| AUTRE, adj. et pron. indéf. subst. I.− Adj. et pron. indéf. Permet de distinguer, de différencier, par rapport à une première partie donnée ou connue (un, les uns) servant de point de référence, une ou plusieurs personnes, un ou plusieurs éléments à l'intérieur d'une seconde partie. A.− [Pouvant être suivi de que compar. (exprimé ou non) et empl. en corrélation avec la prép. ou à valeur non exclusive] La seconde partie est une série ouverte indéfinie dont autre choisit un ou plusieurs éléments. 1. Avec une simple idée de différence. a) [Empl. sans déterminant] − [À la fin d'une énumération et précédé de et ou de ou] :
1. ... elle n'est plus bonne à rien; sans cela le sublime lui donnerait des leçons de prostitution, ou autre; ça ferait bouillir la marmite. « (...), que ne demande-t-elle l'aumône? ... »
D. Poulot, Le Sublime,1872, p. 188. 2. Vous étudierez ici, pour les soumettre au gouvernement, quelles conditions, morales, sociales, politiques, économiques et autres vous paraissent pouvoir être progressivement appliquées dans chacun de nos territoires, ...
De Gaulle, Mémoires de guerre,1956, p. 557. − [Dans certaines loc.] Autres temps, autres mœurs. Entre autres. Autre chose (cf. infra II C).Autre part Ailleurs. De part et d'autre. De chaque côté. De temps à autre. De temps en temps. Rem. Au xixes., le déterminant est souvent omis dans certaines loc. de fois à autre « de temps en temps » (Chateaubriand, Essai sur la litt. angl., t. 1, 1836, p. 201), de distance à autre « de distance en distance, de place en place » (Bernardin de Saint-Pierre, La Chaumière indienne, 1791, p. 116). b) [Précédé de certains pron. indéf. et introd. par de] Autre, dans ce cas, ne se trouve que sous la forme du pronom. N'importe qui d'autre, personne d'autre. − [Le compar. est exprimé] :
3. L'architecture se définit principalement par les mouvements qu'elle imprime au visiteur; elle n'exprime rien d'autre qu'une attitude de l'homme et une certaine disposition à éprouver les grandes rencontres humaines.
Alain, Propos,1923, p. 519. − [Le compar. n'est pas exprimé] :
4. Je dois dire que si je n'avais pensé, en plus, que tu étais capable de le rendre heureux, j'aurais choisi quelqu'un d'autre.
Bourdet, Le Sexe faible,1931, I, p. 266. Rem. 1. Rien d'autre, personne d'autre sont les formes les plus couramment empl.; cependant rien autre et personne autre se rencontrent parfois par arch. : 5. Ce qui m'arrive à cette heure est tellement étrange, que je ne croyais pas qu'il dût jamais arriver rien de semblable, ni à moi ni, d'ailleurs à personne autre... »
A. France, Pierre Nozière,1899, p. 138. 6. − Je n'ai rien autre à vous offrir, pour le moment, que ce que je vous ai dit. Encore n'en suis-je pas sûr. J'ai dit que cela se pourrait.
R. Rolland, Jean-Christophe,La Foire sur la place, 1908, p. 664. D'autre part, seul ce tour permet l'emploi adj. de autre dans rien autre chose (cf. infra II C). Rem. 2. Dans les phrases interr., le pron. interr. joue le rôle du pron. indéf. : 7. Qu'est-ce qu'il aurait fait d'autre, sinon manger et boire?
Simenon, Les Vacances de Maigret,1948, p. 11. c) [Emploi attributif ou épithète uniquement sous la forme du pron.] :
8. Le cœur lui battait très fort, en entrant dans le petit hôtel de la rue Legendre, cette maison cossue où elle avait grandi et où elle croyait ne plus trouver que des étrangers, tellement l'air lui semblait autre, glacial.
Zola, L'Argent,p. 293. 9. Tout autre est le cas de l'homme.
Gilson, L'Esprit de la philos. médiév.,t. 1, 1931, p. 171. 10. Elle ne souhaite point que son objet soit autrement disposé qu'il n'est, elle ne se réjouit pas non plus qu'il soit ce qu'il est, ni ne s'efforce qu'il devienne autre, elle ne réprouve ni n'approuve.
