| AUTANT, adv. I.− Adv. de compar. exprimant en phrase compar., explicite ou implicite, l'égalité de deux procès, quant à leur intensité, leur quantité ou leur valeur. A.− Autant est suivi d'une prop. complétive, d'un terme de compar. introd. par le corrélatif que. 1. [La compar. est explicite.] a) [La prop. princ. n'est pas attributive] − [Sans ell. dans la sub. compar.] :
1. Le café de Montmartre, avec ses grues-loteries à jumelles et à couteaux suisses, ses dixièmes de billets de la loterie nationale, ses caramels, ses brioches, ses petits jeux, son billard russe, ses briquets, tient à la fois du garage et du bazar. On y achète autant qu'on y boit, et Boubouroche ne s'y trouverait plus à l'aise.
Fargue, Le Piéton de Paris,1939, p. 45. Rem. L'expr. aimer autant + inf. (...) que (de) + prop. complétive ou inf., ou aimer autant avec ell. de la prop. complétive, exprime une nuance de préférence. « J'aime autant vous le dire » est proche de : « Je préfère vous le dire ». (Cf. aimer III B 1). − Fam. J'aime autant... que si : 2. − Tu gagnes point tes pâques. − Mais je donne de l'argent au bon Dieu. Peut-être qu'il aime autant ça que si je venais pieds nus.
Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 225. − [Avec ell. des termes autres que le suj.] :
3. J'avais renoué connaissance avec le vieil ami de mon père, qui jadis prenait soin de mes intérêts : ce fut chez lui que je vis la jeune personne pour laquelle je ressentis un amour qui devait durer autant que ma vie.
Balzac, Le Médecin de campagne,1833, p. 215. 4. Elle semblait y tenir à son mariage, la petite amie! Elle devait s'ennuyer ferme à Toulouse. Les occasions y étaient rares de rencontrer un garçon qui avait autant voyagé que Robinson.
Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 478. − [Avec ell. des termes autres que l'obj.] :
5. Elle apportait dans ses transports les moins modestes une câlinerie mignonne qui semblait témoigner de la sincérité de son sentiment autant que de la vivacité de son plaisir.
Milosz, L'Amoureuse initiation,1910, p. 115. − [Avec ell. des termes autres que le compl. circ.] :
6. Auprès de haricots, au milieu du printemps,
On le [le maïs] sème en un sol hersé légèrement.
Il croît sur la colline autant que sur la plaine
Et, s'il est abreuvé, dans l'argile ou l'arène.
Jammes, Les Géorgiques chrétiennes,Chants 1 à 2, 1911, p. 53. b) Rare. [La prop. princ. est attributive] − [Sans ell. dans la sub. compar.] :
7. Mon fils, celui que j'eus de l'amazone et que je chérissais entre tous, c'est Artémis la Chasseresse qu'il adorait. Il était chaste comme elle, autant qu'à son âge j'étais dissolu.
Gide, Thésée,1946, p. 1449. Rem. On emploie plus fréquemment le tour est aussi + adj. (...) que. − [Avec ell. des termes autres que le suj. ou le compl. circ.] :
8. Chaque jour elle s'affaiblissait et dépérissait comme dépérissent la plupart des femmes atteintes, à cet âge, par la maladie. Elle était frêle autant que les feuilles des arbres en automne.
Balzac, Eugénie Grandet,1834, p. 217. Rem. Cf. rem. supra. − Littér. [Avec ell. des termes autres que l'attribut] Il est modeste autant qu'habile (Ac.1835). Rem. Dans le cas des prop. attributives, l'adv. d'intensité porte, non pas sur l'adj. mais sur le syntagme verbal : verbe + attribut, + adj. attribut (rôle dévolu à l'adv. aussi). Il s'ensuit que : − Autant ne peut précéder immédiatement l'adj. : *Elle était autant pieuse que personne, mais on dit : Elle était pieuse autant que personne. − Autant ne peut modifier l'adj. épithète ou apposé; mais cet emploi, possible au xviies. survit sporadiquement dans la lang. du xixeet xxes. Âme douée d'une sensibilité humble autant que profonde (M. de Guérin, Journal intime, 1835, p. 202); beauté folâtre autant que sage (Béranger, Chansons, t. 3, 1829, p. 76) : 9. L'apparence corporelle de Don Léopold Auguste est réduite à son pourpoint rattaché par des aiguillettes au haut-de-chausses. Cela ne l'empêche pas, tout gonflé d'air et suspendu au bout d'une canne à pêche, d'exécuter dans la bonne brise de l'après-midi une espèce de danse personnelle autant majestueuse que gaillarde.
