| AVEU, subst. masc. A.− Action d'avouer quelque chose. 1. Action de révéler quelque chose. a) Action de dévoiler, d'expliquer quelque chose d'ignoré, de caché : 1. − J'ai besoin d'un secret, reprit M. Ouine, j'ai le plus pressant besoin d'un seul secret, (...) ... Un secret, comprenez-moi bien, mon enfant, je veux dire une chose cachée qui vaille la peine d'un aveu − d'un aveu, d'un échange, une chose dont je puisse me décharger sur autrui.
Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1555. b) Action de reconnaître et de révéler quelque chose, qu'on est l'auteur d'un acte, d'une action, souvent blâmables (faute, tort causé, simple pensée ou omission); action de s'accuser, de se confesser. Faire l'aveu de sa faute, arracher, rétracter des aveux : 2. ... la mauvaise conscience aspire à l'aveu et au pardon, la conscience inquiète à la confrontation et au dialogue. Janet dit de la confession qu'elle « semble avoir été inventée par un aliéniste de génie qui voulait traiter des obsédés ». Elle est plus que cela pour le croyant, mais elle est déjà cela pour le psychologue.
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 487. − Au fig. : 3. les voluptantes. −
Reviens, vagir parmi mes cheveux, mes cheveux
Tièdes, je t'y ferai des bracelets d'aveux!
Étends partout les encensoirs les plus célestes,
L'univers te garde une note unique! Reste...
Laforgue, Les Complaintes,Complainte des voix, 1885, p. 74. 4. Dès que la richesse, les prix et la monnaie sont en cause, le pouvoir éprouve une résistance non saisissable. Le conscrit se rend à la caserne et le braconnier à la prison; cela ne fait pas difficulté. Mais donner l'impulsion aux affaires et aux marchés, faire sortir l'argent, tirer des aveux d'une bourse, cela se décrète aisément et ne se fait point.
Alain, Propos,1934, p. 1216. Rem. Belgicisme. Être en aveux, entrer en aveux pour avouer, faire des aveux, faire l'aveu de sa faute d'apr. Hanse 1949. − Spéc., DR. ♦ DR. CIVIL. Mode de preuve constituée par la reconnaissance par une partie de l'exactitude d'une allégation et de nature à produire des conséquences juridiques à son détriment. Aveu d'une dette. Aveu judiciaire. Celui qui est fait en justice au cours d'une instance. Aveu extrajudiciaire. Celui qui est fait en dehors de la présence du juge ou dans une autre instance : 5. 1354. L'aveu qui est opposé à une partie, est ou extrajudiciaire ou judiciaire. 1355. L'allégation d'un aveu extrajudiciaire purement verbal est inutile toutes les fois qu'il s'agit d'une demande dont la preuve testimoniale ne serait point admissible. 1356. L'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son fondé de pouvoir spécial.
Il fait pleine foi contre celui qui l'a fait.
Il ne peut être divisé contre lui.
Il ne peut être révoqué, à moins qu'on ne prouve qu'il a été la suite d'une erreur de fait. Il ne pourrait être révoqué sous prétexte d'une erreur de droit.
Code civil,1804, p. 246. ♦ DR. PÉNAL. Reconnaissance par un individu d'avoir commis une infraction et constituant un moyen d'instruction insuffisant à lui seul pour entraîner condamnation. Faire l'aveu d'un crime : 6. Arrêté la nuit, porteur d'une pince-monseigneur, en compagnie de rôdeurs munis de fausses clefs. Dans une lettre au procureur, il a fait des aveux complets; mais il dit à présent que, cette lettre, un repris de justice l'a forcé à l'écrire. Et il nie tout.
Gide, Souvenirs de la Cour d'assises,1913, p. 643. − Empl. ironiquement : 7. La foule des pingouins ignorait le doute : elle eut foi dans la culpabilité de Pyrot, et cette foi devint aussitôt un des principaux articles de ses croyances nationales et une des vérités essentielles de son symbole patriotique. Pyrot fut jugé secrètement et condamné. Le général Panther alla aussitôt informer le ministre de la guerre de l'issue du procès.
