| AUGURE, subst. masc. ANTIQ. ROMAINE A.− Observation et interprétation des signes constituant les auspices : 1. La politique seule à Rome avait conservé quelques vieux usages, certaines superstitions d'auspices et d'augures, dont le sénat se servait pour contenir le peuple, pour suspendre ou dissoudre ses assemblées tumultueuses.
Lamennais, Essai sur l'indifférence en matière de relig., t. 2, 1817-23, p. 370. ♦ Le signe lui-même. Synon. auspice. − Mod., p. ext. Idée que l'on se fait de l'avenir d'après certains signes. Synon. présage : 2. turelure. − Je n'ai rien à lui dire! Je ne veux pas le voir.
lumir. − J'en tire bon augure pour le succès de ma requête.
Claudel, Le Pain dur,1918, I, 3, p. 422. ♦ Surtout dans la loc. (être) de bon augure, de mauvais augure : 3. En quinze jours, le programme d'ensemble de la coopération américaine avait été mis sur pied, les plus graves résolutions avaient été prises : l'avant-garde de l'armée des États-Unis allait partir pour l'Europe. C'était d'un bon augure pour l'avenir.
Joffre, Mémoires,t. 2, 1931, p. 462. ♦ Oiseau de bon, de mauvais augure. Personne dont l'arrivée laisse présager quelque chose d'heureux ou de fâcheux. Accepter l'augure d'une chose. Espérer que la chose prédite se réalisera : 4. ... la France demeurait liée à jamais au parlementarisme et à la démocratie; la nation et les principes qu'elle servait s'effondreraient ensemble, ils en acceptaient l'augure : dans le champ clos de l'Espagne, le jugement de Dieu avait été rendu et des milliers de cadavres abyssins attestaient sous les étoiles indifférentes le triomphe de la force.
Mauriac, Le Cahier noir,1943, p. 375. B.− P. méton. Celui qui avait charge d'observer et d'interpréter les signes constituant les auspices et de conserver les règles de cet art. Synon. partiel de aruspice : 5. Ainsi Numa n'est à mes yeux qu'un méprisable jongleur, quand il feint d'avoir des entretiens secrets avec la nymphe Égérie, et quand, pour façonner les Romains à la servitude, il établit des pontifes, des augures et tous ces divers sacerdoces qui ont tenu le peuple de Rome dans la dépendance des grands, qui pendant long-tems pouvaient seuls être admis à ces fonctions.
Dupuis, Abr. de l'Orig. de tous les cultes,1796, p. 454. 6. Ces rois-prêtres étaient intronisés avec un cérémonial religieux. Le nouveau roi, conduit sur la cime du mont Capitolin, s'asseyait sur un siége de pierre, le visage tourné vers le midi. À sa gauche était assis un augure, la tête couverte de bandelettes sacrées et tenant à la main le bâton augural. Il figurait dans le ciel certaines lignes, prononçait une prière, et posant la main sur la tête du roi, il suppliait les dieux de marquer par un signe visible que ce chef leur était agréable.
Fustel de Coulanges, La Cité antique,1864, p. 222. Rem. Du temps même des Romains, la charge d'augure était tournée en dérision, d'où le mot attribué à Caton (repris par Cicéron) ,,Deux augures ne peuvent se regarder sans rire`` : 7. À Rome, on consultait les entrailles des victimes, trois cents ans encore après que Cicéron avait dit que deux augures ne pouvaient déjà plus se regarder sans rire.
Say, Traité d'écon. pol.,1832, p. 44. − Mod., p. anal., iron. Personne qui se prétend en mesure de prédire l'avenir et d'avancer des prévisions dans un domaine particulier : 8. ... on m'a raconté que celui-ci [Jaurès] a cherché à convertir Buisson au socialisme en faisant appel à son bon cœur et que ces deux augures eurent une discussion fort cocasse sur la manière de corriger les fautes de la société.
Sorel, Réflexions sur la violence,1908, p. 242. 9. Tante Félicité parut un jour pour mesurer d'un œil furtif la ceinture de la jeune femme. On inféra de cette mine abattue que Noémi était grosse. Mais un secret colloque avec Cadette, − vieil augure qui présidait aux lessives − la rassura. Dès lors elle crut politique de se tenir à l'écart, ne voulant, disait-elle, feindre d'approuver par sa présence une union monstrueuse, manigancée par les prêtres.
Mauriac, Le Baiser au lépreux,1922, p. 172. PRONONC. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [ogy:ʀ] ou [ɔ-]. Passy 1914, Dub. et Pt Lar. 1968 indiquent la prononc. avec [o] fermé. Passy note une durée mi-longue sur [o]. Barbeau-Rodhe 1930, Pt Rob. et Warn. 1968 donnent les deux possibilités de prononc. (Barbeau-Rodhe note comme Passy une durée mi-longue dans le cas de [o]). Harrap's 1963 admet uniquement la prononc. avec [ɔ] ouvert. Pour [o] et [ɔ], cf. augmenter et aussi V. Buben 1935, p. 54, § 44. 2. Hist. : [o] fermé pour la 1resyll. ds Land. 1834, Fél. 1851, Littré et DG; Fér. Crit. t. 1 1787 écrit augûre et signale que ,,Brébeuf, Rollin et l'ab. Guénée écrivent augur sans e [ce qui] est une mauvaise orthographe``. ÉTYMOL. ET HIST.
I.− Ca 1150 Antiq. « présage, divination » (Thèbes, éd. L. Constans, I, 1890, v. 2038 : Amphiaras manda li reis, Un arcevesque mout corteis : Cil esteit maistre de lor lei, Del ciel saveit tot le secrei; [...] De toz oiseaus sot le latin, Soz ciel n'aveit meillor devin [...] Mais li reis forment le conjure Que veir li die de l'augure); 1160 fig. (Wace, Rou, éd. Andresen III, 10124 ds T.-L. : Henris iert reis hastivement, Se mis augures ne me ment).
II.− 1355 « prêtre dont la charge était d'observer le vol des oiseaux » (Bersuire, Tite-Live, ms. St Gen., fo1 rods Gdf. Compl. : Augur estoit celui prestre ou prophete qui la chose enqueroit).
I empr. au lat. augurium « présage » (dep. Plaute, Asin., 263 ds TLL s.v., 1373, 64); fig. « prévision » (Cicéron, Tusc., 1, 33, ibid., 1375, 45). II empr. au lat. augur « prêtre chargé de faire des prédictions, en partic. d'apr. le vol des oiseaux » (Caton, Agr., 5, 4, ibid., 1366, 67). Le texte de 1213, Fets des Romains, 735, 8, cité par Flutre ds Romania, t. 65, p. 483 et avancé comme première attest. par certains dict., porte non augure mais augurreres, cas suj. de augureor « augureur ». STAT. − Fréq. abs. littér. : 449. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 911, b) 1 008; xxes. : a) 409, b) 340. BBG. − Bible 1912. − Bouillet 1859. − Divin. 1964. − Foi t. 1 1968. − Gottsch. Redens. 1930, p. 454. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 90. − Lacr. 1963. − Lavedan 1964. − Le Roux 1752. − Perraud 1963. |