Nizan, Les Chiens de garde,1932, p. 166. Rem. Autre, suivi de que, dans cet emploi, peut entraîner la présence d'un ne explétif « il est autre qu'il (ne) paraît » qui se justifie par la discordance provoquée par autre dans le premier membre de la phrase. − Ne... autre que (mis pour n'est... autre chose que..., rien d'autre que...) : 11. La machine à vapeur n'est autre que l'ensemble des liaisons spatiales qui la constituent.
Ruyer, Esquisse d'une philos. de la struct.,1930, p. 167. − [Emploi adj. épithète (peut-être par ell. du verbe être) postposé au subst.] Qui s'est modifié, qui est devenu différent : 12. En effet, supposons pour un moment qu'il n'est pas vrai que la propriété de résister à ma volonté d'éprouver la sensation du mouvement, soit la preuve d'une existence autre que celle de ma vertu sentante, ...
Destutt de Tracy, Éléments d'idéologie,Logique, 1805, p. 293. 13. ... tout d'un coup ils [les violons] semblaient s'écarter et (...) tout au loin, d'une couleur autre, dans le velouté d'une lumière interposée, la petite phrase apparaissait...
Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 218. 2. Avec une idée de différence à laquelle s'ajoute une idée de comptage. a) [Précédé de l'art. indéf., d'un adj. interr., indéf. ou d'un numéral] − [Le compar. est exprimé] ♦ Adjectif : 14. Vous doutiez-vous, Inès, (...) qu'un autre intérêt que celui de la pitié pût vous attacher à ces voiles déchirées, errantes, et incessamment penchées vers l'abîme?
H. Latouche, L'Héritier, Dernières lettres de deux amans de Barcelone,1821, p. 3. 15. Les Italiennes aiment trop vivement pour allier à l'amour quelqu'autre sentiment que lui-même.
Bonstetten, L'Homme du Midi et l'homme du Nord,1824, p. 105. 16. L'Orient a d'autres idées que nous sur l'éducation et sur la morale. On cherche là à développer les sens, comme nous cherchons à les éteindre.
Nerval, Voyage en Orient,t. 3, 1851, p. 62. ♦ Pronom : 17. − Vous auriez sagement agi, dit La Pérouse, en prenant cette élémentaire précaution plus tôt, et envers d'autres que moi.
Bernanos, La Joie,1929, p. 667. − [Le compar. n'étant pas exprimé (c'est le cas le plus fréq.), le second terme de la compar. est supposé connu de l'interlocuteur, ou considéré comme évident] J'ai une autre fille (que celle que vous voyez) : ♦ Adjectif : 18. ... les trois cents francs de la grand'mère s'étaient trouvés employés en dépenses domestiques. Mais Dion venait de recevoir trois cents autres francs.
A. France, Le Chat maigre,1879, p. 224. 19. Moi, j'ai d'autres goûts, un autre système.
Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 200. ♦ Loc. Une autre fois, un autre jour. A un moment indéterminé du passé ou de l'avenir (cf. infra B 1). D'autres fois. Certaines fois (sur la confusion avec d'autrefois, cf. autrefois C rem. 1). Fam. C'est une autre paire de manches. C'est une chose bien différente : 20. Il se croyait aussi capable de séduire ou de dominer les gens, ce qui est une autre paire de manches.
Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 57. ♦ Pronom : 21. Tout-à-l'heure ils me montraient la cire dans un état, maintenant ils me la montrent dans un autre, ...
Cousin, Hist. de la philos. du XVIIIes.,1829, p. 213. 22. Mais si vous le mettez sans rien dire en rapports avec une jeune fille bien choisie, il est possible qu'il s'éprenne d'elle. Et d'ailleurs, si la première ne réussit pas, vous pouvez toujours en essayer une autre.
