| AVARE, adj. et subst. A.− Qui fait preuve d'avarice. 1. [En parlant de pers.] Qui a la passion d'amasser et de retenir les richesses sans en faire usage. Synon. avaricieux, chiche, cupide, ladre : 1. C'était un peuple patient et tenace, rangé et régulier, avare et avide. Supposé qu'un tel peuple devienne belliqueux, ces habitudes d'avarice et d'avidité se changeront en esprit de conquêtes.
Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 33. 2. C'est tout juste si elle ne fait pas ses robes elle-même, par économie. Elle est avare comme un pou.
Simenon, Les Vacances de Maigret,1948, p. 75. − Emploi subst. : 3. L'avare qui ne fait pas valoir son trésor dans la crainte de l'exposer, à la vérité ne favorise pas l'industrie, mais du moins il ne lui ravit aucun de ses moyens; ce trésor amassé l'a été aux dépens de ses propres jouissances, et non, comme le vulgaire est porté à l'imaginer, aux dépens du public; ...
Say, Traité d'écon. pol.,1832, p. 454. 4. ... je m'entourai de tout ce que je pus me procurer d'objets précieux ou fragiles, de vases ou de livres rares et surtout de tableaux que la connaissance que j'ai de la peinture me permettait d'avoir à très bas prix. Durant quinze ans, je thésaurisai comme un avare; je m'enrichis de toutes mes forces ...
Gide, Les Nourritures terrestres,1897, p. 189. ♦ Un avare fastueux. ,,Celui qui affecte une magnificence mêlée d'avarice`` (Besch. 1845). − Proverbes. À père avare, fils prodigue (Ac. 1878, 1932); à femme avare, galant escroc (Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.); l'avare et le cochon ne sont bons qu'après leur mort (Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.). Rem. 1. Avare/avaricieux. ,,L'avare est celui qui est en proie à l'avarice, et dont toute la conduite est dirigée par cette passion. L'avaricieux est celui qui commet actuellement des actes d'avarice. Celui qui manque à donner dans l'occasion, ou qui donne trop peu, s'attire le nom d'avaricieux`` (Littré; cf. avaricieux). 2. Avare/intéressé. ,,Un homme avare aime la possession, et ne fait aucun usage de ce qu'il a : un homme intéressé aime le gain, et ne fait rien gratuitement. L'avare se prive de tout ce qui coûte : l'intéressé ne s'arrête guère à ce qui ne produit rien. Les avares ne savent ni donner ni dépenser : il y a des personnes qui, pour être intéressées, n'en sont pas moins prodigues; elles donnent libéralement à leurs plaisirs ce que l'avidité du gain leur fait acquérir`` (Sardou 1877). 2. [En parlant d'une attitude ou d'un attribut de la pers.] Qui manifeste un grand manque de générosité ou une grande avidité. Soin avare; caractère, humeur avare (Ac. 1835, 1932) : 5. ... la guerre continuelle, mais une guerre de cupidité plus que d'enthousiasme; un génie avide et avare.
Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 66. 3. P. anal. [En parlant d'inanimés] Qui livre son avoir, ses produits avec parcimonie, qui donne très/trop peu. Sol avare : 6. Et Pomone et Palès, et Flore et les Dryades,
Doivent leurs doux trésors à l'urne des Nayades,
Surtout dans les climats où l'ardente saison
Jusque dans sa racine attaque le gazon,
Et laisse à peine au sein de la terre embrasée
Tomber d'un ciel avare une foible rosée.
Delille, L'Homme des champs,Second chant, 1800, p. 82. B.− Avare de qqc.[En parlant d'une pers. ou d'un attribut de la pers., d'une entité personnifiée] Qui n'est pas prodigue de. Le ciel, la nature, la fortune ne lui fut point avare de ses dons (Ac.1835-1932) : 7. Je veux dire que ma mère est avare de ses sentiments, mais qu'une fois qu'elle les a accordés, c'est pour toujours.
A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 378. − Emploi subst. 8. Les avares d'argent sont noyés dans la masse bien plus considérable des avares de soi. Il est peut-être vrai, comme le veulent certains écrivains religieux russes, que leur mal représente le péché principal de l'occident, spécialement depuis que, de conquérante, la bourgeoisie y est devenue âpre, calculatrice et mortellement ordonnée.
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 325. PRONONC. ET ORTH. : [ava:ʀ]. Enq. : /avaʀ/. Fér. Crit. t. 1 1787 écrit avâre avec un accent circonflexe pour souligner la durée de la 2esyllabe. ÉTYMOL. ET HIST.
I.− Adj. 1. a) ca 1175 aver de (+ inf.) « (d'une pers.) peu généreux quant à, peu disposé à (+ inf.) » (Chr. de Troyes, Chevalier Lion, éd. W. Foerster, 4414 ds T.-L. : Ha!, font il, fame, chose avere De voir dire et de mantir large); 1690 avare de (+ subst.) « (d'une pers.) qui n'accorde pas, qui ne prodigue pas qqc. » (Fur.); b) 1180-1200 aver de « (d'un inanimé) pauvre, chiche en » (Lambert Le Tort, A. de Bernay, Alexandre, éd. H. Michelant, 94, 17 ds T.-L. : la tiere... estoit avere de pain et de forment); 2. 1180-1200 aver « (d'une pers.) cupide, intéressée » (Conon de Béthune, P. Paris, Romancero, p. 87 ds Gdf., s.v. aver : Mais or sont il eschar, chiche et aver); 1527 avare (J. Bouchet, Panég. de L. de la Trémoille, éd. Panth. Litt., p. 780 ds R. Ét. Rab., t. 3, p. 390).
II.− Subst. 1265-68 aver « homme qui amasse de l'argent » (Brunet Latin, Trésor, Liv. II, 1repart. c. 20 ds Dict. hist. Ac. fr. : Prodigues est cil qui se desmesure en doner et faut en recoivre et li avers fait le contraire); 1550 avare « id. » (Ronsard, Odes, II, 4 [II, 190-191] ds Hug.).
Du lat. avarus, adj. dep. Plaute; « (d'une pers.) avide d'argent » (Truc., 459 ds TLL s.v., 1185, 4); subst., même sens (Cicéron, Phil., II, 115 ds OLD); « qui donne parcimonieusement » (Plaute, Capt., 320 ds TLL s.v., 1186, 13); d'où (+ génitif) « (d'une pers.) qui n'est pas prodigue en » (Symmaque, Epist., 1, 90, 1, ibid., 1187, 75); « (d'un inanimé) qui donne peu » emploi poét. (Horace, Carm., 2, 2, 1 ds OLD). La forme a. fr. aver est pop.; la forme fr. mod. avare en est la réfection d'apr. avarus. STAT. − Fréq. abs. littér. : 1 123. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 644, b) 1 301; xxes. : a) 1 547, b) 1 744. BBG. − Bonnaire 1835. − Bruant 1901. − Canada 1930. − Cohen 1946, p. 50. − Duch. 1967, § 15, 74. − Gir. t. 2 Nouv. Rem. 1834, p. 14. − Gougenheim (G.). La Relatinisation du vocab. fr. Annales de l'Univ. de Paris. 1959, t. 29, no1, p. 7. − Goug. Mots t. 1 1962, pp. 134-136. − Lacr. 1963. − Le Breton Suppl. 1960. − Noter-Léc. 1912. − Pierreh. Suppl. 1926. − Plais.-Caill. 1958. − Rat (M.). Il n'y a pas de synon. Avare, grigou, pingre, etc. Vie Lang. 1968, p. 311. |