− Par bonheur, dit-il, les juges avaient une certitude, car il n'y avait pas de preuves.
− Des preuves, murmura Greatauk, des preuves, qu'est-ce que cela prouve? Il n'y a qu'une preuve certaine, irréfragable : les aveux du coupable. Pyrot a-t-il avoué?
− Non, mon général.
− Il avouera : il le doit. Panther, il faut l'y résoudre; dites-lui que c'est son intérêt. Promettez-lui que, s'il avoue, il obtiendra des faveurs, une réduction de peine, sa grâce; promettez-lui que, s'il avoue, on reconnaîtra son innocence; on le décorera. Faites appel à ses bons sentiments. Qu'il avoue par patriotisme, pour le drapeau, par ordre, par respect de la hiérarchie, sur commandement spécial du ministre de la guerre, militairement... Mais, dites-moi, Panther, est-ce qu'il n'a pas déjà avoué? Il y a des aveux tacites; le silence est un aveu.
− Mais, mon général, il ne se tait pas; il crie comme un putois qu'il est innocent.
− Panther, les aveux d'un coupable résultent parfois de la véhémence de ses dénégations. Nier désespérément, c'est avouer. Pyrot a avoué; il nous faut des témoins de ses aveux, la justice l'exige.
A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 259. − Arg. Faire des aveux. Se mettre à table : 8. Il faisait du zèle... Il nous traitait en farouche... Il voulait nous épouvanter! ... Sans doute pour qu'on se mette à table... qu'on lui fasse tout de suite des aveux! ...
Céline, Mort à crédit,1936, p. 637. 2. Action d'admettre quelque chose. a) Action d'admettre quelque chose d'intime, de personnel, de plus ou moins pénible à reconnaître, concernant sa nature, ses imperfections ou ses sentiments, et de les révéler; confidence, confession littéraire : 9. Confidence et confession 31 mars 1898 :
En écrivant la première phrase de ses Confessions : « Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple, et dont l'exécution n'aura point d'imitateur », Jean-Jacques Rousseau s'est montré − on peut le dire − historien oublieux et mauvais prophète. Car chacun sait que, dans la primitive église, le pénitent s'accusait à voix haute devant l'assemblée des fidèles, et l'on n'ignore pas non plus que, depuis le fameux livre du philosophe de Genève, une foule d'écrivains n'hésitent pas à livrer au public les plus indiscrets aveux sur leur vie privée et sur leurs sentiments intimes. Hâtons-nous d'ajouter que, de toutes les révolutions déchaînées par le génie de Rousseau dans la politique et dans les mœurs, celle-ci du moins a donné quelques beaux fruits. La littérature en fut renouvelée, et cet appel à la sincérité nous a valu des chefs-d'œuvre. Aucun écrit n'est plus intéressant, plus passionnant, en effet, et n'a plus de chances de durée que celui où un homme de bonne foi s'efforce de mettre son âme à nu et de se montrer tel qu'il est.
Coppée, La Bonne souffrance,1898, p. 181. − Plus précisément. Déclaration d'amour. Faire un doux aveu : 10. Avec quel délice, je me retrouvai dans le lieu où mon oreille avoit été frappée du son enchanteur de ces paroles : Et moi aussi, Olivier, je vous aime! Aveu plein de charmes et de candeur, qu'avant ce jour aucun amant peut-être n'entendît prononcer...
Mmede Genlis, Les Chevaliers du Cygne,t. 1, 1795, p. 132. b) Adhésion personnelle que l'on donne à quelque chose d'abstrait; action de faire sienne une idée, une conviction : 11. En somme la crédulité c'est l'objet qui s'impose à nous, c'est une croyance entièrement subjective et qui cependant n'est pas notre œuvre. C'est grâce au doute au contraire, qui libère le sujet de la fascination de l'objet, que la croyance devient nôtre : la croyance authentique n'est pas seulement celle qui est en moi mais celle que j'avoue. Et cette notion d'aveu est peut-être ce qui éclaire le plus celle de croyance. Si je n'avoue que ce que j'accepte de moi-même, si l'aveu ainsi porte toujours sur l'être, il faut dire que ma croyance est mon plus profond aveu. La psychologie contemporaine place le doute, qui est en somme le pouvoir de nier, dans la perspective d'une évolution de nos croyances comportant trois étapes essentielles. À une première étape, à l'étape de la crédulité primitive, comme dit Bain, l'adhésion à une croyance est spontanée, irréfléchie : cette adhésion, pré-critique, est plutôt adhérence. Puis vient l'attitude critique, mettant en doute la vérité des jugements auxquels nous avions accordé jusque là notre assentiment. Enfin, à un troisième stade, l'adhésion n'est accordée qu'après une délibération réfléchie qui ne donne aux croyances que la valeur conforme à cette réflexion.
