| AUTOCHTONE, adj. A.− Rare. Qui est issu, sorti de la terre (même), du sol. 1. [En parlant de plantes, en partic. de la vigne] :
1. ... je l'ai dit, notre vigne est toujours menacée. On le sait, les vieux plants autochtones, purs de souche, ont péri. Le vignoble français est reconstitué aujourd'hui soit en racinés-greffés, soit en hybrides.
Pesquidoux, Le Livre de raison,1925, p. 73. − P. plaisant. : 2. Évidemment il [le frère de Tharaud] regrettait ses pirates! Ceux-là du moins c'était quelque chose qu'on avait vu ici de tout temps, un produit autochtone, un fruit naturel du sol.
J. et J. Tharaud, Paris-Saïgon dans l'Azur,1932, p. 235. 2. [En parlant d'un homme] Vx, littér. : 3. Les premiers Italiens doivent avoir été les opici, hommes de la terre (ops), autochtones, aborigènes.
Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 25. B.− Courant 1. Originaire du lieu où il vit. a) [En parlant de races, de peuples, de populations, etc.] :
4. Aussi haut que vous remontez dans l'histoire de la Grèce (...) vous trouvez autochtone ou venue d'ailleurs à telle ou telle époque, une population, une sans doute, mais composée de tribus différentes; ...
Cousin, Cours d'hist. de la philos. mod.,t. 2, 1847, p. 158. b) [En parlant d'une pers.] Originaire du lieu (pays, contrée, région, par affaiblissement ville, village) où il habite et que ses ancêtres ont également habité : 5. Entre le projet des Occidentaux ex-colonisateurs et l'immobilité, apparente pour l'Occidental, du fellah s'interposent en fait, et doivent s'interposer même dans l'ordre de la seule productivité économique, les projets des élites autochtones et locales qui peuvent seules inventer les temps sociaux, les rythmes et les risques sociologiquement tolérables.
Perroux, L'Écon. du XXes.,1964, p. 252. − Emploi subst. Un, une autochtone. Personne née dans le pays même où elle habite, dont les ancêtres ont vécu dans le pays : 6. Les Blancs n'ont jamais pu gagner le cœur de l'Asie, bien que se cramponnant désespérément à de maigres établissements provisoires en bordure des plages, où ils ouvraient des comptoirs de troc et d'échange sur toute la périphérie de l'immense continent, sans arriver à exterminer ses multitudes d'autochtones comme ils ont pu le faire ailleurs, par le fer et par le feu, en Amérique du Nord et en Australie dans les temps modernes, ...
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 184. c) [En parlant d'un idiome, lang., dial.] Parlé depuis très longtemps dans ce pays, cette région, etc. : 7. ... études que j'avais faites, jeune encore, sur une langue primitive, ou au moins autochtone, ...
Nodier, Smarra,1821, p. 18. 2. [En parlant d'un lieu habité, d'un pays, d'une ville ou de l'une de ses parties considérées sous l'angle des individus qui y vivent] a) Constitué par les autochtones, habité principalement par les autochtones (supra 1 b). Îles restées autochtones : 8. La plupart des maisons du Haut-Angoulême sont habitées ou par des familles nobles ou par d'antiques familles bourgeoises qui vivent de leurs revenus, et composent une sorte de nation autochtone dans laquelle les étrangers ne sont jamais reçus. À peine si, après deux cents ans d'habitation, si après une alliance avec l'une des familles primordiales, une famille venue de quelque province voisine se voit adoptée; aux yeux des indigènes elle semble être arrivée d'hier dans le pays.
Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 37. b) Propre à ses habitants (aux autochtones). L'esprit autochtone c) Vx, rare. Propre aux ancêtres qui ont vécu dans ce pays, cette région, etc. Patrie autochtone. Terre des ancêtres : 9. Là, entre Vienne, Paris et Rome, la nature est encore entendue, l'homme est encore simple. Pasteurs d'Hasly et d'Underwalden, que vos fils soient long-tems semblables à vous, comme vous l'êtes à vos ancêtres dans la permanence de votre patrie autochtonne. Hommes d'Uri et d'Underwalden, vous êtes seuls restés à la nature, comme un monument vénérable des mœurs effacées, des formes primitives, et de plusieurs vérités méconnues.
