| AVOINE, subst. fém. A.− TECHNOLOGIE 1. Au sing. gén. Plante monocotylédone (famille des Graminées) à tige dressée, à épillets en panicules, dont le grain sert surtout à l'alimentation des chevaux et de la volaille; grain de cette plante. Champ d'avoine : 1. D'abord, dans les grands carrés de terre brune, au ras du sol, il n'y eut qu'une ombre verdâtre, à peine sensible. Puis, ce vert tendre s'accentua, des pans de velours vert, d'un ton presque uniforme. Puis, les brins montèrent et s'épaissirent, chaque plante prit sa nuance, il distingua de loin le vert jaune du blé, le vert bleu de l'avoine, le vert gris du seigle, des pièces à l'infini, étalées dans tous les sens, parmi les plaques rouges des trèfles incarnat.
Zola, La Terre,1887, p. 200. 2. Des poules allaient et venaient dans ce vacarme, l'œil vif, picorant, à coups de bec saccadés l'avoine tombée des musettes de toile, où mangeaient les chevaux; ...
Moselly, Terres lorraines,1907, p. 187. SYNT. Avoine commune. Avoine annuelle à panicule pyramidale et diffuse, cultivée pour ses graines (cf. en partic. Brard 1838 et Fournier 1961). Avoine courte ou avoine à 2 barbes. Avoine annuelle à panicule unilatérale et épillets courts, cultivée pour ses graines (cf. en partic. Bouillet 1859 et Quillet 1965). Avoine de Hongrie, d'Orient. Avoine annuelle à panicule unilatérale, cultivée pour ses graines (cf. en partic. Brard 1838 et Quillet 1965). Avoine des prés. Avoine vivace à panicule panachée de violet et épillets luisants (Fournier 1961). Avoine noire. Variété d'avoine commune (cf. Ac. 1798-1932). Avoine nue ou avoine à gruau, avoine de Tartarie. Avoine annuelle à panicule pyramidale étalée en tous sens, cultivée pour ses grains qui se détachent facilement de la balle au battage (cf. en partic. Besch. 1845 et Quillet 1965). Avoine stérile, folle avoine ou avèneron, avron. Avoine annuelle, sauvage, à panicule étalée, épillets de deux ou trois fleurs, avec barbes très longues et glumelle inférieure velue, très nuisible aux céréales cultivées (cf. en partic. Brard 1838 et Quillet 1965). Rem. Chateaubriand utilise le terme folle avoine dans un sens quelque peu différent qui semble correspondre à la description faite par Besch. 1845 d'une plante américaine : ,,Plante du Canada, qui croît dans les rivières vaseuses, et qui fournit un grain semblable au riz``. L'aut. a sans doute préféré la poésie à l'exactitude dans ce texte : 3. ... c'étoit une baie où la folle-avoine croissoit en abondance. Ce blé, que la Providence a semé en Amérique pour le besoin des sauvages, prend racine dans les eaux; son grain est de la nature du riz; il donne une nourriture douce et bienfaisante. À la vue du champ merveilleux, les Natchez poussèrent des cris, et les rameurs redoublant d'efforts, lancèrent leurs pirogues au milieu des moissons flottantes. (...) En un instant les nacelles furent cachées dans la hauteur et l'épaisseur des épis. Les voix qui sortoient du labyrinthe mobile ajoutoient à la magie de la scène. Des cordes de bouleau furent distribuées aux moissonneurs; avec ces cordes ils saisissoient les tiges de la folle-avoine qu'ils lioient en gerbe, puis, inclinant cette gerbe sur le bord de la pirogue, ils la frappoient avec un fléau léger; le grain mûr tomboit dans le fond du canot.
Chateaubriand, Les Natchez,1826, p. 326. − [P. allus. ou compar. à/avec la couleur de l'avoine, surtout en parlant des cheveux d'une femme] Couleur d'avoine et p. ell. avoine. Jaune pâle, blond : 4. Nadja, arrivée la première, en avance, n'est plus la même. Assez élégante, en noir et rouge, un très seyant chapeau qu'elle enlève, découvrant ses cheveux d'avoine qui ont renoncé à leur incroyable désordre, ...