Claudel, Le Soulier de satin,1929, 3ejournée, 5, p. 792. c) [Autant déterminant d'un subst. précédé de la prop. de. L'adv. prend la valeur d'un déterminatif indéf. numéral ou quantitatif (cf. également I B 2 infra)] − Autant de + subst. que + prop. complétive à l'ind. ou au subj. : 10. ... le quotient est un nombre concret de l'espèce du dividende, et qui y est renfermé autant de fois que le diviseur contient l'unité : ...
Destutt de Tracy, Éléments d'idéologie,Idéologie, 1801, p. 197. − Spéc. [Déterminant d'un pron. à valeur nominale] Tous autant que vous êtes (pour marquer l'insistance). Rem. 1. Dans les prop. négatives, on peut employer tant au lieu de autant. Le tour est fam. 2. On peut dire également tous, tant que vous êtes. − Autant de + subst. (...) que de + subst. : 11. Votre article sur Volupté, mon cher Hippolyte, a rencontré autant d'admirateurs que de lecteurs; ...
M. de Guérin, Correspondance,1834, p. 180. 12. On coupait comme dans beaucoup de familles le pain, le saindoux, le lard, tout ce qui pouvait se diviser, en autant de rations qu'il y avait de têtes.
Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 50. 2. La compar. est implicite. [La prop. introd. par que est sous-entendue et se trouve implicitement exprimée dans le contexte précédent] J'en fais tout autant (que lui, que ce qu'on a fait...); je ne l'estime pas autant (qu'auparavant); je n'en dirais pas autant de... (que ce que je viens d'entendre, de dire) : 13. Alors vous iriez parcourir le canton que je vous indiquerois; vous jugeriez de la situation du sol, de sa qualité, de celle des arbres; et d'après ce qu'ont fait les colons chez qui vous logeriez, vous sentiriez bientôt si vous êtes capable d'en faire autant : ...
Crèvecœur, Voyage dans la Haute Pensylvanie,t. 1, 1801, p. 180. 14. Il y a cinq ou six pièces semblables dans ma maison de ville au premier étage, et autant au second, outre un grand nombre de petites pièces hautes et détachées, pour des domestiques européens; ...
Lamartine, Voyage en Orient,t. 1, 1835, p. 209. 15. don léopold auguste, émettant un petit jet de poussière à chaque coup. − Pouf! pouf! pouf!
la logeuse, tapant et retapant. − Pan! pan! Je n'aurais jamais cru qu'il tienne autant de poussière dans un savant. Pan! Attrape ça, mon vieux Philippe Auguste!
Claudel, Le Soulier de satin,1929, 3ejournée, 5, p. 792. 3. Loc. impersonnelle. Autant vaut (il). − Autant vaut + inf. suj. que de + inf. : 16. Autant vaut faire cela sur le champ que de différer.
Ac.1798. − Autant vaut (il) que + subj. : 17. ... et, puisqu'il n'avait pas trouvé la paix dans ce coin, où les familles se buvaient le sang, autant valait-il qu'il retournât au massacre.
Zola, La Terre,1887, p. 501. − [Avec ell. de la prop. compar.] Dans ces cas là, autant vaut se taire (que de dire des banalités). − [Avec ell. du verbe valoir] Autant dire, autant faire, etc. : 18. C'est bien fait pour moi. J'avais ce qu'il me fallait, un ami excellent, un second mari, autant dire. Je l'ai malmené de toutes les manières, il en a eu assez, ça se comprend.
Becque, La Parisienne,1885, p. 330. − P. anal., avant un subst. : 19. ... le péché nous attend partout; dans le doute autant l'abstinence; ...
