| AUTEL, subst. masc. I.− RELIGION A.− [Dans l'Antiq.] 1. Tertre, table exhaussée sur lesquels on déposait les offrandes à la divinité, on offrait les sacrifices aux dieux : 1. Ces tumulus restés blancs, malgré les années, de la blancheur du corail, et surmontés de grands arbres noirs, − évoquent les souvenirs de la terrible religion du passé; c'étaient aussi les autels où les victimes humaines étaient immolées à la mémoire des morts.
Loti, Le Mariage de Loti,1882, p. 88. 2. Les iahvéistes d'Israël (...) avaient pour principe fondamental que l'autel doit être en plein air et formé de pierres non dégrossies. D'autres fois, l'autel n'était qu'un entassement de mottes de terre.
E. Renan, Hist. du peuple d'Israël,t. 2, 1889, p. 258. SYNT. Autels funéraires. Autels érigés sur la tombe des morts. Autels votifs. Autels consacrés à une divinité en reconnaissance de bienfaits reçus. − P. anal. [Religions animistes, etc.] Tout dispositif remplissant une fonction religieuse semblable. 2. P. métaph. ou au fig. a) Autel, symbole d'adoration, d'idolâtrie, de culte, de vénération, d'amour : 3. Ô femme! Étrange objet de joie et de supplice!
Mystérieux autel où, dans le sacrifice,
On entend tour à tour blasphémer et prier!
Musset, Rolla,1833, p. 20. 4. ... le rocher sacré de l'Acropole (...) resta debout comme l'autel du génie humain au milieu des solitudes et des ruines qu'avait faites la barbarie plus que le temps...
T. Gautier, Guide de l'amateur au Musée du Louvre,1872, p. 197. ♦ Dresser, élever des autels à qqn. Rendre à quelqu'un les honneurs que l'on voue à une divinité : 5. Et croit-on que les démagogues qui crient à la liberté lui élèvent un autel dans leur cœur?
Chateaubriand, Correspondance gén.,t. 2, 1789-1824. b) Autel, symbole de sacrifice, d'immolation : 6. Tous les mariages du monde se célèbrent d'une manière identique, avec le même cortège obligé de diners et de réceptions. Il n'y a de différence que dans la valeur de l'idéal sacrifié sur l'autel des convenances par la fiancée.
P. Bourget, L'Irréparable,1884, p. 130. 7. ... C'est un symbole ce mariage [de M. de Quinsac avec Camille Duvillard]. L'apothéose de la bourgeoisie (...) la vieille noblesse sacrifiant un de ses fils sur l'autel du veau d'or...
Zola, Paris,t. 2, 1898, p. 191. SYNT. Autel de la Patrie. Mourir sur l'autel de la Patrie. Mourir pour le salut de sa patrie : 8. C'est un grand thème cher aux poètes que celui des méditations de Julien [l'Apostat] (...) qui voulut défendre les autels de la patrie, quand les dieux de l'empire s'y mouraient.
Barrès, Mes cahiers,t. 9, 1912, p. 102. B.− [Culte chrét., et en partic. culte cath.] 1. Table où l'on célèbre le sacrifice de la messe : 9. Enfin, je dus prendre à moi tout seul le fils d'Yves, que je tremblais de briser dans mes mains inhabiles, monter les marches de l'autel avec ce précieux petit fardeau, et lui faire embrasser la nappe blanche sur laquelle pose le saint sacrement.