Maurois, Ariel ou la Vie de Shelley,1923, p. 50. − Fam. [Autre (souvent précédé de tout) joue dans certains cas le rôle d'un compar.] ♦ [Le ton d'admiration peut contribuer à lui donner la valeur d'un compar. de supériorité] Mais c'est un (tout) autre livre! C'est un livre bien supérieur. C'est devenu un (tout) autre homme! C'est devenu un homme de valeur supérieure. Le deuxième membre de la comparaison n'est pas exprimé, il est fait référence à la situation de discours qui permet de taire ce qui est censé présent à l'esprit de l'interlocuteur. ♦ [Le ton de mépris peut, à l'inverse, conférer une idée d'infériorité] P. ext., arg. Vous en êtes un autre. Signifie ,,j'en ai autant à votre service. Riposte digne et pacifique convenant à la plupart des injures usuelles`` (Ed. 1967). ♦ [Suivi d'un nom propre de pers.] C'est un autre Bossuet. C'est un homme qui a les mêmes qualités, le même style oratoire que Bossuet, c'est un deuxième Bossuet. Toutefois, dans cet emploi, l'emploi de que comparatif n'est pas possible. b) [Dans une phrase négative et introd. par de] − [Le compar. est exprimé] Que se confond alors avec le tour à valeur exceptive ne... que. ♦ Adjectif : 23. Et tout est là, il n'y a, dans le monde, pas d'autre volonté que cette force qui pousse tout à la vie, à une vie de plus en plus développée et supérieure.
Zola, Le Docteur Pascal,1893, p. 45. 24. Ce que disait Weiss : « Rousseau, Montesquieu nous feraient croire qu'il n'est au monde d'autres partis que les libres penseurs et les superstitieux, les démocrates et les aristocrates, les royalistes et les républicains.
Barrès, Mes cahiers,t. 13, 1920-21, p. 8. ♦ Pronom : 25. − Achetez-le toujours. Si ce n'est pas moi... ce sera une autre ...
− Non... non, faut que ce soit vous... Il n'y en a pas d'autre que vous... J'ai les sangs tournés de vous... Mais vous vous méfiez de moi...
Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 215. 26. Oui, vous êtes l'homme dont j'ai besoin et je n'en connais pas d'autre que vous.
Camus, Les Possédés,adapté de Dostoïevski, 1959, p. 1060. − [Le compar. n'est pas exprimé] ♦ Adjectif : 27. Elle reprit : « Ne dirait-on pas un châtiment? Je n'ai jamais eu d'autre enfant. »
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, L'Abandonné, 1884, p. 468. 28. Ou bien elle commençait quelque romance allemande, qui leur mettait les larmes aux yeux, et, pendant de longs moments, ils balançaient en mesure leurs bustes enlacés, et mêlaient leurs haleines, sans désirer d'autres joies.
R. Martin du Gard, Les Thibault,Le Pénitencier, 1922, p. 773. ♦ Pronom : 29. Je n'ai qu'un but et n'en puis avoir d'autre.
Senancour, Rêveries,1799, p. 6. 30. − Vous vous fichez de moi, patron! Qu'est-ce qui me prouve qu'il tient le litre, votre litre blanc?
− Monsieur! Je n'en ai pas d'autre.
Romains, Les Copains,1913, p. 5. Rem. 1. Lorsque autre est régime d'une prép. et suivi du que compar., la répétition de la prép. devant le subst. ou le pron. introd. par que est facultative. Toutefois l'omission prévaut le plus souvent. 2. Autre (I A) s'oppose à le même, qui pour des raisons d'oppos. à même « ipse » ne peut pas se construire sans art. (on dit cependant une même chose, mais rarement). B.− [Ne pouvant pas être suivi de que compar., mais susceptible d'être empl. en corrélation avec la prép. ou à valeur exclusive] La seconde partie est une série close à l'intérieur d'un ensemble à deux termes. 1. [Précédé d'art. déf., d'adj. poss. ou dém.] a) Adjectif : 31. − (...) par ces mesures vous exhérédez complètement vos (...) autres enfants. Ils portent votre nom. Ne fussent-ils que les enfants d'une femme autrefois aimée (...) ils ont droit à une certaine existence.
Balzac, Gobseck,1830, p. 421. 32. Elle leva la main prête à le gifler mais il paralysa cette autre main. Maintenant il lui faisait mal. Il sentait qu'il lui faisait mal.
Saint-Exupéry, Courrier Sud.,1928, p. 29. − [L'autre suivi d'un subst. ou d'un adv. de temps : jour, mois, année, soir...] En liaison avec un verbe au passé, indique un passé généralement assez proche, déterminé, mais dont on juge inutile de préciser la date ou le moment. (S'oppose à : nous verrons cela un autre jour, une autre fois, cf. supra I A 2 a). L'autre jour, l'autre soir, l'autre année : 33. Un ordre de la reine nous vint l'autre mois...