Gide, Paludes,1895, p. 101. Rem. 1. Autant vaut ajoute une idée de résignation dans l'affirmation, mais est aussi une façon atténuée d'exprimer une préférence (cf. l'expr. J'aime autant + inf.). 2. Autant dire est très souvent employé dans la conversation cour. pour apporter une précision, rectifier sa pensée. − Autant vaut empl. absol. Un homme mort ou autant vaut (Ac.1798).Synon. pour ainsi dire, peu s'en faut : 20. On l'avait maintes fois averti que sa langue lui attirerait quelque méchante affaire; mais il n'en a tenu compte, Dieu sans doute le voulant châtier, afin d'instruire ses pareils, qui ne se peuvent empêcher de crier quand on les écorche. Le voilà mis en jugement et condamné, ou autant vaut.
Courier, Pamphlets pol.,Aux âmes dévotes de la paroisse de Véretz, 1821, p. 91. Rem. Autant vaut, au contraire de autant + inf., apporte une restriction dans une affirmation. B.− Autant a pour corrélatif autant. 1. Autant + prop. (...) autant + prop. avec en tête la prop. qui serait introd. par que : 21. J'accepte de devoir mépriser l'univers entier, mais non mon fils. Je crois que je serais capable de le tuer, s'il ne répondait pas à ce que j'attends de lui.
ferrante. − Alors, tuez-le donc quand il sortira de vous. Donnez-le à manger aux pourceaux. Car il est sûr que, autant par lui vous êtes en plein rêve, autant par lui vous serez en plein cauchemar.
Montherlant, La Reine morte,1942, III, 6, p. 225. Rem. On pourrait dire : Vous serez par lui en plein cauchemar autant que par lui vous êtes en plein rêve. Mais autant ... autant met plus fortement en corrélation d'égalité, deux faits, deux choses que ne le ferait autant ... que. 2. Autant de + subst. (...) autant de + subst... : 22. Les enfants commencèrent par se regarder les uns les autres, et par examiner l'étranger de l'air dont ils observent tout ce qui s'offre pour la première fois à leurs yeux : autant de physionomies, autant de curiosités, autant de pensées différentes. Puis le plus effronté, le plus rieur de la bande, un petit gars aux yeux vifs, aux pieds nus et crottés, lui répéta, selon la coutume des enfants : − La maison de M. Benassis, Monsieur?
Balzac, Le Médecin de campagne,1833, p. 14. − Proverbe. Autant de têtes, autant d'avis (cf. avis). ♦ Autant d'hommes, autant de cochons (cf. Zola, La Terre, 1887, p. 306). ♦ Vx. Autant comme autant. Également, en même quantité (souvent pour donner une quantité évasive) : 23. − T'as dû lui en connaître toi des maîtresses, hein dis Léon? Elle se tuyautait la vache. − Autant comme autant! qu'il lui a répondu fermement, mais tu sais... lui d'abord... il est pas difficile! ...
Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 504. C.− Loc. Être autant de + subst. : 24. Les grèves étaient autant de beaux jardins de goémons et d'algues et sentaient bon la mer nouvelle.
Queffélec, Un Recteur de l'île de Sein,1944, p. 30. Rem. Cette loc. insiste partic. sur l'identité, l'équivalence des deux procès mis en corrélation, puisqu'en réalité il s'agit d'une même chose vue sous deux angles différents (cf. l'expr. suivante). − (Être) comme autant : 25. En un instant, mille pensées vives et douloureuses me piquèrent comme autant de dards.
Balzac, La Peau de chagrin,1831, p. 141. − [Avec ell. de être, ou de comme... autant de] :
26. Vanité et formes diverses d'exhibitionnisme, volonté de puissance, recherche de l'utilité, fuite de l'ennui, besoin de soumission intellectuelle, autant de forces latérales qui poussent à la recherche du savoir, mais qui ne sont pas une impulsion à savoir, bien qu'elles produisent peut-être plus de science que l'amour de la science.
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 614. Rem. Se rencontre dans le discours à la suite d'une énumération en guise de conclusion, pour établir une équivalence numérique. Se rapporte toujours à ce qui précède (valeur anaphorique). − Proverbe. Autant en emporte le vent : 27. J'ai peur qu'il ne soit dupe d'une coquette. Ce serait n'avoir pas perdu de temps. Je lui ai donné de bons conseils : Autant en emporte le vent...