Loti, Mon frère Yves,1883, p. 198. 10. « Lorsque je regarde l'autel, ce ne sont pas des cierges allumés, des draps et des fleurs d'or, c'est la majesté romaine que je vois. Le prêtre, les fidèles, tous sont assemblés là en qualité de catholiques romains; autant dire, de Romains, n'est-ce pas? ... »
Larbaud, Fermina Marquez,1911, p. 125. SYNT. Maître-autel. Autel principal. Le sacrifice de l'autel. La messe. Le sacrement de l'autel. L'Eucharistie. S'approcher de l'autel. a) [En parlant du prêtre] Célébrer la messe. b) [En parlant des fidèles] Recevoir la communion. − En partic. L'autel devant lequel, généralement pendant la messe, se célèbre le mariage religieux. SYNT. Aller à l'autel. Se marier. Conduire, mener, suivre (celle qui sera son épouse, celui qui sera son époux) à l'autel. Épouser quelqu'un. 2. P. méton. La religion, le culte, l'Église, le clergé. a) Le trône et l'autel. Le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel, la monarchie et l'Église : 11. « ... ils vont la couvrir de moines et de prêtres, bien plus par hypocrisie que par ferveur, tant ils sont persuadés et tant il est vrai que le trône et l'autel sont des alliés naturels, indispensables pour enchaîner le peuple et l'abrutir... »
Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 816. b) Élever autel contre autel. Provoquer un schisme dans l'Église; p. ext. former une entreprise rivale. II.− P. anal., TECHNOL. [Dans une chaudière, un four] Demi-cloison en briques réfractaires établie au fond du foyer pour forcer la flamme à remonter avant de passer dans les tubes (d'apr. Soé-Dup. 1906). PRONONC. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [ɔtεl] ou [o-]. Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930, Pt Rob. et Warn. 1968 donnent les deux possibilités de prononc. Passy note une durée mi-longue sur la 1resyll. dans le cas de [o] fermé. Dub., Harrap's 1963 et Pt Lar. 1968 transcrivent uniquement [o]. Cf. aussi les dict. hist. Pour [ɔ] ouvert ou [o] fermé à l'initiale, cf. augmenter. Cf. aussi Buben 1935, p. 54, § 44. 2. Homon. : hôtel. Fér. Crit. t. 1 1787 souligne au sujet du mot : ,,Il difère d'hôtel et pour l'orthogr. et pour la prononc. et pour la signification``. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) Au propre, fin xies. alter « (dans la relig. chrét.) table où l'on célèbre la messe » (Alexis, strophe 34, éd. Paris et Pannier, Paris, 1872, p. 147 : Deus fist l'imagene por soe amor parler Al servitor qui serveit al alter); ca 1100 autel « id. » (Roland, ms. Châteauroux, éd. Foerster, Heilbronn, 1883, p. 365 : mot riche ofrande a desus lautel mise); b) 1644 Antiq. « sorte de table destinée à l'usage des sacrifices » (Corneille, Pompée, III, 2 ds Littré : Cependant à Pompée élevez des autels; Rendez-lui les honneurs qu'on rend aux immortels); 2. a) av. 1662 fig. autel « symbole de la relig. chrét. et du ministère des prêtres » (Pascal ds Rich. 1680 : Il est juste que ceux qui servent à l'autel, vivent de l'autel); b) 1669 « symbole de la pers. aimée (lang. amoureux class.) » (Molière, Tartuffe, III, 3 ds Littré : Ils n'ont point de faveur qu'ils n'aillent divulguer, Et leur langue indiscrète, en qui l'on se confie, Déshonore l'autel où leur cœur sacrifie); c) 1674 (Boileau, Art poétique, IV, ibid. : A sa gloire en cent lieux fit dresser des autels).
Empr. au lat. altare, surtout au plur. en lat. class. altaria « lieu élevé réservé aux sacrifices » (Pacuvius, Trag. 233 ds TLL s.v., 1725, 68); empl. plutôt au sing. par les aut. chrét., en réf. à l'A. T. (Itala, Gen., 20, 24, ibid., 1727, 68) ou au culte chrét. (Tertullien, Orat., 11, ibid., 1728, 29); cf. avec 2 a, St Jérôme, Quaest. hebr. in gen., p. 71, ibid., 1728, 57. Le chang. de la finale -er (Alexis, supra) en -el est dû prob. à une substitution du suff. -el à la finale -er, rare dans des termes désignant des objets concrets (cette substitution s'explique peut-être par une attraction paronymique avec ostel « hôpital, hôtel » à une époque où les Hôtels-Dieu étaient des maisons religieuses); le chang. de suff. a pu être favorisé par la confusion des termin. -els et -ers devenues -er au cas suj. sing. et au cas régime plur. (cf. Ph. de Thaün, Bestiaire, éd. Walberg, 2267 : alters rimant avec tels; v. aussi Pope, § 398). STAT. − Fréq. abs. littér. : 3 286. Fréq. rel. littér. xixes. : a) 6 916, b) 5 207; xxes. : a) 5 088, b) 2 220. BBG. − Archéol. chrét. 1924. − Bach.-Dez. 1882. − Bal.-Maq. 1968. − Bible 1912. − Bouillet 1859. − Bouyer 1963. − Canada 1930. − Chabat 1881. − Chesn. 1857. − Cohen 1946, p. 53. − Dainv. 1964. − Darm. Vie 1932, p. 50. − Dheilly 1964. − Divin. 1964. − Dupin-Lab. 1846. − Duval 1959. − Encyclop. méthod. Mécan. t. 1 1782. − Foi t. 1 1968. − France 1907. − Gay t. 1 1967 [1887]. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 90. − Gruss 1952. − Jossier 1881. − Laborde 1872. − Lacr. 1963. − Larch. Suppl. 1880. − Lavedan 1964. − Le Roux 1752. − Marcel 1938. − Noël 1968. − Pol. 1868. − Pope 1961 [1952], § 398. − Soé-Dup. 1906. − St-Edme t. 2 1825. − Théol. bibl. 1970. − Théol. cath. t. 1, 2 1909. − Viollet 1875. |