Senancour, Rêveries,1799, p. 230. 3. Spéc., GÉOL. [En parlant de terrains] ,,Originaire des lieux mêmes, formé sur place`` (Plais.-Caill. 1958) (p. oppos. aux nappes de charriage). C.− Au fig. [En parlant de choses abstr., acte, pensée, qualité, etc.] 1. Propre à un pays, à une région, à ses habitants. Anton. étranger : 10. La fierté fut toujours notre besoin, et le mouvement révolutionnaire n'a jamais eu en ce pays d'autre fin que d'épargner à tout homme la honte. L'un des plus grands malheurs qui pourraient arriver à ce pays serait que la révolution cessât d'y être un mouvement propre, autochtone, jailli du cœur même des paysans et des ouvriers et y parût un mouvement étranger. Nous n'avons, quant à la révolution, rien à apprendre de personne. Nous n'avons à nous inspirer d'aucune pensée étrangère. Elle a été pensée dans ce pays avec plus de lucidité que nulle part ailleurs dans le monde.
Guéhenno, Journal d'une« Révolution », 1938, p. 203. 2. Issu de la personne même, sans influence étrangère, sans emprunt : 11. Oh! Qu'en ce monde, même en ce monde de la pensée, en ce pays des lettres, la pensée est peu individuelle, personnelle et, pour ainsi dire autochtone chez l'homme! Elle vient des livres, des préjugés. Elle est faite d'alluvions, comme la cervelle de Prudhomme.
E. et J. de Goncourt, Journal,1859, p. 616. 12. ... une action gratuite? Comment faire? Et comprenez qu'il ne faut pas entendre là une action qui ne rapporte rien, car sans cela... Non, mais gratuit : un acte qui n'est motivé par rien. Comprenez-vous? Intérêt, passion, rien. L'acte désintéressé; né de soi; l'acte aussi sans but; donc sans maître; l'acte libre; l'acte autochtone?
Gide, Le Prométhée mal enchaîné,1899, p. 305. PRONONC. ET ORTH. : [otɔktɔn] ou [ɔ-]. Passy 1914, Harrap's 1963, Dub. et Pt Lar. 1968 transcrivent uniquement [o] fermé pour l'initiale (cf. les dict. hist.). Passy note une durée mi-longue pour cette syll. Barbeau-Rodhe 1930, Pt Rob. et Warn. 1968 donnent les deux possibilités de prononc. Passy admet également la prononc. par [o:] fermé long de la 3esyll. : -to:n. Dub. ne transcrit que [o] pour la finale, Harrap's [o:]. À comparer avec le reste des dict. qui notent tous [ɔ] ouvert (cf. aussi DG). À ce sujet, cf. Buben 1935, p. 112, § 116. Ac. 1798 écrit autocthone. Ac. 1835 et Ac. Compl. 1842 écrivent autochtone. Cf. aussi Nod. 1844, Besch. 1845 et Lar. 19e. Gattel 1841 admet autochthone ou autocthone. La forme mod. paraît ds Ac. 1878. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1559 subst. hist. anc. (Amyot, trad. de Plutarque, Vies : Theseus ds Dict. hist. Ac. fr. : Des premiers habitans qui tindrent le pays d'Attique, lesquels on a depuis apellez autochtones, qui vaut autant dire comme, nez de la terre mesme, pour ce que il n'est point de memoire qu'ils soyent onques venus d'ailleurs); p. ext. 1798 (Ac. [...] n'est usité qu'en parlant des Grecs, ou d'après eux, pour désigner Les premiers habitans d'un pays, et les distinguer des peuples venus d'ailleurs s'établir dans le même lieu. Ce terme a le même sens que celui d'Aborigène); 2. 1835 adj. (Ac. Autochtone [...] Il est aussi quelquefois adj. des deux genres. Un peuple autochtone); 1841-46, p. ext., « qui est du pays même » supra. Relation autochtone-aborigène ds Littré : « Entre autochthone et aborigène il n'y a que cette différence-ci, et qui est purement étymologique : autochtone rappelle à l'esprit l'opinion antique que l'homme naquit de la terre, tandis que aborigène n'implique rien sur la question d'origine. »
Empr. au gr. α
υ
̓
τ
ο
́
χ
θ
ω
ν « issu du sol même, indigène (en parlant des Athéniens) », (Euripide, Ion., 29, 589, 787 ds Bailly); d'une manière générale (Hérodote, 1, 171, ibid.). STAT. − Fréq. abs. littér. : 91. BBG. − Baulig 1956. − Bouillet 1859 (s.v. autochthone). − Colas-Cab. 1968. − Forest. 1946. − Garnier-Del. 1961 [1958]. − George 1970. − Husson 1970. − Littré-Robin 1865 (s.v. autochthone). − Méd. Biol. t. 1 1970. − Piéron 1963. − Plais-Caill. 1958. − Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. Rem. lexicogr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 355. − Spr. 1967. |