| AXIOME, subst. masc. I.− Dans le lang. sc. Énoncé répondant à trois critères fondamentaux : être évident, non démontrable, universel. A.− LOG. et MATH. 1. Jusqu'à l'époque contemp. et principalement au XIXes. [L'énoncé précité sert ou peut servir de base à une démonstration ou à un raisonnement] :
1. Les savants entendent par axiome toute proposition indémontrable dont la vérité commande l'assentiment, et sans laquelle la démonstration de tout un ordre de vérités est impossible : ...
L. Liard, La Sc. positive et la métaphys.,Paris, G. Baillière, 1883, p. 240. 2. Au début du siècle dernier (...) le postulat se distingue de l'axiome en ce que son évidence n'est pas reconnue; il n'est qu'une hypothèse.
J. Ullmo, La Pensée sc. mod.,Paris, Flammarion, 1958, p. 190. 3. Cet effort s'accompagnait d'ailleurs d'un changement très net de style, le discours continu (parfois rehaussé de prétentions littéraires) des maîtres du xixesiècle se trouvant remplacé par un découpage austère et fortement charpenté en définitions, axiomes et propositions, nécessaire à la clarté du déroulement logique.
Hist. gén. des sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 127. Rem. 1. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. et du xxes. à partir de Ac. 1798 et sous sa forme plus partic. à partir de Lar. 19e. 2. Champ sém. déduction, définition, prémisse(s), principe d'identité, proposition. 2. LOG. et MATH. MOD., avec l'apparition des géom. non euclidiennes. a) Énoncé, proposition posés à la base d'un système hypothético-déductif ou plus généralement élément d'une axiomatique*. Cf. loi logique, proposition logique a priori : 4. Sans aller jusqu'à faire de l'axiome un énoncé arbitraire, − ce qui serait pousser les choses à l'absurde, − il faut admettre que la méthode axiomatique nous a rendu une certaine liberté à l'égard de l'axiome, (...). Si l'axiome a perdu de sa nécessité relativement à l'hypothèse, l'hypothèse a acquis une certaine réalité par rapport à l'axiome.
G. Lemaître, L'Hyp. de l'atome primitif,Paris, Dunod, 1946, préf. de F. Gonseth, pp. 13-14. 5. Les résultats de cet effort [dans l'histoire de la « sédimentation dialectique »] s'étagent dans notre esprit comme les couches géologiques dans un terrain : il y a ceux de la période pythagoricienne liés à la mystique des nombres; ceux de la période platonicienne et euclidienne où la géométrie prend figure de science rationnelle de l'espace; ceux de la période qui prépare et précède la découverte des géométries non-euclidiennes, où la notion de l'axiome commence à se détacher de l'idée de vérité nécessaire dont dépendrait la forme même du monde; ... etc.
J. Vuillemin, L'Être et le travail,1949, p. 61. Rem. 1. Attesté ds Lar. Suppl. 1968, Lar. Lang. fr., Rob. Suppl. 1970 et ds les dict. spéc. de philos. 2. La log. et les math. class. mettent en évidence la rigidité de la déf. d'axiome (cf. ex. 1) et sa distinction fondamentale d'avec le postulat (cf. ex. 2). À l'époque mod., axiome est devenu un concept aussi relatif que l'hypothèse ou le postulat (cf. ex. 4). b) Spéc. Formule servant de thèse ou théorème initial à un système syntaxique (cf. axiomatique B 2 b). SYNT. Axiomes analytiques et axiomes synthétiques. (cf. L. Liard, La Sc. positive et la métaphys., Paris, G. Baillière, 1883, p. 242). Axiome de choix de Zermelo. Énoncé : le produit d'une famille d'ensembles non vides est un ensemble non vide (cf. Bourbaki, Éléments d'hist. des math., 1960, p. 53). Axiome de la continuité, des probabilités, de réductibilité de Russel et Whitehead, de Pasch, de Peano, etc. B.− PHILOS. Cf. supra rem. 2; cf. également principes métaphysiques : 6. En proclamant son principe de la raison suffisante, et en l'opposant au principe de contradiction, dont Aristote avait fait l'axiome fondamental ou le pivot de toute preuve scientifique (381), Leibnitz est, de tous les philosophes, le premier qui indique nettement le but essentiel de toute étude philosophique, la conception des choses dans l'ordre suivant lequel elles rendent raison les unes des autres, ordre qui ne doit être confondu, ...
Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 579. 7. Lui. Et vous regardez la philosophie comme une science?
Moi. Assurément; elle est même la première de toutes, puisque les autres lui empruntent leurs principes. Elle est aussi la plus certaine, car elle s'appuie à la fois sur des faits, comme les sciences d'observation, et sur des axiomes, comme les sciences de déduction.
Ménard, Rêveries d'un païen mystique,1876, p. 39. 8. En effet, Kant avait encore dit dans son premier axiome : « le goût est la faculté de juger d'un objet ou d'une représentation par une satisfaction libre de tout intérêt ».
Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 391. Rem. 1. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes. à partir de Ac. 1798. 2. Cf. également axiomes de l'intuition chez Kant attesté ds les dict. spéc. de philos. 3. Pour la différence entre l'usage class. et l'usage mod. cf. supra rem. 2. C.− P. ext., autres domaines sc. (sc. exactes, appliquées, hum.). Énoncé admis comme base ou principe d'une construction scientifique : 9. Je regrette que l'on n'ait pas fait pour l'histoire ce que les sciences exactes ont fait sur elles-mêmes, quand elles ont revisé leurs fondements, recherché avec le plus grand soin leurs axiomes, numéroté leurs postulats.
Valéry, Variété 4,1938, p. 134. 10. Philosophe de la pensée médicale, M. G. Roussy fut, il m'apparaît du moins, le premier à condenser en un axiome cette nécessaire façon de contempler le vaste domaine du cancer, si l'on veut tenter de comprendre causes et effets, comportement de la maladie, lien avec ses plus proches parents de la nosologie.
Ce que la France a apporté à la méd. dep. le début du XXes.,1946, p. 141. Rem. Attesté ds les dict. gén. du xixeet du xxes. à partir de Ac. 1798 sans mention particulière. SYNT. a) Axiomes de Desmares et de Ménard (dict. spéc. de méd. notamment Méd. Biol. t. 1 1970). b) Usuels (valent pour A.B.C.). Axiome incontestable, indiscutable, invulnérable, irréductible; accepter, admettre, commencer par, se donner, émettre, énoncer, établir, formuler, poser, professer, recevoir, renverser (comme), (en), (un) axiome. II.− Plus gén., dans la lang. littér. ou culturelle. Vérité ou assertion admise par tous sans discussion. Synon. adage, aphorisme, dicton, loi, maxime, proverbe, règle de vie, sentence. A.− Cour., dans le domaine de la vie morale et quotidienne 1. [L'énoncé concerne des rapports hum. et moraux] :
11. Dès les premiers jours de sa retraite, Bérulle avait écrit : « parce que la nature est de Dieu, nous la laisserons sans la ruiner ». Axiome spéculatif et moral qu'il accepte sans réserve et qu'il ne remettra jamais en question. Si indépendant qu'il soit, et, dans une certaine mesure, si novateur, Bérulle n'en reste pas moins fidèle aux principes essentiels de l'humanisme dévot.
Bremond, Hist. littér. du sentiment relig. en France, t. 3, 1921, p. 20. 12. Et puis, gravez dans votre tête cet axiome : « Pas d'amitié avec les jeunes filles. » Parce que chacune d'elles croira que vous la préférez.
Montherlant, Les Jeunes filles,1936, p. 972. 2. [L'énoncé concerne un comportement hum., individuel, soc. ou professionnel] :
13. Je sais pourtant que je suis une somme infinie d'énergies en puissance, et que pour moi il n'est pas de stabilité possible. Je le sais au point que, sur cet axiome, j'ai fondé ma méthode de vie, qui est de sentir et d'analyser sans trêve.
Barrès, Un Homme libre,1889, p. 204. 14. La fortune du Times est fondée sur son très grand nombre de lecteurs qui lui donnent plus d'annonces qu'à aucun autre journal. Or, c'est un axiome, parmi les fondateurs de cette feuille, que le moyen de conserver un grand nombre de lecteurs, c'est de pressentir l'opinion publique, de la nourrir, de la vivifier, mais de ne jamais rompre en visière avec elle et de céder toutes les fois qu'elle s'est prononcée dans un sens et même, lorsqu'elle change de direction, de changer avec elle.