J. Laforgue, Moralités légendaires,1887, p. 92. Rem. Arch. l'autre hier at; . fr. autrier, altrier « avant hier » : 34. Je vais chez M. Mole entre deux, et Mmede Tascher m'a fait l'autre hier dîner avec le girondin ultra-gouvernemental, ...
Sainte-Beuve, Correspondance gén.,t. 3, 1818-69, p. 46. b) Pronom : 35. ... au-dessous du chemin de traverse qu'elle avait pris pour arriver plus tôt au bord du lac, (...), tandis que Dougal arrivait ordinairement par l'autre, chargé des plus beaux poissons, surtout lorsqu'il amenait un hôte à la chaumière.
Nodier, Trilby,1822, p. 191. 36. C'était un autre qui l'inquiétait, qu'il surveillait intensément, bien qu'il ne le regardât jamais. Cet autre-là, on ne l'appelait que Raboliot.
Genevoix, Raboliot,1925, p. 25. ♦ Un jour ou l'autre (mis pour un autre). Dans un avenir indéterminé. D'un jour, d'un instant, d'un moment... à l'autre. Indique un laps de temps séparant un jour, un instant, un moment... d'un autre jour, d'un autre instant, d'un autre moment (mais avec la valeur de celui qui suit immédiatement le premier). Rem. Le pron. autre peut s'employer avec le dém. renforcé par là : cet autre là (cf. ex. 36). 2. [Empl. conjointement avec l'un; toujours sous la forme du pron.] a) L'un(e)... l'autre, les un(e)s... les autres. Indique l'opposition entre deux personnes ou deux groupes de personnes, entre deux choses ou deux groupes de choses : 37. Les deux infortunées étant convenues d'un endroit au désert, s'y rendirent pendant trois nuits de suite. L'une apportoit son enfant mort, l'autre son enfant vivant; l'une son Manitou, l'autre sa Fétiche.
Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 1, 1803, p. 229. − Marque la réciprocité qui est (ou doit être) établie. Aimez-vous les uns les autres : 38. Catholique il [Napoléon] l'est devenu surtout lorsqu'il eut compris que catholicisme et christianisme s'excluaient l'un l'autre, que catholicisme signifiait universalité, et que, Rome, c'était l'empire.
J.-R. Bloch, Destin du Siècle,1931, p. 257. b) L'un(e)... l'autre, l'un et l'autre, littér. Les deux ensemble, l'un étant équivalent de l'autre : 39. Puis le père rentra; il mit son cheval à l'écurie, revint, chaussa ses sabots; l'un, l'autre sonnèrent sur les dalles.
Pourrat, Gaspard des montagnes,La Tour du Levant, 1931, p. 19. 40. En réalité, ce n'est pas l'empirisme seul que nous visions. Il faut maintenant faire voir que son antithèse intellectualiste se place sur le même terrain que lui. L'un et l'autre prennent pour objet d'analyse le monde objectif qui n'est premier ni selon le temps ni selon son sens, ...
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, p. 34. c) L'un(e) + prép. + l'autre. L'une après l'autre, courir de l'un à l'autre, animés l'un contre l'autre, se précipitant les uns sur les autres, être faits l'un pour l'autre, etc. Rem. Selon le sens qu'elles prennent dans le discours, les expr. l'un et l'autre, ni l'un ni l'autre peuvent être suivies d'un verbe conjugué à la 3epers. du singulier. L'un et l'autre y a manqué (Ac. 1798-1932); ni l'un ni l'autre ne viendra (Ac. 1835-1932). 3. [Précédé des pron. pers. nous ou vous : pron. déterminés comme le, qu'ils supplantent en l'intégrant (en y substituant une idée de 1reou 2epers.)] Nous ou vous + autres (suivis ou non d'un subst.) indiquent l'appartenance à un groupe dont nous faisons (ou vous faites) partie et qui, ainsi mis en évidence, s'oppose à un autre groupe. a) Adjectif : 41. Nous autres femmes, nous n'avons que faire des gens d'esprit.
Barrès, Mes cahiers,t. 3, 1903-1904, p. 85. b) Pronom : 42. − Bon appétit, là-haut, cria l'homme; nous autres, on dîne.
