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AZUR, subst. masc.
I.− MINÉR., CHIM.
A.− MINÉR. Nom donné anciennement au lapis-lazuli appelé aussi quelquefois pierre d'azur :
1. Autrefois dans Bagdad le calife Almanon Fit bâtir un palais plus beau, plus magnifique, Que ne le fut jamais celui de Salomon. Cent colonnes d'albâtre en formoient le portique; L'or, le jaspe, l'azur, décoroient le parvis; ... Florian, Fables,Le Calife, 1792, p. 47.
Azur de cuivre. Nom donné parfois à l'azurite*.
B.− P. ext., CHIM. Matière colorante d'un bleu très foncé fabriquée à partir d'un verre que l'on obtient par grillage de la smaltine ou de la cobaltine et que l'on réduit ensuite en poudre très fine pour la préparation de diverses substances. Synon. bleu d'azur, bleu d'émail, bleu de Saxe, safre, smalt, verre de cobalt :
2. − Dès le xviesiècle Venise, en rapports commerciaux constants avec l'Orient méditerranéen, en subit l'influence qu'elle transmet à la céramique italienne : c'est sans doute par cette voie détournée que le goût persan parvient à Nevers. La fabrication de cette époque est caractérisée par des pièces à fond bleu trempé d'un azur très riche sur lequel se dessinent en blanc, jaune obscur ou jaune clair, des tulipes, des œillets et des marguerites, des oiseaux; ou encore de petites scènes chinoises (...). Rarement le fond, au lieu d'être de ce bleu intense demeuré célèbre, sera jaune : le décor en est alors bleu et blanc. G. Fontaine, La Céram. fr.,1965, p. 37.
SYNT. De l'azur de première qualité (Ac. 1835-1932); azur à poudrer; azur d'émail; azur de premier, de second, de troisième, de quatrième feu (Besch. 1845).
Azur en boules. Préparation contenant de l'indigo dissous dans de l'acide sulfurique très concentré et précipité par la potasse; il sert aux blanchisseuses pour blanchir le linge jauni et lui donner plus d'éclat.
C.− P. anal., littér., poét.
1. Couleur d'un bleu intense. Bleu d'azur :
3. Dès que j'eus mis le pied dans cette toute petite et ravissante ville, je compris que j'allais y rester longtemps. De partout l'œil embrasse un véritable cercle de sommets crochus, dentelés, cornus et bizarres, tellement fermé qu'on découvre à peine la pleine mer, et que le golfe a l'air d'un lac. L'eau bleue, d'un bleu laiteux, est d'une transparence admirable; et le ciel d'azur, d'un azur épais, comme s'il avait reçu deux couches de couleur, étale au-dessus sa surprenante beauté. Ils semblent se mirer l'un dans l'autre et se renvoyer leurs reflets. Maupassant, Contes et nouvelles,Marroca, t. 1, 1882, p. 786.
4. Alors, soudain, pareille à une immensité d'azur, sans une voile, sans une fumée, la mer de faïence bleu-tendre s'étendait à l'infini. Était-il possible de dire ce qu'était ce bleu indéfinissable? Car ce n'était pas le franc azur. Et ce n'était pas le cobalt. C'était beaucoup plus nuancé, beaucoup plus frais, beaucoup plus délicat que le cobalt. Le lapis, alors? Non certes et pas davantage le turquin. Cela n'avait pas l'innocence de la bourrache, ni l'ingénuité du myosotis, ni la candeur virginale de la Véronique. On était quelque peu tenté de songer à la pervenche; mais, soudain, l'esprit comprenait que ce bleu, cette mer de bleu pâlissant, c'était tout simplement le bleu-Pasquier, c'était l'œil même de feu Raymond Pasquier, c'était le regard presque décoloré de la famille Pasquier aux minutes de colère, de lassitude ou de rêverie. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 28.
SYNT. Azur clair, céleste, lumineux, profond; l'azur des cieux, des mers; mer, fleuve, lac, flots d'azur; des yeux d'azur. Cf. ǧrotte d'azur. Site célèbre de l'île de Capri, ainsi appelé à cause de la couleur azurée de ses eaux.
2. P. ext. [P. réf. à la couleur du ciel et de la mer par beau temps] Le ciel ou l'air, plus rarement la mer :
5. Grand délice que celui de noyer son regard dans l'immensité du ciel et de la mer! Solitude, silence, incomparable chasteté de l'azur! Une petite voile frissonnante à l'horizon, et qui, par sa petitesse et son isolement, imite mon irrémédiable existence, mélodie monotone de la houle, toutes ces choses pensent par moi, ou je pense par elles (car dans la grandeur de la rêverie, le moi se perd vite!) Baudelaire, Petits poèmes en prose,1867, p. 17.
6. Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures, L'eau verte pénétra ma coque de sapin Et des taches de vins bleus et des vomissures Me lava, dispersant gouvernail et grappin. Et dès lors, je me suis baigné dans le poème De la mer, infusé d'astres, et lactescent, Dévorant les azurs verts; où, flottaison blême Et ravie, un noyé pensif parvis descend; ... Rimbaud, Poésies,Le Bateau ivre, 1871, p. 129.
7. Et maintenant, église de Dieu, par quelle frondaison et quelles vrilles subtiles, par quelle fumée de pinacles, par quelles flèches vibrantes, comme une hampe de jacinthe, vas-tu trouver le moyen assez innombrable et curieux, à défaut de t'y fondre par le parfum et le miel, de te lier à l'azur et au nuage et de pendre au plus haut la croix suprême? Claudel, Art. poét.,Développement de l'église, 1907, p. 213.
