| AUTREFOIS, adv. de temps. À une époque appartenant à un passé révolu, généralement opposée à l'époque actuelle et pouvant être précisée par le contexte. A.− [Le cont. n'apporte aucune précision sur l'époque à laquelle le procès a eu lieu] :
1. ... le commerce extérieur se faisoit tout autrefois par la Méditerranée.
Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 2, 1803, p. 552. 2. Les chagrins avaient déjà fané ce visage : les lignes merveilleuses qui en faisaient autrefois le mérite, restaient seules pour témoigner de sa beauté.
Balzac, Gobseck,1830, p. 424. 3. Au milieu d'un groupe d'hommes, qui parlaient à voix basse, dans le corridor obscur, éclairé par la lueur tremblante d'une lanterne, sur une civière était couché, comme autrefois grand-père, un corps ruisselant d'eau, immobile.
R. Rolland, Jean-Christophe,Le Matin, 1904, p. 220. 4. Le gendarme fit un geste de salutation auquel Daru ne répondit pas, tout entier occupé à regarder l'Arabe vêtu d'une djellabah autrefois bleue, ...
Camus, L'Exil et le royaume,1957, p. 1611. − [Avec certains adv. de temps, autrefois se borne à évoquer la notion de passé p. oppos. à l'époque actuelle (représentée par aujourd'hui, maintenant, etc.) et à venir (représentée p. ex. par demain)] :
5. Qu'y a-t-il de commun entre l'enfant que tu étais autrefois, l'homme que tu es aujourd'hui et le vieillard que tu seras demain?
Ménard, Rêveries d'un païen mystique,1876, p. 199. B.− [Le cont. fournit des renseignements plus ou moins précis sur l'époque à laquelle le procès a eu lieu] :
6. Je pense qu'autrefois, avant la catastrophe de l'homme, − il y a fameusement de siècles − les arbres faisaient ce qu'ils voulaient, qu'ils se promenaient avec bonté dans le jardin qu'on ne peut pas dire, sous les yeux du couple innocent, pour lui épargner la fatigue de cheminer sous leurs frondaisons.
Bloy, Journal,1904, p. 18. 7. Je ne me sentais pas plus responsable en donnant des instructions dans l'oliveraie qu'en conduisant le camion, ou autrefois la bagnole-à-skis...
− Autrefois, répéta Ramos.
Il n'y avait pas un mois.
− Le passé n'est pas une question de temps.
Malraux, L'Espoir,1937, p. 507. C.− D'autrefois. [Apr. un subst.] Qui se situe dans un passé révolu : 8. Des livres d'autrefois aux salons d'autrefois, des salons aux projets de réformes qui circulaient depuis 1750, de ces papiers publics aux « déclarations » successives, la trace est continue : ...
Maurras, L'Avenir de l'Intelligence,1905, p. 32. Rem. 1. Rare. Coordonné à un adj. qualificatif : 9. ... passé presque descendu dans la terre, couché au bord de l'eau comme un promeneur qui prend le frais, mais me donnant fort à songer, me faisant ajouter dans le nom de Combray à la petite ville d'aujourd'hui une cité très différente, retenant mes pensées par son visage incompréhensible et d'autrefois qu'il cachait à demi sous les boutons d'or.
Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 167. Rem. 2. Rare. Modifié par un autre adv. : 10. La circonstance était facile, frivole, douce. Elle sentait le vieux monde, celui de tout à fait autrefois, d'avant les problèmes.
Romains, Les Hommes de bonne volonté,La Douceur de la vie, 1939, p. 78. Rem. 3. D'autrefois mis pour d'autres fois est condamné par les grammairiens, dans ce cas, il est toujours empl. en corrélation avec quelquefois. Ce tour encore possible au xixes. disparaît au xxe: 11. En attendant, je continuai à vivre à Londres, dînant frugalement, allant quelquefois au spectacle et même chez des filles, dépensant ainsi mon argent de voyage, ne faisant rien, m'ennuyant quelquefois, d'autrefois m'inquiétant sur mon père et m'adressant de graves reproches, ...
Constant, Le Cahier rouge,1830, p. 60. − Empl. substantivement ♦ [Non précédé d'art.] :
12. Ils n'avaient même pas essayé de parler d'autrefois. Et puis, autrefois était si loin!
Estaunié, L'Ascension de M. Baslèvre,1919, p. 18. ♦ [Précédé d'un art., d'un adj. poss. ou dém.] :
13. Suivent les gars des bordes,
Les bras usés comme des cordes,
Sans plus d'orgueil, sans même plus
Un seul élan vers les temps révolus
Et le bonheur des autrefois, ...
Verhaeren, Les Villes tentaculaires,Les Campagnes hallucinées, 1895, p. 91. 14. Il me faut avouer aussi que, rendue à mon mauvais et attirant autrefois, je trouvais choquant que Délia (...) fût étendue sur le lit-divan...
Colette, Chambre d'hôtel,1940, p. 175. 15. Aujourd'hui, j'ai erré dans cet autrefois qui m'attire d'autant plus qu'il ne reviendra jamais, ...
Green, Journal,1942, p. 184. ♦ Région. Les autrefois : 16. [Jeanne :] − (...) On a tué du monde là-dessus, les autrefois, et les âmes sans confession demandent des prières.
G. Sand, Jeanne,1844, p. 382. Rem. À propos de cet emploi, G. Sand fait la rem. suiv. : ,,Par cette expression, les autrefois, les paysans expriment mieux que nous ce que nous disions plus haut de leur notion mystérieuse et vague des siècles écoulés.`` PRONONC. ET ORTH. : [otʀfwa]. Pour la distinction d'avec autre(s) fois, cf. Grev. 1964, § 855 bis. Cf. aussi aussitôt. Fér. Crit. t. 1 1787 écrit aûtrefois pour marquer la durée de la 2esyllabe. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Apr. 1170 « une autre fois, dans le futur » (B. de Ste Maure, Ducs Normandie, 25716 sqq., éd. C. Fahlin, Lund 1954, t. II, p. 109 : N'en deüsses parole oïr N'or, ce saches, n'autre feiee N'iert de nos parole odtreiee) concurrencé par une autre fois dès le début du xiiies. (H. de Valenciennes, Continuation Conquête Constantinople, éd. N. de Wailly, 513 ds T.-L. : jou m'en garderai une autre fois); 2. fin xiie-début xiiies. « dans le passé » (R. de Houdenc, Vengeance Radiguel, éd. M. Friedwagner, 2659 ds T.-L. s.v. foiz : Et mesire Gavains se trest ... Vers l'ostel au Noir Chevalier, U il ot autre fois esté).
Composé de autre* et de fois*. STAT. − Fréq. abs. littér. : 7 952. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 9 877, b) 11 733; xxes. : a) 14 121, b) 10 610. |