Schwob, Le Livre de Monelle,1894, p. 55. Rem. Ces tours sont fam.; en revanche le tour eux* autres est populaire. C.− Loc. figée. D'autre part. [Précédé ou non de d'une part] Permet d'ajouter une précision, d'envisager un problème sous un angle différent : 43. ... en régime capitaliste une entreprise industrielle n'est-elle pas une ruche composée d'une part de travailleurs salariés et d'autre part de capitaux unis en sociétés, ...
Maritain, Humanisme intégral,1936, p. 178. 44. Antoine écoutait. Non sans émotion : il éprouvait maintenant une sorte de curiosité pour les histoires de maladie, de mort. D'autre part, ce bavardage le dispensait de parler.
R. Martin du Gard, Les Thibault,Épilogue, 1940, p. 780. Rem. Au xixes., autre part était souvent précédé soit de l'art. déf. : de l'autre part (J.-B. Lamarck, Philos. zool., t. 1, 1809, p. 80), soit de l'art. indéf. : d'une autre part (Chateaubriand, Génie du Christianisme, t. 1, 1803, p. 412). D'une ou d'autre part est également attesté (Lemercier, Pinto, 1800, II, 1, p. 43). Le tour d'une part... de l'autre est encore empl. de nos jours et est l'équivalent de d'une part..., d'autre part : 45. Donc, d'une part, la masse et l'étendue d'un spectacle qui s'adresse à l'organisme entier; de l'autre, une mobilisation intensive d'objets, de gestes, de signes, utilisés dans un esprit nouveau.
A. Artaud, Le Théâtre et son double,1939, p. 104. II.− Nominal A.− [Désignant une pers.] 1. Au sing. a) [Autre précédé d'un art. indéf., d'un adj. interr.] : 46. Redoutable ennemi de notre liberté, (...), quel autre que vous aurait assez d'assurance pour tromper perpétuellement le peuple, quel autre que vous aurait assez d'astuce pour l'enchaîner, quel autre que vous aurait assez de tenue pour ne point lâcher prise?
Marat, Les Pamphlets,Nouv. dénonciation contre Necker, 1790, p. 195. 47. ... ne cherchez plus, car celle que vous trouveriez désormais ne serait qu'une autre, une pauvre autre.
J. Laforgue, Moralités légendaires,1887, p. 79. 48. − La Transocéanique vous donne le commandement de l'Étoile des mers. Il faut accepter.
− Non.
Il était sorti en claquant la porte. Un autre se serait confondu en remerciements. Mais il n'y en avait pas deux comme Davis.
Peisson, Parti de Liverpool,1932, p. 12. 49. yvonne. − Eh bien, par exemple, c'est une chance que le vieux ait été Georges.
georges. − Merci beaucoup.
yvonne. − Parce que si le vieux avait été un autre, un vrai autre, je connais Georges... Je te connais... Tu te serais laissé attendrir et tu aurais manqué de poigne.
Cocteau, Les Parents terribles,1938, III, 2, p. 277. ♦ Tu me prends pour un autre. Tu me crois bien naïf. b) L'autre : 50. ... M. Eyssette, heureux et désolé du même coup, se demandait comme l'autre, s'il devait pleurer (...) ou rire pour l'heureuse arrivée du petit Daniel...
A. Daudet, Le Petit Chose,1868, p. 10. ♦ Fam. Comme dit l'autre : 51. Je plaisante, mais vous savez, comme dit l'autre, un rien suffit à changer le cours des choses.
Prévert, Paroles,1946, p. 16. − PHILOS. Contraire du Même : 52. ... autrui, c'est l'autre, c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi...
Sartre, L'Être et le Néant,1943, p. 285. 53. ... pendant son travail, l'esprit se porte et se reporte incessamment du Même à l'Autre; et modifie ce que produit son être le plus intérieur, par cette sensation particulière du jugement des tiers.
Valéry, Introd. à la poét.,1938, p. 18. − Vx. L'Autre ♦ Satan : 54. ... il prononça hardiment la formule bien connue :
− Si tu es de Dieu, parle; si tu es de l'Autre, laisse-nous en paix.
Mérimée, Mosaïque,1833, p. 53. 55. Alors Satan (...) regarda les maisons des Frères. (...).