3. Au fig. Symbole de l'idéal, de l'infini, de l'absolu, et de façon plus restreinte, de notions, telles que la sérénité, l'espoir, la pureté, etc. :
8. − Le mariage, ainsi entendu, est un culte, car c'est la vie selon Dieu et en Dieu, culte de prière et d'action, de gratitude et de témoignage. − La femme angélique souffle sur nos colères comme la brise sur les nuages et ramène en nous l'azur. Elle dissipe nos tristesses et ramène la sérénité. Elle guérit nos inquiétudes et ramène la confiance. Elle apaise nos douleurs, relève nos abattements, adoucit nos chagrins, assainit et ennoblit notre existence, en y mettant le charme, la douceur et le parfum. Amiel, Journal intime,1866, p. 174.
9. Ce n'est point vers la nuit que je crie en avant! Mourir n'est pas finir, c'est le matin suprême. Non! Je ne donne pas à la mort ceux que j'aime! Je les garde, je veux le firmament pour eux, Pour moi, pour tous, et l'aube attend les ténébreux; L'amour en nous, passants qu'un rayon lointain dore, Est le commencement auguste de l'aurore; Mon cœur, s'il n'a ce jour divin, se sent banni, Et, pour avoir le temps d'aimer, veut l'infini; Car la vie est passée avant qu'on ait pu vivre. C'est l'azur qui me plaît, c'est l'azur qui m'enivre, L'azur sans nuit, sans mort, sans noirceur, sans défaut; C'est l'empyrée immense et profond qu'il me faut, La terre n'offrant rien de ce que je réclame, ... Hugo, La Légende des siècles,Grandes lois, t. 6, 1883, p. 32.
10. En vain! L'Azur triomphe, et je l'entends qui chante Dans les cloches. Mon âme, il se fait voix pour plus Nous faire peur avec sa victoire méchante, Et du métal vivant sort en bleus angélus! Il roule par la brume, ancien et traverse Ta native agonie ainsi qu'un glaive sûr; Où fuir dans la révolte inutile et perverse? Je suis hanté. L'Azur! L'Azur! L'Azur! L'Azur! Mallarmé, Poésies,L'Azur, 1898, p. 38.
II.− Autres emplois techn.
A.− BOT. Azur des bois. ,,Nom vulgaire de l'agaric azuré`` (Besch. 1845; attesté également ds Lar. 19eet Nouv. Lar. ill.).
B.− HÉRALD. Émail bleu des armoiries. En gravure il est représenté par des hachures horizontales :
11. À l'autre bout, au-dessus de la tête de Sygne, un lambeau d'une fraîche tapisserie de soie, où l'on voit, dans un rinceau, au milieu d'une pastorale déchirée, l'écu de Coûfontaine divisé : en chef d'or avec une foi de gueules (deux mains unies), en pointe d'azur avec une épée d'argent en pal entre le soleil et la lune, et pour cri et devise : coufontaine adsum! Claudel, L'Otage,1911, I, 1, p. 217.
PRONONC. : [azy:ʀ].
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Subst. 2emoitié xies. judéo-fr. lazur « couleur bleu clair » (Les Gloses françaises dans les Commentaires talmudiques de Raschi, glose 629, éd. Darmesteter-Blondheim, d'apr. Levy, Trésor, p. 141); ca 1100 fr. azur « id. » (Roland, éd. Bédier 1599-1600 : Il vait Anseïs ferir en l'escut : Tut li trenchat le vermeill et l'azur); 2. adj. ca 1210 azur « de couleur bleu clair » (Herbert le Duc de Danmartin, Folque de Candie, 248, éd. Schultz-Gora, Gesellschaft für rom. Lit., t. 21, Dresde 1909 : Tiebauz chevauche qu'il ne se tarde mie [...] Entre ses cuisses un destrier de Hongrie, Sele a azur et frein de Tabarie); 3. subst. p. métaph. « ciel » a) 1794 (céleste) azur (A. Chénier, L'Amérique, p. 106); b) 1801 azur (Chateaubriand, Atala, XVI, p. 41 : La lune brilloit au milieu d'un azur sans tâche). Empr. par l'intermédiaire du lat. médiév. azurium (cf. ca ixes. azorium, Mappae Clavicula, praef. p. 188, 21 ds Mittellat. W. s.v., 1298, 51-52; cf. aussi ixes. lazur, Frotharius Episcop. Tull. Epist. 20 ds Du Cange), forme déglutinée issue de l'ar. lāzaward « lapis lazuli », lui-même issu du persan lāzward « id. ». Étant donné l'ancienneté de l'apparition du mot en fr., l'intermédiaire du lat. médiév. est préférable à celui d'une autre lang. rom., ital. ou esp. (FEW t. 19, s.v. lāzward, Cor. t. 1, s.v. azul).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 2 002. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 745, b) 5 160; xxes. : a) 2 954, b) 1 629.
BBG. − Bouillet 1859. − Chesn. 1857. − Comm. t. 1 1837. − Duval 1959. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 64, 279. − Grandm. 1852. − Knauer [K.]. Studien zur Geschichte der Farbenbestimmung im Französischen von den Anfängen bis gegen Ende des 18 Jahrshunderts Archivum romanicum. 1933, t. 17, § 6, 26. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 204. − Rigaud (A.). Poisses d'avr. Déf. Lang. fr. 1971, no57, p. 19.