Breton, Nadja,1928, p. 70. − [P. allus. ou compar. au/avec le mouvement léger de l'avoine dans le vent] :
5. − Les vagues courent vite, irrégulièrement, mais légères, peu profondes, transparentes : cette mer ressemble à un champ de belle avoine ondoyant aux brises d'une matinée de printemps, après une nuit d'averse; ...
Lamartine, Voyage en Orient,t. 1, 1835, p. 71. 2. P. méton. a) Gén. au plur. Pièce d'avoine non moissonnée : 6. Il [un chemin] épousa les contours d'un champ et je perdis quelques instants à ce détour et pesait contre moi ce grand carré d'avoine, car mon instinct livré à lui-même m'eût mené droit, mais le poids d'un champ me faisait fléchir. (...) Et me colonisait ce champ car je consentais au détour, et, alors que j'eusse pu jeter mon cheval dans les avoines, je le respectai comme un temple.
Saint-Exupéry, Citadelle,1944, p. 820. b) POÉSIE. rare, vx (au sing.). Sorte de flûte rudimentaire fabriquée avec une paille d'avoine (cf. Besch. 1845, Lar. 19e) : 7. Faites qu'au bruit de l'aveine
Où vous savez bien souffler,
Le gentil Auberon, par les tardes soirées,
Mène danser au bois les filles de Nérée.
Moréas, Sylves,Romane juvénile fleur, 1896, p. 190. 3. [Usages divers de l'avoine] a) GASTR. Céréale servant à l'alimentation humaine (sous forme de pain, bouillie, potage, bière, whisky, aromate, etc.) principalement par son gruau ou grain sans enveloppe réduit en farine. Flocons d'avoine (cf. en partic. Les Grdes heures de la cuis. fr., Éluard-Valette, 1964, p. 229). b) ARTS MÉN. Balle d'avoine. Enveloppe des grains d'avoine servant à confectionner la literie d'enfant : oreillers, paillasses (cf. Mauriac, Le Mystère Frontenac, 1933, p. 175). c) MÉD., MÉD. VÉTÉR. Plante servant à préparer des tisanes, des cataplasmes, etc. (cf. E. Garcin, Guide vétér., 1944, p. 160). B.− Au fig. [P. allus. aux propriétés nutritives ou excitantes de l'avoine] 1. Domaine concr., fam. ou pop. − [En parlant d'une pers.] Nourriture : 8. Pour blâmer les luxures d'un moine,
Pour un prieur à qui l'on ôte un peu d'avoine,
Pour troubler dans son auge un capucin trop gras,
Foudre, anathème; on a le pape sur les bras.
Hugo, La Légende des siècles,t. 6, Les Quatre jours d'Elciis, 1883, p. 105. − Except. [En parlant d'une chose] :
9. ... la voiture accélérait encore pour sortir du précipice. Cette essence nouvelle était prodigieuse avoine!