La Civilisation écrite,1939, p. 3602. 3. [L'énoncé contient une vérité populaire] :
15. ... quant à sa figure, un nez prodigieux qui rappelait celui de Cyrano de Bergerac, prétexte de tant de duels, y occupait la place la plus importante. Mais Lampourde s'en consolait avec l'axiome populaire : « Jamais grand nez n'a gâté visage. »
T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 307. 16. − Écoutez un axiome : une cuiller par tasse, plus une pour le pot. C'est un fait curieux que par un Français ne sache faire le thé.
Maurois, Les Silences du colonel Bramble,1918, p. 96. B.− Dans le domaine de la vie artistique et intellectuelle.Axiomes de grammaire, de littérature, de peinture, de poésie : 17. Ainsi, voulez-vous peindre et toucher; on vous demande des axiômes et des corollaires. Prétendez-vous raisonner; il ne faut plus que des sentimens et des images.
Chateaubriand, Le Génie du Christianisme,t. 1, 1803, p. 28. C.− Dans le domaine de la vie écon., jur., milit. ou pol. : 18. Aussi les règles qui prohibent ces actes et que sanctionne le droit pénal sont-elles les seules auxquelles le fameux axiome juridique nul n'est censé ignorer la loi s'applique sans fiction.
Durkheim, De la Division du travail soc.,1893, p. 40. 19. Un homme qui a trouvé ainsi mille occasions de s'étonner lui-même, par faiblesse et force, n'est pas disposé à se vanter, d'après ce que j'ai observé, mais plutôt à comprendre cet axiome militaire que, si on ne forçait personne, on n'aurait point d'armées.
Alain, Propos,1921, p. 223. 20. Il n'était rien au monde que Disraëli craignît davantage que les Russes en Méditerranée. Le premier axiome de la politique britannique était, pour lui, le maintien de la libre communication avec les Indes et l'Australie.
Maurois, La Vie de Disraëli,1927, p. 282. PRONONC. ET ORTH. : [aksjo:m]. ,,L' [o] accentué passe à [ɔ] lorsqu'il devient inaccentué : [aksjɔmatik]`` (Fouché Prononc. 1959, p. 53). ,,Dans les mots où la chute de l's a été accompagnée d'une modification du timbre de la voyelle, et où cette modification a persisté, l'accent marque utilement le timbre nouveau. Il a été introduit, pour marquer ce timbre, dans les mots savants qui n'ont jamais eu d's : suprême, extrême, grâce, cône, diplôme (mais axiome et zone, qui se prononcent de même, n'ont pas d'accent)`` (Clédat 1930, p. 68). Enq. : /aksjom, D/. Fér. Crit. t. 1 1787 et Land. 1834 écrivent axiôme. ÉTYMOL. ET HIST. − 1547 « vérité générale qui s'impose à l'esprit par son évidence même » (Tagault, Chirurgie [1645] ds Quem. : Cecy vous sera comme un axiome et proposition arrestée); p. ext. 1803 « proposition admise par tout le monde sans discussion », supra ex. 17.
Empr. au lat. axioma « proposition évidente » (Aulu-Gelle, 16, 8, tit. ds TLL s.v., 1635, 62); du gr. α
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α, (Cicéron, I Tusc., éd. Budé, 14 : omne pronuntiatum (sic enim mihi in praesentia occurrit ut appellarem α
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α, utar post alio, si invenero melius) − id ergo est pronuntiatum, quod est verum aut falsum); cf. aussi Plutarque, Mor., 1009c ds Bailly. STAT. − Fréq. abs. littér. : 559. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 265, b) 809; xxes. : a) 600, b) 502. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Battro 1966. − Birou 1966. − Bouillet 1859. − Chamb. 1970. − Foi t. 1 1968. − Foulq.-St-Jean 1962. − Franck 1875. − Goblot 1920. − Julia 1964. − Lafon 1969. − Lal. 1968. − Mantoy 1971. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Miq. 1967. − Pol. 1868. − Sc. 1962. − Ullmo (J.). La Notion d'axiome. In : U (J.). La Pensée scientifique moderne. Paris, 1958, pp. 190-193. − Uv.-Chapman 1956. |