| AUTREMENT, adv. A.− D'une autre manière, d'une façon différente. 1. [Portant sur un verbe] a) La comparaison est explicite : 1. Aujourd'hui, examen sur la littérature générale. J'interroge un de mes concurrents autrement que nous n'étions convenus dans le jardin; je l'embarrasse et lui réponds de manière à briller beaucoup.
Michelet, Journal,1821, p. 162. b) La comparaison est implicite : 2. − « Venez chez moi, père. Elles y seront aussi, mais un peu autrement. Elles n'y venaient guère, seulement en passant, et pas les jours de fête... Père, si vous saviez comme je vous plains et je n'ose pas vous le dire... »
P. Bourget, Nos actes nous suivent,1926, p. 33. 3. Si j'étais calme, lucide, je te parlerais autrement, mieux...
R. Martin du Gard, Un Taciturne,1932, III, 8, p. 1338. 4. − Parce que les communistes que vous fréquentez sont pour la plupart des étudiants qui ont adhéré au parti par « opinion », par choix d'une doctrine entre plusieurs autres; leur démarche comporte évidemment quelque chose de gratuit; c'est pourquoi vous avez parfois l'impression d'un jeu. Je voulais vous montrer qu'il en est tout autrement pour les travailleurs.
Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 173. 2. Autrement dit ou vx, autrement reprend sous une nouvelle formulation quelque chose qui vient d'être dit : 5. − C'est des vers, clama-t-il, visiblement alarmé, autrement dit, celui qui te les envoie est un homme sans le sou. Un monsieur bien n'envoie pas de vers!
Huysmans, Marthe,1876, p. 12. − Vx. [Autrement suivi d'un nom propre] Alias. B.− Familier 1. [Portant sur un verbe négatif] Ne... pas autrement, sans (que)... autrement. Synon. ne... guère, fam. ne... pas plus que ça : 6. MmeDandillot pensait bien que sa fille était la maîtresse de l'écrivain et ne s'en émouvait pas autrement, étant de son époque et de son pays, sans parler de sa condition.
Montherlant, Le Démon du bien,1937, p. 1247. 7. On m'apprendrait un soir que toutes les chambres du Palace viennent d'être retenues par un détachement de bibliophiles que je n'en serais pas autrement étonné.
Fargue, Le Piéton de Paris,1939, p. 241. 2. [Portant sur un adj. de sens positif ou considéré comme tel (et qqf., modifié par plus)] :
8. Ajoutez à cela qu'une constitution sage doit fixer des époques où le peuple nommera des représentans, revêtus du pouvoir constituant, pour l'examiner et la revoir, et qu'elle trouvera, dans cette convention extraordinaire, une sauve-garde bien autrement utile que la protection ministérielle.
Robespierre, Discours,Contre le Veto royal, t. 6, 1789, p. 94. 9. Je ne songeais même pas à tirer prestige de mon métier, car il est autrement audacieux de se hisser jusqu'aux dernières branches d'un platane et cela, simplement, pour contrôler si la nichée d'oiseaux prend bien ses plumes, pour dire bonjour aux amis.
Saint-Exupéry, Terre des hommes,1939, p. 183. 10. L'oreille − et l'inspiration qu'elle conduit − est sensible à des combinaisons de chiffres, autrement plus complexes et plus « irrationnelles » que celles de ce petit graphique.
P. Schaeffer, À la recherche d'une mus. concr.,1952, p. 35. ♦ Autrement de. Plus de : 11. Mais aussi il avait bien autrement de sérieux et de moralité comme artiste; ...
Sainte-Beuve, Pensées et maximes,1869, p. 123. ♦ Autrement plus. Critiqué par certains, se rencontre parfois pour marquer une supériorité plus accusée (cf. supra ex. 10) : 12. Par contre (oui, je sais bien que l'on dénonce également l'emploi abusif du « par contre »), je ne me souviens pas d'avoir jamais vu relever l'usage, qui tend à s'introduire, de « autrement », suivi de « plus », qui me paraît « autrement plus » déplorable.
Gide, Journal,1941, p. 79. Rem. Entrant, de par sa signif., dans des compar., autrement a pu à l'occasion du discours prendre la valeur méliorative de « beaucoup », « bien plus », sans que le second terme de la compar. soit exprimé (l'ellipse est un caractère du lang. fam. qui comporte des réf. à la situation et peut donc ne pas exprimer tous les éléments de cette situation). C.− [Portant sur la phrase] Dans le cas contraire. Synon. sinon : 13. ... et pour les combattre, il suffit d'exposer de plus en plus clairement les saines doctrines, et de s'en remettre au temps du soin de les répandre. On se jetterait autrement dans des controverses interminables qui n'apprendraient rien au public éclairé, ...
Say, Traité d'écon. pol.,1832, p. 42. 14. Si je me trompe, comme je veux l'espérer, chassez aisément cette noire appréhension que vous porte ma lettre. Autrement, croyez que je sympathise avec tout chagrin qui peut vous atteindre.
Mallarmé, Correspondance,1879, p. 190. Rem. 1. La phrase qui précède celle qui contient l'adv. « exprime une idée d'obligation, de contrainte sans var. possible; il y a donc ellipse, autrement présentant sous la forme négative et hypothétique l'idée contenue dans la première phrase. » « Il faut les enfermer, autrement ils se sauvent » = « Il faut les enfermer car si on ne les enferme pas, ils se sauvent » ou « car si l'on agit différemment, ils se sauvent ». 2. Autrement peut être modifié par tout (ex. 4), un peu (ex. 2), bien (ex. 8 et 11) hormis les cas où l'adv. est synon. de sinon. (cf. supra C) ou lorsqu'il est employé avec sans et ne... pas (cf. supra B 1). PRONONC. ET ORTH. : [otʀ
əmɑ
̃]. Fér. Crit. t. 1 1787 écrit aûtrement pour marquer la durée de la 1resyllabe. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1100 « sinon » (Roland, 494, éd. Bédier, p. 42 : Duc li envei mun uncle l'algalife; Altrement ne m'amerat il mie); 2. mil. xiies. « d'une autre manière » (Wace, Brut, 1244, éd. I. Arnold, I, p. 70 : Sunt les viles e les contrees Tutes or altrement nomees Que li anceisor nes nomerent Ki premierement les fonderent); 3. 1690 (ne pas) autrement « pas plus, guère » (Fur. : Jusqu'ici pour obtenir des Licences il ne falloit pas être autrement sçavant en droit).
Dér. de autre*; suff. -ment2*; le sens 3 est peut-être dû à l'attraction paronymique de outrément « exagérément, absolument » dér. de outrer (v. outré) attesté dep. le xiies. (Chr. de Troyes, Erec et Enide, éd. W. Fœrster ds T.-L. : Erec respont : « Quant tu me prïes, outreemant vuel que tu dïes, Se tu es outrez et conquis »), est encore ds Ac. 1878 qui le qualifie de ,,peu usité``. STAT. − Fréq. abs. littér. : 5 188. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 6 911, b) 6 946; xxes. : a) 6 679, b) 8 427. BBG. − Cohen 1946, p. 56. − Darm. Vie 1932, p. 103. − Marshall (F. W.). Les Poésies de Blondel de Nesle. Une ét. du lex. d'après l'examen des mss, p. 37 (Thèse Univ. Paris, 1968). − Pierreh. 1926. − Pierreh. Suppl. 1926. |