravation des appareils. Il observait avec une inextinguible ardeur aérolithes, météorites et bolides, tous les débris ardents, toutes les poussières enflammées qui traversent d'une vitesse prodigieuse l'atmosphère terrestre, et recueillait, pour prix de ses veilles studieuses, l'indifférence du public, ...
A. France, L'Île des pingouins,1908, pp. 287-288. Rem. Dans cet ex. aérolithe sert de classificateur à météorite (petit aérolithe) et à bolide (gros aérolithe). C.− Vieilli. Météorite tombant ou tombée du ciel sur un point du globe terrestre : 3. Passe un aérolithe. Antoine, effrayé, pousse un cri. Ah! ce globe de feu va m'écraser! qu'est-ce donc?
le diable. − C'est un morceau qui tombe de la tête de Cynosure.
G. Flaubert, La Tentation de saint Antoine,1849, p. 414. 4. Parfois, le paysan rêveur aperçoit un aérolithe fendre verticalement l'espace, en se dirigeant, du côté du bas, vers un champ de maïs. Il ne sait d'où vient la pierre.
Lautréamont, Les Chants de Maldoror,1869, p. 190. 5. Les aérolithes qui sont tombés sur notre globe avec un grand fracas n'y ont introduit aucun corps nouveau.
A. France, La Vie littéraire,t. 3, 1891, p. 212. Rem. La chute d'un aérolithe paraît gén. surprenante, effrayante et à la limite surnaturelle. D'où 2 catégories de not. associées à aérolithe : 1. liées à sa chute, celles a) de fracas, de luminosité, de masse, de mouvement vertical, b) de surprise ou d'effroi; 2. liées à l'obj. tombé et à la réflexion qu'il suscite, celles d'étrangeté, d'origine mystérieuse. Les emplois fig. prennent appui sur ces connotations. II.− Au fig. et p. compar. [En parlant d'obj., de pers., de pensées, etc. qui font problème par l'effet qu'ils produisent] A.− [En parlant d'un obj. envisagé du point de vue de l'effet qu'il produit en raison du mystère de son origine, de son bruit, de sa manière de survenir, etc.] :
6. Elle [la vie d'autrui, étrangère à la mienne] s'annexe des objets naturels en les détournant de leur sens immédiat, elle se construit des outils, des instruments, elle se projette dans le milieu en objets culturels. L'enfant les trouve autour de lui en naissant comme des aérolithes venus d'une autre planète.
M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, pp. 406-407. − Par métaph., au plur. Rafale de projectiles tirés par les armes à feu, balles : 7. Tout à coup des sifflements forcenés déchirent l'atmosphère. Une rafale de shrapnells, là-haut, sur nous... Au sein de nuages d'ocre des aérolithes fulgurent et se dispersent en nuées épouvantables. Des charges roulantes se ruent dans le ciel, pour aller déflagrer et se broyer sur la pente, fouiller la colline et y déterrer les vieux ossements du monde. Et les flamboiements tonitruants se multiplient sur une ligne régulière.
H. Barbusse, Le Feu,1916, p. 298. − P. plaisant., fam. Objet qui « tombe du ciel » : 8. [Il] se promenait sur le trottoir, attendant avec impatience le bienheureux aérolithe qui devait lui tomber dessus [le portefeuille que son complice doit lui lancer].
F. Vidocq, Les Vrais mystères de Paris,t. 1, 1844, p. 283. B.− [En parlant d'une pers. envisagée du point de vue de l'effet qu'elle produit en raison de l'étrangeté de son comportement, du mystère de son origine, etc.] :
9. Il vient d'arriver par le coche, et vous ne sauriez croire l'effet qu'il produit ici : c'est une berlue à dormir debout; on ne sait où l'on est quand il parle, ni ce qu'on entend, ni l'heure qu'il est; c'est quelque chose comme un aérolithe; il vous cause du ciel et de l'enfer, de l'avenir et de la providence, ni plus ni moins que s'il était conseiller privé du Père Éternel.