− Parce que je suis l'Adversaire et parce que je suis l'Autre, je tenterai ces moines...
A. France, Le Puits de Sainte Claire,1895, p. 157. ♦ Usité à la Restauration, Napoléon Ier(l'autre souverain p. oppos. à Louis XVIII) : 56. M. de Saint-Robert était, du temps de l'Autre, officier supérieur dans un régiment de la vieille.
Couailhac (Larch. 1880). 2. Au plur. : 57. Ah! Vraiment! Les éternels autres commencent à m'embêter! Je fais toujours tout pour eux et je ne vois pas qu'ils fassent quelque chose pour moi.
Flaubert, Correspondance,1880, p. 401. 58. Je me bornai à exposer la façon dont je conçois la vérité de cette heure, et ma définition, loin que je puisse l'imposer à aucun, ne saurait être appréciée que de qui partage mon sentiment. Tous autres s'en choqueraient, comme vous faites, Monsieur.
Barrès, L'Ennemi des Lois,1893, p. 16. ♦ À d'autres : 59. − Monsieur, je vous jure...
− À d'autres! reprend le directeur, les yeux humectés et avec un mélancolique sourire.
Villiers de L'Isle-Adam, Contes cruels,Deux augures, 1883, p. 48. B.− [Désignant une chose] 1. Loc. [Dans ces loc., autres, le plus souvent au plur., est mis pour autres choses] ♦ Fam. En dire, en entendre, en voir (bien) d'autres : 60. − Tu en entendras bien d'autres, si tu vis longtemps, continua paisiblement le marquis.
Bernanos, Sous le soleil de Satan,1926, p. 88. 61. − Pour moi? Oh! Moi, j'en ai vu d'autres! S'il n'y avait que moi en jeu.
Arland, L'Ordre,1929, p. 526. ♦ N'en faire jamais d'autres : 62. ... on vous prendra pour une de ces bourgeoises tout étonnées de se trouver ici (...). Cette folle de grande maîtresse n'en fait jamais d'autres!
Stendhal, La Chartreuse de Parme,1839, p. 449. ♦ Causer de choses et d'autres. Bavarder à bâtons rompus : 63. M. Élie ne répondit pas, et bientôt ils causèrent de choses et d'autres.
Montherlant, Les Célibataires,1934, p. 779. ♦ Entre autres : 64. MmeH. m'a joué d'infâme musique moderne, entre autres, comme régal, les deux morceaux que les voisines du jardin ont écorchés tout l'été.
E. Delacroix, Journal 1,1852, p. 191. ♦ Vieilli. En voici bien d'une autre. Voici une chose bien étonnante : 65. − En voici bien d'une autre, dit-il en le retirant [son filet], et en dégageant de ses mailles une boîte d'une forme élégante et d'une matière précieuse qu'il crut reconnaître à sa blancheur si éclatante et à son poli si doux pour de l'ivoire incrusté de quelque métal brillant, ...
Nodier, Trilby,1822, p. 185. ♦ L'un dans l'autre. En faisant la moyenne (Ac. 1835-1932) donnent avec le même sens l'un portant l'autre. Ces deux fermes rapportent, l'une dans l'autre, tant par an (Ac.1878-1932). Rem. Dans l'ex. suiv., l'un... l'autre paraît signifier « d'un côté... de l'autre » : 66. Cependant il faut que tu me permettes de te dire que j'aurai toujours du chagrin du peu de désir de me revoir que tu as montré à moi, et à mes amis. Comme sentiment l'un, et comme amour-propre l'autre, j'en ai ressenti de la peine. Enfin, n'en parlons plus.
Mmede Staël, Lettres de jeunesses,1790, p. 417. 2. PSYCHANAL. L'Autre. Lieu de l'Inconscient qui ,,pour le sujet parlant (...) passe par les lois du langage avec ce qu'elles fondent des catégories du Symbolique, de l'Imaginaire et du Réel. (...). L'Autre, notion fondamentale, est donc (...) désigné comme le lieu de la Parole, où la métonymie introduit le manque-à-être comme signifiant du Désir`` (Lafon 1969) : 67. ... nous tirons des Autres presque tout le nécessaire, le langage aussi bien que le pain, et beaucoup d'images de nous, qui se peignent dans leur regard, dans leur conduite, leurs paroles et leurs silences. Un miroir est l'un de ces Autres.