J. Lacroix, Marxisme, existentialisme, personnalisme,1949, p. 117. c) Rare, littér. Action de reconnaître comme vrai ce qu'un autre a dit ou fait, témoignage qu'on rend : 12. Si l'on veut juger du point de confusion où nous sommes parvenus, qu'on lise le Bulletin quotidien de presse étrangère publié par les soins de notre Quai d'Orsay. Ce bulletin peut bien enregistrer, tous les jours, les aveux officiels d'intervention de l'Allemagne et de l'Italie : le Quai d'Orsay n'accepte pas moins de rencontrer les représentants de ces états à Londres, au comité de non-intervention.
Guéhenno, Journal d'une« Révolution », Été 1937, p. 259. − Usuel. De l'aveu de (elliptiquement pour ainsi que cela résulte de l'aveu de). Selon l'opinion de..., ainsi qu'en convient..., ainsi que le reconnaît... : 13. Pendant un déjeuner, on parla d'un grand cousin dissipé qui considérait sa mère comme une idiote : de l'aveu de mon père elle l'était en effet. Il déclara cependant avec véhémence : « Un enfant qui juge sa mère est un imbécile. »
S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 110. SYNT. Aveu de défaite, d'une (de) faute(s), d'impuissance, des lèvres, des sentiments; aveu(x) brutal(aux), complet(s), formel(s), involontaire(s), naïf(s), nécessaire(s), secret(s), sincère(s), tacite(s); tel(s) aveu(x), gens sans aveu, sincérité d'aveux; dernier, nouvel (nouveaux), pareil, premier(s), prétendus, propre(s), triste(s) aveu(x); un (des) aveu(x) (s')échappe(nt); aveu(x) échappé(s); devoir un aveu, échapper un (des) aveu(x), faire un (des) aveu(x), obtenir un (des) aveu(x), recevoir un (des) aveu(x). B.− Action d'avouer quelqu'un. 1. DR. FÉODAL a) Acte d'un vassal reconnaissant quelqu'un pour seigneur, duquel il déclarait tenir tel héritage, et généralement suivi du dénombrement, description détaillée des biens composant le fief. Aveu et dénombrement, aveu et déclaration, rendre un aveu : 14. Les fiefs subsistaient, entre lesquels la hiérarchie, de vassal à suzerain, se maintenait par l'aveu et le dénombrement, ainsi que par une redevance à chaque mutation; ...
G. Lefebvre, La Révolution fr.,1963, p. 51. Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. ainsi que ds Ac. 1932 et Rob. b) P. oppos. à désaveu. Acte par lequel un vassal reconnaissait quelqu'un pour seigneur. Rem. Attesté ds Littré, Nouv. Lar. ill., ainsi que ds la plupart des dict. gén. du xxes. − Au fig. : 15. Les puissances chrétiennes commencent leurs traités d'alliance et de paix par une formule religieuse qui les met sous la protection de l'être trois fois saint, présent aux conventions solennelles des peuples, comme aux pensées intimes des hommes : usage vénérable, aveu de foi et hommage envers la divinité, et le seul acte public de religion que puissent faire les peuples réunis en un corps.