A. de Musset, Lettres de Dupuis et Cotonet,t. 4, 1837, pp. 595-596. 10. cyrano, s'interposant.
Où suis-je? soyez franc!
Ne me déguisez rien! en quel lieu, dans quel site,
Viens-je de choir, Monsieur, comme un aérolithe?
E. Rostand, Cyrano de Bergerac,1898, III, 2, p. 142. 11. − Ce n'est pas une entrée, c'est un écroulement... Bonté divine! un bolide, un aérolithe, un morceau de lune tomberait sur la scène que ce ne serait pas un si effroyable désastre...
A. France, Histoire comique,1903, p. 68. 12. « Mais Claudel? » Claudel est inexplicable. Il a dû tomber du ciel comme un aérolithe. Il ne représente ni son temps, ni son pays.
J. Green, Journal,1949, p. 254. C.− [En parlant d'une pensée, d'un événement imprévisible arrivé à une pers. et de l'effet qu'ils produisent (cf. supra A et B)] :
13. À nous les phrases d'Hugo ne semblent plus des phrases, mais des aérolithes : quelques-uns tombent du soleil, les autres tombent de la lune.
E. et J. de Goncourt, Journal,avr. 1864, p. 38. 14. Et, par-dessus tout cela, il y avait encore le socialisme! bien que ces théories, aussi neuves que le jeu d'oie, eussent été depuis quarante ans suffisamment débattues pour emplir des bibliothèques, elles épouvantèrent les bourgeois, comme une grêle d'aérolithes; ...
G. Flaubert, L'Éducation sentimentale,t. 2, 1869, p. 120. 15. L'ambassadeur disgracié, le chef de bureau mis à la retraite, le mondain à qui on bat froid, l'amoureux éconduit examinent, parfois pendant des mois, l'événement qui a brisé leurs espérances; ils le tournent et le retournent comme un projectile tiré on ne sait d'où ni on ne sait par qui, presque un aérolithe. Ils voudraient bien connaître les éléments composants de cet étrange engin qui a fondu sur eux, savoir quelles volontés mauvaises on peut y reconnaître.
M. Proust, À la recherche du temps perdu,La Prisonnière, 1922, p. 318. 16. Il est pourtant rare que le sommeil jette ainsi dans la vie éveillée des souvenirs qui ne meurent pas avec lui. On peut compter ces aérolithes. Si c'est une idée que le sommeil a forgée, elle se dissocie très vite en fragments ténus, irretrouvables.
M. Proust, À la recherche du temps perdu,Sodome et Gomorrhe, 1922, p. 986. Rem. 1. Les emplois fig. sont parfois mélioratifs (ex. 8, 12), plus souvent péj. (ex. 7, 9, 11) ou simplement amusants ou iron. (ex. 10, 13), rarement neutres (ex. 6, 15, 16); tous sont expr. 2. L'ex. 15 est intéressant parce que aérolithe y devient image au 2edegré (par l'intermédiaire de celle du projectile, cf. ex. 7). Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [aeʀ
ɔlit]. 2. Dér. et composés : aérolithique. 3. Forme graph. − Pt Lar. 1968 : aérolithe ou aérolite (cf. aussi Lar. 20e, Lar. encyclop. et Pt Rob.). Cf. -lithe. Étymol. ET HIST. − 1834 (Land. : Aérolithe... pierre tombée du ciel).
Composé des éléments aéro-* et -lithe (-lite*). STAT. − Fréq. abs. litt. : 34. BBG. − Bél. 1957. − Boiss.8. − Bouillet 1859. − Delorme 1962. − Galiana Astronaut. 1963. − Guilb. Astronaut. 1967. − Littré-Robin 1865. − Muller 1966. − Nysten 1814-20. − Plais.-Caill. 1958. − Pohl (J.). Contribution à l'histoire de quelques mots. Arch. St. n. Spr. 1969, t. 205, p. 361. − Privat-Foc. 1870. − Sc. 1962. − Spr. 1967. − Thomas 1956. − Tondr.-Vill. 1968. − Uv.-Chapman 1956. |