Valéry, Mauvaises pensées et autres,1942, p. 73. C.− Loc. nom. Autre chose. 1. Une chose différente : 68. Un grand homme à bésicles qui m'avait tout l'air d'un candidat d'institut ne supposait pas qu'on pût s'occuper d'autre chose que de la maladie d'un académicien septuagénaire.
Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 2, 1812, p. 155. 69. Aimer avec la partie de l'âme qui est située de l'autre côté du rideau, car la partie de l'âme qui est perceptible à la conscience ne peut pas aimer le néant, elle en a horreur. Si elle croit l'aimer, ce qu'elle aime est autre chose que le néant.
S. Weil, La Pesanteur et la grâce1943, p. 114. ♦ Rien autre chose. Rien d'autre (cf. supra I B 3). Sert à exclure toute possibilité différente : 70. Convaincus de cette vérité, que l'opinion qu'un peuple a du caractere de sa religion, ne prouve rien autre chose que sa croyance, et n'en change pas la nature, nous porterons nos recherches jusque dans les sanctuaires de Rome moderne, ...
Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 290. 71. Qui s'aveugle volontairement sur le prochain, sous prétexte de charité, ne fait souvent rien autre chose que de briser le miroir afin de ne pas se voir dedans.
Bernanos, Dialogues des Carmélites,1948, p. 1585. ♦ Autre chose. S'emploie dans une discussion pour aborder un suj. différent. 2. [Introduisant des prop. que l'on veut opposer] : Autre chose..., autre chose... : 72. Mais autre chose est défendre sa patrie, autre chose attaquer des peuples qui ont aussi une patrie à défendre.
Constant, De l'Esprit de conquête,1813, p. 164. − Dans ce cas, l'omission de chose est courante : 73. En effet, on pourroit supposer, avec quelque vraisemblance, qu'il est moins difficile de faire les cinq actes d'un Œdipe-roi, que de créer les vingt-quatre livres d'une Iliade : autre est de produire un ouvrage de quelques mois de travail; autre d'élever un monument qui demande les labeurs de toute une vie.
Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 1, 1803, p. 277. Rem. On rejoint dans ce cas l'emploi attributif cité plus haut (I A c) : 74. Autre est mon ami au bal à Paris, et autre mon ami dans les forêts d'Amérique.
Stendhal, Hist. de la peint. en Italie,t. 2, 1817, p. 98. PRONONC. : [o:tʀ
̥]. Enq. : /otʀ, D/. ÉTYMOL. ET HIST.
I.− Pronom. 1. a) 2emoitié xes. altre « le reste d'un ensemble dont les premiers éléments ont été déjà été considérés » (Saint Léger, 205 ds A. Henry, Chrestomathie de la litt. en a. fr., I, 12 : Cil Laudeberz, qual hora. 1 vid, Torne s'als altres, si llor dist : Ciest omne tiel mult aima Deux); b) ca 1100 bien des altres « beaucoup d'autres » (série ouverte opposée au premier élément considéré) (Roland, éd. Bédier, 108 : La u cist furent, des altres i out bien); fin xves. d'aultres (Ph. de Commines ds E. Gamillscheg, Historische Französische Syntax, Tübingen, 1957, p. 84 : Je fus d'opinion et d'aultres aussi); 2. fin xes. « le deuxième, le ou les suivants (p. oppos. à l'un ou les uns) » (Passion, 289, éd. Bartsch, Chrestomathie, pièce 5, 173 : Ensobre toz uns dels ladruns El escarnïe rei Jhesum. Respondet l'altre 'mal i diz'); 3. fin xves. les autres « le prochain, autrui » (Ph. de Commynes, Mémoires, VI, 11 ds Dict. hist. Ac. fr. : Il n'est nul homme, de quelque dignité qu'il soit, qui ne souffre, ou en secret ou en public, et par especial ceulx qui font souffrir les aultres).
