| AVARICE, subst. fém. A.− Attachement excessif aux richesses, vice de l'avare. Une avarice sordide (Ac. 1798-1932). Synon. avidité, ladrerie, lésine, parcimonie, pingrerie, rapacité : 1. L'économie s'éloigne autant de l'avarice que de la prodigalité. L'avarice entasse, non pour consommer, non pour reproduire, mais pour entasser; c'est un instinct, un besoin machinal et honteux. L'économie est fille de la sagesse et d'une raison éclairée; elle sait se refuser le superflu pour se ménager le nécessaire, tandis que l'avare se refuse le nécessaire afin de se procurer le superflu dans un avenir qui n'arrive jamais. On peut porter de l'économie dans une fête somptueuse, et l'économie fournit les moyens de la rendre plus belle encore : l'avarice ne peut se montrer nulle part sans tout gâter. Un personne économe compare ses facultés avec ses besoins présens, avec ses besoins futurs, avec ce qu'exigent d'elle sa famille, ses amis, l'humanité. Un avare n'a point de famille, point d'amis; à peine a-t-il des besoins, et l'humanité n'existe pas pour lui. L'économie ne veut rien consommer en vain; l'avarice ne veut rien consommer du tout. La première est l'effet d'un calcul louable, en ce qu'il offre seul les moyens de s'acquitter de ses devoirs, et d'être généreux sans être injuste. L'avarice est une passion vile, par la raison qu'elle se considère exclusivement et sacrifice tout à elle.
Say, Traité d'écon. pol.,1832, p. 455. 2. L'avarice de ces trois vieillards était si passionnée que depuis longtemps ils entassaient leur argent pour pouvoir le contempler secrètement. Le vieux Monsieur La Bertellière appelait un placement une prodigalité, trouvant de plus gros intérêts dans l'aspect de l'or que dans les bénéfices de l'usure.
Balzac, Eugénie Grandet,1834, p. 12. 3. L'avarice caractérisée est un état nettement pathologique, bien que n'évoluant pas vers des troubles mentaux. Elle se greffe généralement sur une hérédité morbide. Ayant étudié des familles d'avares, Rogues de Fursac affirme que « l'avare est en quelque sorte noyé au milieu des aliénés ».
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 536. − Collectiv. Les avares : 4. ... il [l'orgueil] brille dans le souris de l'envie, il éclate dans les débauches du libertin, il compte l'or de l'avarice, ...
Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 1, 1810, p. 82. − ICONOGR., p. méton. ,,Femme qui enfouit une corne d'abondance. Femme âgée, maigre, hydropique, au teint pâle et livide, occupée à compter son argent, et tenant une bourse étroitement serrée`` (Besch. 1845). − PSYCHANAL., PSYCHOL. ,,Perversion de l'instinct de conservation consistant dans une hypertrophie de la tendance à l'épargne`` (Ch. Bardenat ds Porot 1960). B.− Au plur. Manifestation d'avarice : 5. Madame montrait aussi, au milieu du désordre de sa maison, parmi tout ce coulage effréné qu'elle tolérait, des avarices très bizarres et tout à fait inattendues... Elle chipotait la cuisinière pour deux sous de salade, économisait sur le blanchissage de l'office, renâclait sur une note de trois francs, n'avait de cesse qu'elle eût obtenu, après des plaintes, des correspondances sans fin, d'interminables démarches, la remise de quinze centimes, indûment perçus par le factage du chemin de fer, pour le transport d'un paquet.
Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 343. 6. Comme toute débilité intellectuelle, les avarices vont souvent de pair avec la vanité.
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 649. C.− Au fig. [Le compl. désigne ce qui est susceptible d'être acquis ou ménagé] :
7. Le comte se disait : je ne saurais passer qu'une demi-heure tout au plus dans sa loge, moi, connaissance de si fraîche date; si j'y reste davantage, je m'affiche, et grâce à mon âge et plus encore à ces maudits cheveux poudrés, j'aurai l'air attrayant d'un Cassandre. Mais une réflexion le décida tout à coup : si elle allait quitter cette loge pour faire une visite, je serais bien récompensé de l'avarice avec laquelle je m'économise ce plaisir. Il se levait pour descendre dans la loge où il voyait la comtesse; tout à coup il ne se sentit presque plus d'envie de s'y présenter.
Stendhal, La Chartreuse de Parme,1839, p. 96. 8. Cocon est l'homme-chiffre. Il a l'amour, l'avarice de la documentation précise. A propos de tout, il fouine pour trouver des statistiques qu'il amasse avec une patience d'insecte, et sert à qui veut l'entendre.
Barbusse, Le Feu,1916, p. 25. PRONONC. : [avaʀis]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1121 averice « défaut de l'avare » (P. de Thaon, Bestiaire, 395 ds Gdf. Compl. : Superbe et averice, injure, malveise vice); 1265-68 avarice « id. » (Brunet Latin, Trésor, p. 272, ibid. : Largesce est le milieu entre avarice et prodigalité).
Empr. au lat. avaritia, dep. Plaute au sens de « désir de garder l'argent amassé » (Mil., 1063 ds TLL s.v., 1182, 74); au sens de « avidité, soif d'accumuler de l'argent » (Persa, 555, ibid., 1179, 7). STAT. − Fréq. abs. littér. : 697. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 220, b) 698; xxes. : a) 982, b) 957. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Bible 1912. − Divin. 1964. − Foi t. 1 1968. − Marcel 1938. − March. 1970. − Porot 1960. − Rat (M.). Traduttore, traditore ou les faux amis de lang. angl. Déf. Lang. fr. 1968, no45, p. 14. − Sexol. 1970. |