Bonald, Législ. primitive,t. 2, 1802, p. 103. c) Acte d'un seigneur reconnaissant quelqu'un pour vassal. Rem. Attesté ds Littré, Nouv. Lar. ill., DG, Ac. 1932, Lar. encyclop., Quillet 1965. − Loc. (Homme) sans aveu. (Celui) qui n'est avoué d'aucun seigneur féodal. ♦ Au fig., mod. Individu ne possédant rien; individu sans moralité, dont l'activité et les revenus sont inavouables : 16. C'était la première fois qu'elle entendait une voix sympathique prononcer avec ce religieux respect le mot de « révolutionnaire », qui éveillait, dans son esprit, l'image d'individus à mine louche, capables d'incendier et de piller les quartiers riches pour assouvir de bas appétits : des hommes sans aveu, qui cachent des bombes sous leur veste, et contre lesquels la société n'a d'autre recours que la déportation.
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, p. 367. Rem. Selon Littré et Bél. 1957 sans aveu s'applique aussi aux choses et signifie « qui n'est reconnu de personne ». 2. Littér. Autorisation, approbation donnée par quelqu'un à quelqu'un, généralement un inférieur, de faire ou d'avoir fait quelque chose : 17. Nous avions déjà l'aveu de sa mère. Nous reçûmes, le 24, son consentement régulier, qui assurait tout.
Michelet, Journal,1849-60, p. 594. 3. Au fig. Conformité de quelque chose avec quelque chose d'abstrait (cf. avouer I A 3 b) : 18. Toujours, quand on ne se livre pas à la volonté divine, on veut que Dieu veuille ce que l'homme veut. Et pourtant croire en Dieu, le désirer, l'appeler, tout cet aveu nécessaire de la conscience n'a de raison, pour nous, qu'autant que nous attendons de lui ce que nous ne sommes pas, ce que nous ne pouvons être ni faire seuls. Si on ne le veut pas où il est, c'est qu'on le voudrait où il ne peut être.
M. Blondel, L'Action,1893, p. 397. PRONONC. : [avø]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) 1283 dr. féod. « acte établissant l'engagement d'un vassal envers son seigneur » (Ph. de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, 65, 1423 : Et en teus cas est il bon as tenans que il ne facent nus aveus, car il pourroient perdre); début xvies. homme sans aveu « qui n'est lié à aucun seigneur » (Amadis de Gaule, I, 9, ds Dict. hist. Ac. fr. t. 4, p. 765 : Ah! pauvre Damoysel de la mer, sans parentz, sans terre, n'adveu, comme as tu osé mettre ton cœur si hault, que d'aymer celle qui precelle toutes aultres), d'où 1700 « vagabond » (Comte de Pontchartrain, Secretaire d'Etat, au premier président du Parlement de Paris ds Depping, Correspondance administrative sous Louis XIV, t. 2, p. 332, ibid.); b) 1387 p. ext. « action de déclarer qu'on autorise, consentement » (Froissart, Chron., 1. II, chap. 124, ibid.); 2. a) av. 1626 « action de confesser qqc., de reconnaître certains faits » (Théophile, Élégie à une dame, ibid., p. 768 : Vous entendez le poids, le sens, la liaison, Et n'avez, en jugeant, pour but que la raison; Aussi mon sentiment à vostre adveu se range); 1668 (en parlant de faits pénibles à révéler) (Mol., Amph., II, 6 ds Rob.); b) 1681 de l'aveu de « au témoignage de » (Boss., Hist. univ., II, 21, ibid.)
Déverbal de avouer* d'apr. les formes fortes de l'ind. prés. du type de il aveue (1283, Beaumanoir ds T.-L.). STAT. − Fréq. abs. littér. : 2 418. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 418, b) 2 746; xxes. : a) 3 845, b) 3 582. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Barr. 1967. − Bouillet 1859. − Bruant 1901. − Canada 1930. − Cap. 1936. − Comm. t. 1 1837. − Dupin-Lab. 1846. − Fén. 1970. − Gramm. t. 1 1789. − Lacr. 1963. − Lafon 1969. − Lemeunier 1969. − Lep. 1948. − Marcel 1938. − March. 1970. − Pierreh. Suppl. 1926. − Porot 1960. − Réau-Rond. 1951. − Rog. 1965, p. 236. − Sandry-Carr. 1963. − Sexol. 1970. − St-Edme t. 2 1825. − Spr. 1967. |