II.− Adj. 1. ca 1040 « qui n'est pas le même » (Alexis, 60, 296, éd. Christopher Storey : En l'altra voiz lur dist altra summunse); 2. ca 1040 « différent (avec une valeur qualificative) » en attribut (Alexis, 32a, éd. G. Paris et L. Pannier ds T.-L. : Ne pot estre altre); 3. 1160-74 avec une notion de temps, indique un moment passé ou futur (Wace, Rou, éd. H. Andresen, I, 637 ds T.-L. : el demain, a l'altre nuit); 4. ca 1100 d'altre part « d'un autre côté » (Roland, éd. Bédier, 916 : D'altre part est Turgis de Turteluse); 5. a) 1220 loc. autre chose « qqc. de différent, qui est à l'opposé » (Ogier le Danois, 181, éd. J. Barrois ds T.-L. : Que font a Rome..., Come se tienent li baron chevalier...? Cil dïent : sire, autre chose que bien); b) 1539 autre répété pour renforcer une opposition (Est., p. 50 : C'est autre chose de mesdire d'aucung, & autre chose de l'accuser); 6. xiiies. renforce un pron. pers., distingue le groupe représenté par le pron. (souvent en l'opposant au reste) (Joinville, § 57 ds Nyrop t. 5, p. 214, § 178, rem. : Messires de Neelle et li bons cuens de Soissons et nous autre qui estiens entour li); 7. 1370 « distinct mais semblable, deuxième du même type » (N. Oresme, Ethiques d'Aristote, 282 ds Littré : Et nous disons que ami est aussi comme autre soy meisme); 8. 1690 « différent par une certaine supériorité » (Fur.).
Du lat. alter; I emploi pronom., désigne le deuxième élément d'un ensemble de deux éléments (Plaute, Poen., 1095 ds OLD, 108), à rapprocher de I 2 unus ... alter (Id., Poen. 919 ds TLL s.v., 1742, 48), également attesté pour désigner le reste d'un ensemble dont un élément a déjà été considéré (Accius, Trag., 345 ds TLL s.v., 1737, 64) et au sens de « autrui » (cf. I 3) (Q. Ennius, Sat., 59, V ds TLL s.v., 1737, 54); II emploi adj., sert à désigner le deuxième élément d'un ensemble de deux éléments (Naevius, Com., 18 ds OLD, 107), sert à désigner un élément distinct d'un ensemble non limité à deux éléments (Plaute, Most., 778 ds TLL s.v., 1733, 33), attesté comme synon. de alius (Ovide, Fast., 3, 625 ds TLL s.v., 1736, 6), attesté avec une notion de temps (II 3) (César, Gall., 3, 30, 6 ds TLL s.v., 1736, 52), attesté pour désigner un autre élément du même type (II 6) (Cicéron, Att., 3, 15, 4 ds TLL s.v., 1735, 71) et dans l'expr. altera pars (cf. autre part, II 4) pour désigner la partie adverse (Cicéron, Inv., 1, 83 ds TLL s.v., 1737, 8) puis plus gén. l'autre côté (César, Gall., 7, 48, 1, ibid., 16). STAT. − Fréq. abs. littér. : 164 791. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 235 254, b) 209 545; xxes. : a) 231 894, b) 248 359. BBG. − Brault (G. J.). Anc. fr. de l'un en l'autre. Romania. 1967, t. 88, no1, pp. 84.90. − Cohen 1946, p. 56. − Dem. 1802. − Éd. 1967. − Foulq-St-Jean 1962. − Goblot 1920. − Harris (M. R.). Fr. autre, a classificational crux. Rom. Philol. 1968, t. 21, no4, pp. 450-462. − Kjelman (H.). Autre, si, aussi, ainsi. Ét. de synt. hist. Studier i modern Sprakvetenskap. 1924, t. 9, pp. 147-198. − Krappe (H.). L'Autre. Fr. R. 1943/44, t. 17, pp. 145-148. − Lafon 1969. − Lal. 1968. − Larch. 1880. − Larch. Suppl. 1880. − La Rue 1954. − Le Roux 1752. − Marshall. (F. W.). Les Poésies de Blondel de Nesle. Une ét. du lex. d'après l'examen des mss, pp. 36-37 (Thèse Univ. Paris, 1968). − Noter-Léc. 1912. − Orr (J.). Autre = outre? Fr. mod. 1936, t. 4, pp. 283-285. − Orr. (J.). Autre, outre..., et foutre. R. Ling. rom. 1933, t. 9, pp. 52-85. − Pierreh. 1926. − Pierreh. Suppl. 1926. − Piguet 1960. − Vinc. 1910. |