J. de La Varende, Les Manants du roi,1938, p. 193. − Loc. proverbiales, vx. Cheval d'aveine, cheval de peine. Celui qui est bien payé doit bien travailler (cf. Besch. 1845, Lar. 19e, Littré, Nouv. Lar. ill.). Cheval faisant la peine ne mange pas l'aveine. Celui qui fait le travail n'est pas celui qui en tire le plus de profit (cf. ibid.). Gagner l'avoine ou son avoine, il a bien gagné son avoine. (Il) mérite(r) d'être nourri pour son travail (cf. en partic. J.-F. Rolland, Dict. du mauvais lang., 1813, p. 15, Lar. 19e, M. Stéphane, Ceux du Trimard, 1928, p. 221). Manger son avoine dans un sac (p. allus. aux chevaux mangeant leur avoine dans un sac attaché à leur tête, en parlant d'un avare). Ne pas partager ses biens avec d'autres (cf. Besch. 1845, Lar. 19e, Guérin 1892, Nouv. Lar. ill.). − Argot ♦ Arg. milit., absol. Synon. de eau-de-vie (cf. L. Rigaud, Dict. du jargon parisien, L'Arg. anc. et mod., 1878, p. 18 et France 1907); se dit aussi pour vin (cf. J. Richepin, La Chanson des gueux, 1876, p. 173). ♦ Avoine de curé. Synon. de poivre (cf. en partic. L. Rigaud, Dict. d'arg. mod., 1888, p. 398, France 1907, Ch.-L. Carabelli [Lang. pop.]). ♦ Arg. des cochers, absol. Coup de fouet pour exciter un cheval (cf. A. Delvau, Dict. de la lang. verte, 1866, p. 17, France 1907). Avoine de bourrelier. Fouet (cf. A. Bruant, Dict. fr.-arg., 1905, p. 230). ♦ Absol. Correction sévère. Donner, (re)filer ou passer une avoine. Battre, avoiner* (cf. en partic. G. Fustier, Suppl. au dict. de la lang. verte d'A. Delvau, 1883, p. 495, A. Simonin, Le Pt Simonin ill. par l'ex., Paris, N.R.F., 1968, p. 29, Ch.-L. Carabelli, [Lang. de la pègre] et [Lang. pop.]). 2. Domaine abstr., rare, littér.Stimulant d'ordre affectif, moral, nourriture de l'esprit : 10. De telles conceptions comportent bien de la naïveté (...) Mais enfin, c'est une avoine, cette illusion, et qui aide à trotter.
Barrès, Amori et dolori sacrum,1902, p. 144. Rem. Cf. aussi l'expr. donner une avoine de baisers (Hugo, La Légende des siècles, t. 1, Eviradnus, 1859, p. 363). − P. iron., vx. Cet homme a reçu de l'avoine. ,,Il a été rebuté par celle qu'il aime`` (Ac. Compl. 1842); cf. également Besch. 1845, Lar. 19e, G. Delesalle, Dict. arg.-fr. et fr.-arg., 1896, p. 22). Rem. On rencontre dans la docum. le néol. avoinage, subst. masc. (J. de La Varende, Le Troisième jour, 1947, p. 69; suff. -age*). Action de nourrir avec de l'avoine. PRONONC. ET ORTH. : [avwan]. Il existe une forme aveine (Ac. 1798, 1835, 1878, Besch. 1845, Lar. 19e, Littré, Guérin 1892, Nouv. Lar. ill., DG, Lar. encyclop., Quillet 1965) ou avène : [avεn]. ,,Aveine est la prononciation normande`` (Littré). Enq. : /avwan/. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. xiies. aveine « plante céréale de la famille des graminées; la graine de cette plante, destinée à la nourriture des chevaux » (Eneas, éd. Salverda de Grave, 355 : Et requeron altre contree O vitaille seit mielz trovee, Eve dolce, feins et aveine As chevals ki vivent a peine), forme la plus en usage jusqu'à la fin du xviies. (Rich. 1680), ne se maintenant plus par la suite que dans le nord-ouest de la France (Moisy, Verr.-On.); ca 1200 avoine (Chans. d'Antioche, VII, 414 ds Gdf. Compl.) seule forme retenue ds les dict. dep. Fur.; xves. avene (Grant Herbier, no57 ds Gdf. Compl. : Avena, c'est une herbe dont le grain est ainsi appellé avene), graphie usitée seulement jusqu'à la fin du xvies. (Baïf, Eglogue, 19 ds Hug.); 1690 fig. loc. proverbiale et fam. gagner son avoine (Fur.); 2. ca 1165 p. synecdoque avainne « champ semé d'avoine, quand celle-ci est encore sur pied » (Chr. de Troyes (?), G. d'Angleterre, éd. W. Fioerster, 1771 : Qui pasturoit an une avainne), forme qui, ainsi que la forme aveine (fin xiies.), ne se trouve que jusqu'à la fin du xvies. (Gauchet, Plaisir des Champs ds Hug.); ca 1178 gén. au plur. avoines (Renart, Br, IV, 63 ds Gdf. Compl.); 3. mil. xvies. aveine « flûte rustique faite au moyen d'une tige d'avoine » (Ronsard, Amours de Marie, Le Voyage de Tours, I, 169 ds Hug. : Voila comme il te prend pour mespriser ma peine Et le rustique son de mon tuyau d'aveine), se rencontre aussi sous les formes avaine, avéne, attesté princ. au xvies. (Hug.).