Michelet, Journal,1820, p. 124. Rem. À la suite d'un cont., où il est question de conseils, de promesses, pour signifier que tout ce qui a été dit est resté sans effet. II.− Adv. exprimant un rapport de grandeur, d'intensité entre deux procès, la notion d'égalité passant au second plan, ou s'effaçant. A.− Autant qu'il est possible, autant que possible. Dans la mesure du possible. Autant que faire se peut : 28. La vitrière avertit Gamelin que le citoyen Desmahis n'était pas chez lui, ce qui ne pouvait beaucoup surprendre le peintre, qui savait que son ami était d'humeur vagabonde et dissipée, et qui s'étonnait qu'on pût graver autant et si bien qu'il le faisait avec aussi peu d'assiduité. Gamelin résolut de l'attendre, ...
A. France, Les Dieux ont soif,1912, p. 44. 29. ... Eh bien, je crois Jenny heureuse! ... Oui... heureuse, comme elle ne l'a jamais été; − heureuse, autant qu'il lui est permis de l'être... car Jenny n'est pas née pour le bonheur. Enfant déjà, elle était profondément malheureuse et personne n'y pouvait rien : ...
R. Martin du Gard, Les Thibault,Épilogue, 1940, p. 859. B.− Fam. Autant de + part. passé.C'est autant de pris, de gagné, de fait. Synon. c'est toujours cela de (pris...).Autant de gagné sur l'ennemi : 30. Au moment où son excellence vous regardera, vous tirerez ma montre que voici et que je vous prête pour le voyage. Prenez-la sur vous, c'est toujours autant de fait, donnez-moi la vôtre.
Stendhal, Le Rouge et le noir,1830, p. 370. Rem. L'expr. autant de met en rapport proportionnel ce qui vient d'être mentionné, et le tout qui est à faire, à prendre, etc. C.− D'autant.Dans cette proportion. Il s'est trompé d'autant : 31. Je rêve souvent vaguement pendant tout ce temps et mes facultés en déclinent d'autant. Je sors toujours des séances dans un état de mobilité et d'incapacité d'attention; ...
Maine de Biran, Journal,1814, p. 30. D.− Une fois, deux fois, trois fois autant... etc. (avec une idée de multiplication entre deux grandeurs). − De même pour exprimer la quantité ou le nombre ♦ Autant et davantage : 32. Cela faisait trois cent cinquante francs, auxquels, disait-il d'une voix geignarde, il devait en ajouter autant et davantage, sans arriver à nourrir le vieux.
Zola, La Terre,1887, p. 429. E.− D'autant plus; d'autant moins; d'autant mieux. 1. [Suivi du corrélatif que] D'autant plus + adj. (...) que (avec ou sans compar.) : 33. ... mais la faiblesse aurait tourné en douceur peut-être. Il est sûr qu'un verre d'alcool peut changer toute une vie. Et je dis même qu'il la jettera d'autant plus bas qu'elle aura plus de germes de noblesse. L'homme qui sent qu'il aurait pu vivre réellement et sincèrement comme il faut est plus sujet à désespérer de lui-même, et à se punir lui-même en quelque sorte, en se laissant aller tout à fait.
Alain, Propos,1909, p. 66. 2. [Empl. sans membre conséquent] :
34. J'ai quelque honte, près de toi, à m'avouer que j'ai souvent pris des vessies pour des lanternes, mais le monde m'en paraît d'autant plus illuminé! Les idoles facilitent le bonheur; ...
Gide, Correspondance[avec Valéry], 1896, p. 274. III.− Autant, adv. d'intensité en compos. dans les loc. adv. ou conj. A.− [À valeur causale et adversative] 1. D'autant plus, d'autant moins, d'autant mieux que ou d'autant que : 35. ... enfin, coquette, ambitieuse, envieuse, fausse et vindicative, elle est d'autant plus dangereuse, que son ton, sa vivacité, ses manières si naturelles, son air ouvert, étourdi, et jusqu'à sa gaieté, ne permettent pas de la soupçonner d'artifices, et n'annoncent jamais que la franchise et la bonté : ...
