| AVILIR, verbe trans. I.− Emploi trans. A.− Rendre vil, dégrader, abaisser. 1. [Le compl. désigne une pers.] Avilir qqn.Sa conduite l'avilit aux yeux de tout le monde (Ac. 1835-1932, Besch. 1845, Lar. 19e) : 1. Je suis environné de trop de témoignages pour rester encore dans le doute. Homme, toutes tes fonctions prises dans leur vrai sens, et purgées des abus qui les avilissent et les corrompent, me présentent sans cesse des torts à redresser et des maux à guérir.
Saint-Martin, L'Homme de désir,1790, p. 127. 2. [En parlant des attributs d'une pers. : caractère, dignité, charge, rang, etc.] :
2. Les lettres (...) s'accordent à dire que le peuple familiarisé avec les supplices, habitué à voir tomber chaque jour les têtes des plus illustres personnages, à entendre outrager la majesté royale, et avilir un nom auguste qu'on a cherché à remplacer par une ridicule dénomination, que ce peuple abreuvé de sang avait confondu le supplice de la reine, avec celui de mille autres victimes...
Sénac de Meilhan, L'Émigré,1797, p. 1887. 3. ... la vérité sera connue, et l'on s'indignera, se demandant qu'ont à faire de pareils traitements avec la sûreté du prisonnier. D'un autre côté, si tout cela n'était qu'un excès de zèle dans Sir Hudson Lowe, cet excès de zèle condamne son cœur, avilit son caractère, déshonore sa mémoire.
Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 2, 1823, p. 428. B.− Faire perdre de sa valeur, déprécier. 1. COMM. et FIN. Il ne faut pas avilir la marchandise (Ac. 1798-1932, Besch. 1845). L'inflation avilit la monnaie (Rob.). L'inflation avilit le franc (Dub.) : 4. ... les fils noués par M. Madeleine se brouillèrent et se rompirent; on falsifia les procédés, on avilit les produits, on tua la confiance; les débouchés diminuèrent, moins de commandes; le salaire baissa, les ateliers chômèrent, la faillite vint.
Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 437. 5. ... la découverte d'excellents filons (...) lui avait porté [à Delaveau] un coup terrible, en avilissant le prix de la matière première.
Zola, Travail,t. 2, 1901, p. 75. 2. Au fig. Dégrader. Avilir des valeurs morales (Rob.) : 6. ... il [le mysticisme] élève tellement la foi au-dessus des œuvres, qu'il avilit les œuvres et en inspire le dédain.
Cousin, Cours d'hist. de la philos. mod.,t. 2, 1847, p. 147. − Emploi abs. Abaisser, dégrader : 7. Achetez l'amour. L'amour qui ne s'élève point s'abaisse. Vous sentirez une fureur d'humilier et d'avilir.
Alain, Propos,1926, p. 683. II.− Emploi pronom. A.− [En parlant d'une pers.] Devenir vil, se dégrader, s'abaisser. Cet homme s'est avili (lui-même) par ses bassesses (Ac. 1798-1932, Besch. 1845, Lar. 19e). S'avilir à ses propres yeux (Ac. 1835-1932, Besch. 1845) : 8. ... il tombait tout à fait bas comme tant d'autres qui, eux aussi, avaient été bons et braves; il s'avilissait, se ravalait peu à peu au niveau de ce peuple d'ivrognes; et sa débauche devenait repoussante et vulgaire comme une débauche d'ouvrier.
Loti, Mon frère Yves,1883, p. 236. B.− Rare, COMM. et FIN. [Le suj. désigne un inanimé concr.] Perdre de sa valeur, se déprécier. Les marchandises s'avilissent par leur abondance (Besch. 1845, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.). Les cours se sont avilis, effondrés (Rob.). Le pouvoir d'achat s'avilissait (Dub.) : 9. ... nous avons bien vu la forme de la richesse changer déjà une fois, lorsque la valeur de la terre a baissé, que la fortune foncière, domaniale, les champs et les bois, a décliné devant la fortune mobilière, industrielle, les titres de rente et les actions, et nous assistons aujourd'hui à une précoce caducité de cette dernière, à une sorte de dépréciation rapide, car il est certain que le taux s'avilit, que le cinq pour cent normal n'est plus atteint...
Zola, L'Argent,1891, p. 306. PRONONC. : [avili:ʀ], j'avilis [ʒavili]. ÉTYMOL. ET HIST. − [La forme avillir indiquée ds Gdf. Compl. pour Chr. de Troyes, Erec et Enide, B.N. 375, [P] fo7ene figure pas parmi les var. de l'éd. W. Foerster au passage cité, v. 1560] 1. xiiies. [date du ms.] avillir « rendre vil, indigne d'estime » (La Première Continuation de Perceval, ms. ASP, éd. W. Roach, v. 6798 : Trop m'averïes avilli [leçon isolée de P, tous les autes mss qui contiennent ce passage ont avileni]); 2. a) 1587 pronom. « se rendre vil, indigne d'estime » (Lanoue, Discours politiques, p. 519 ds Gdf. Compl. : Ils se vont chacun jour avilissans a choses indignes); b) 1690 pronom. « se déprécier, perdre de sa valeur » (Fur. : Les marchandises s'avilissent, quand elles ne sont plus à la mode, quand elles n'ont plus de debit).
Dér. de vil*; préf. a-1*; dés. -ir.; s'est substitué à l'a. fr. avillier, parfois aviler très cour. dep. ca 1168, Chr. de Troyes, Erec et Enide, éd. W. Foerster, 1560. STAT. − Fréq. abs. littér. : 642. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 494, b) 467; xxes. : a) 784, b) 731. |