Empr. au lat. avena, 1 (considérée comme mauvaise herbe) dep. Ennius (Protrept. frg. ds Priscien, Gramm II, 532, 18 ds TLL s.v., 1308, 45), attesté notamment au plur. steriles avenae « folle avoine » (Virgile, Ecl., 5, 3, ibid., 82); 3 (Id., op. cit., 1, 2, ibid., 1309, 33). La forme anc. aveine (xiie-xvies.) régulière a été cependant supplantée dep. le xviies. par la forme avoine qui est peut-être un vocalisme dial. de l'Est (Lorraine, Bourgogne) où la nasalisation n'a eu lieu qu'après le passage de eià oi(G. Straka, Rem. sur les voyelles nasales ds R. Ling. rom., t. I9, 1955, p. 261; Fouché t. 2, 1969, p. 376, rem I); cependant, si on peut admettre une prépondérance de la forme dial. pour avoine (comme pour foin), ces formes ayant pu être apportées de l'Est avec le fourrage ou la céréale, on ne saurait la reconnaître pour moins (a. fr. meins) et moindre (a. fr. meindre). Aussi semble-t-il préférable de voir dans ê > wê le résultat d'une infl. de la consonne labiale précédente, sensible un peu partout au Moyen-Âge − en dehors de la région de l'Est − [il] abaie > aboie; armaire > armoire; mains > moins etc. Fouché, ibid., p. 377, rem II); v. aussi G. Straka, loc. cit., 261, note 3. La prononciation avoine qui l'a emporté, fut celle de la Cour : 1647, Vaugelas cité par Fouché, ibid. : Il faut dire avoine avec toute la cour, et non pas aveine avec tout Paris; v. aussi Meyer-Lübke ds Literaturblatt für germanische und romanische Philologie, 40, col. 378. STAT. − Fréq. abs. littér. : 426. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 318, b) 619; xxes. : a) 1 102, b) 544. BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Alex. 1768. − Bél. 1957. − Bouillet 1859. − Brard 1838. − Bruant 1901. − Burn. 1970. − Canada 1930. − Chass. 1970. − Comm. t. 1 1837. − Dumas 1965 [1873]. − Duval 1959. − Fén. 1970. − France 1907. − Gardette (P.). Influence des parlers prov. sur les parlers francoprov. La carte avoine. In : Congrès internat. de lang. et litt. du midi de la France. 2. 1958. Aix. pp. 161-166. − Gottsch. Redens. 1930, p. 53, 182, 267. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 28. − Larch. 1880. − Larch. Suppl. 1880. − Lar. comm. 1930. − Lar. méd. 1970. − Lar. mén. 1926. − Le Breton 1960. − Le Roux 1752. − Lewis (C. B.). A Purely traditional explanation for foin, moins, avoine. R. belge Philol. Hist. 1930, t. 9, pp. 801-813. − Littré-Robin 1865. − Métrol. 1969. − Mont. 1967. − Nysten 1824. − Pollet 1970. − Pope 1961 [1952], § 487. − Privat-Foc. 1870. − Sain. Lang. par. 1920, p. 425. − Sandry-Carr. 1963. − Vaug. 1934 [1647], p. 100. |