Mmede Genlis, Les Chevaliers du Cygne,t. 1, 1795, p. 64. 36. le secrétaire général. − Mademoiselle, le conseil me réclame. Mais me feriez-vous le plaisir de venir demain poursuivre cet intéressant entretien? D'autant que la dactylographe qui travaille dans mon bureau entasse les fautes de frappe, et que je songe à l'écarter.
Giraudoux, L'Apollon de Bellac,1942, p. 59. Rem. Cette loc. utilisée pour marquer la mesure, la proportion entre deux faits (cf. supra) sert à relever une cause partic., l'importance d'un motif de penser ou d'agir lorsque l'idée de mesure ou de proportion s'efface selon le sens du cont., ou l'absence du compar. dans le membre de phrase qui suit (cf. Ac. 1835). Elle équivaut à « surtout parce-que », partic. après une princ. négative. 2. [Uniquement dans une phrase négative, interr. ou dubitative] Pour autant. Pour cela qui est si peu; pour cette cause cependant : 37. Devant le docteur Rieux, un vieux prêtre et un jeune diacre qui sortaient à ce moment eurent du mal à retenir leur coiffure. Le plus âgé ne cessa pas pour autant de commenter le prêche.
Camus, La Peste,1947, p. 1404. Rem. 1. Attesté ds Rob., Dub., Lar. Lang. fr. 2. On peut rapprocher pour autant, de pourtant (cf. Grev. Probl. t. 3 1964, p. 241). 3. Cette expr. est considérée comme incorrecte par de nombreux linguistes (Ibid.). 4. Cette loc. sert de coordination causale avec la phrase précédente. B.− [À valeur restrictive] 1. Pour autant que + subj.Dans la mesure où, à proportion que. Pour autant que je (le) sache, qu'il m'en souvienne; pour autant qu'il soit possible : 38. clytemnestre. − Moi je n'ai point le loisir de languir ainsi à la porte.
Car déjà près du foyer dans le centre de la maison les moutons sont rangés pour le sacrifice, et le feu brûle.
Pour autant que nous n'eussions pas espéré ce bonheur!
Claudel, Agamemnon,trad. d'Eschyle, 1896, p. 892. 39. ... c'est le vrai restaurant des gourmets. Et il a fallu que je lui « raconte le menu » par le détail. Le repas était excellent; les vins merveilleux, pour autant que j'en ai pu juger par les sourires que faisaient Robert et notre hôte en les dégustant, car moi je n'y connais pas grand-chose.
Gide, L'École des femmes,1929, p. 1274. 2. Autant que.Autant qu'il m'en souvient, que je sache... : 40. Il y renonça bientôt, et me donna pour précepteur un Français, M. de La Grange, qui était entré comme chirurgien-major dans son régiment. Ce M. de La Grange faisait profession d'être athée. C'était du reste, autant qu'il m'en souvient, un homme assez médiocre, fort ignorant, et d'une vanité excessive.
Constant, Le Cahier rouge,1830, p. 3. Rem. 1. Attesté dans les dict. gén. du xxes. à partir de Rob.; le sens est récent. 2. C'est le cont. qui donne toute sa valeur à l'expr. « autant que possible ». Il travaille autant que possible; mais je désirerais, autant que possible, que...; dans ce cas l'expr. prend un sens plus restrictif. C.− [À valeur concessive] Autant que + subj... (prop. princ. à l'ind., équivalent du tour aussi + adj. (...) que, ou de si + adv. en -ment (...) que).Autant qu'il ait bu, il sait à peu près se tenir (Mauriac, Les Mal Aimés,1945, p. 1). Rem. 1. Attesté ds Rob. et Grev. 1961, § 1031. 2. Tour fréquemment empl. par Mauriac, P.-H. Simon, et qui sans doute, sera consacré par l'usage pour sa qualité de concision. PRONONC. − 1. Forme phon. − Cf. autan. 2. Homon. : auan, ôttant (verbe ôter). ÉTYMOL. ET HIST. − [Ca 1100 anc. forme altretant, ici empl. comme subst. (Roland, éd. Bédier, 3021 : Après icels en avrat altretant) − fin xiiies. Gdf.]. 1. Ca 1170 adj. altant relation d'égalité (Rois, p. 326 ds Gdf. Compl. : Trestore altant chevaliers cume ocis furent de ta privee maignee) emploi comme adj. seulement en a. fr.; ca 1180 adv. autant (Chr. de Troyes, Perceval, éd. Potvin, 4262 ds T.-L. : En la sale ki fu quaree Et longhue autant comme lee), autant comme encore au xviies. (Corneille ds Dict. hist. Ac. fr., t. 4, p. 496); début xiiies. autant adv. empl. absol. (Villehardouin, Conquête de Constantinople, 137, ibid., t. 4, p. 488 : Là s'arestèrent-il a grant doute, car il doutèrent ceus de fors, et autant doutoient-il ceus dedens, car estoient-il par serement tenus vers le roi de Blaquie, qui devoit les Frans traïr); fin xiiies. loc. proverbiale (autant empl. comme subst.) exprimant la vanité de qqc. (Richard le Beau, éd. W. Foerster, 442 ds T.-L. : Autant en portaissent li vent); 1579 adv. autant... autant insistant sur la relation étroite d'égalité (H. Estienne, Précellence du langage françois, préf. ds Dict. hist. Ac. fr., p. 490 : Or est ceste entreprise non moins haute que belle, et autant qu'elle est haute, autant importante à l'honneur et au proufit de nostre nation). 2. 1532 loc. adv. d'autant « à proportion », loc. conj. d'autant que « vu que » (Rabelais, Pantagruel, II, 17, ibid., p. 491 : D'auttant qu'elles estoient plus horribles et execrables, d'auttant il leur falloit donner d'advantage, aultrement le diable ne les eust voulu biscoter); av. 1544 loc. conj. pour autant que « pour cette raison que » (Marot, Ep. au roy pour avoir esté desrobé, p. 182 ds Gdf. Compl. : Dieu tout puissant te doint, pour t'estrener, Les quatre coins du monde gouverner, Tant pour le bien de la ronde machine; Que pour aultant que sur tous en es digne); 1542 id. autant que « à proportion que » (Reine de Navarre, Lettres ds Dict. hist. Ac. fr., p. 495 : A quoy, aultant que Dieu m'a donné de pouvoir et de savoir, je désire vous fere service, comme le seul point où j'ay l'euil fiché ferme); 1580-92 d'autant plus que « encore plus, pour la raison que » (Montaigne, Essais, I, 22, ibid., p. 493 : Je puis d'autant plus librement disposer de ma fortune, qu'elle est plus mienne; et de moy, que je suis plus mien).
Empr. au lat. vulg. *aliud tantum altéré en *ali tantu, *al tantu (Fouché t. 2, p. 436, 492), lat. class. alterum tantum « une autre fois autant » (Plaute, Bacch., 1184 ds TLL s.v., 1739, 50). La forme anc. altretant, attestée dep. la Chanson de Roland et coexistant jusqu'au xiiies. avec autant, remonte prob. au lat. alterum tantum selon une évolution phonét. normale (cf. les corresp. romans : ital. altrettanto, prov. atretal, esp. otro tanto, REW3, s.v. alter). STAT. − Fréq. abs. littér. : 19 361. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 32 327, b) 23 680; xxes. : a) 22 469, b) 28 555. BBG. − Ac. Can.-Fr. 1968. − Bél. 1957. − Canada 1930. − Dem. 1802. − Dul. 1968. − Le Roux 1752. − Pierreh. Suppl. 1926. − Pohl (J.). Un Fait soc. curieux : tant et autant en Belgique lorraine. Fr. mod. 1956, t. 25, p. 124. − Pope 1961 [1952], § 535, 560. − Rat (M.). De qq. vieilles loc. Déf. Lang. fr. 1968, no44, p. 12. − Spr. 1967. − Tilander (G.). Pourquoi vfr. (aus)si com, (au)tant com, tel com sont-ils devenus (aus)si que, (au)tant que, tel que en fr. mod. Studier i modern språkvetenskap, 1946, t. 16, pp. 31-56. |